Des personnes âgées "rationnées", abandonnées dans leurs excréments ou laissées sans soin pendant des jours: la parution d'un livre-enquête dénonçant l'obsession de la rentabilité au sein du groupe privé de maisons de retraite Orpea fait des vagues en France. Le Monde a publié les "bonnes feuilles" de cet ouvrage baptisé "Les Fossoyeurs". Le journaliste indépendant Victor Castanet y décrit un système où les soins d'hygiène, la prise en charge médicale, voire les repas des résidents sont "rationnés" pour améliorer la rentabilité.
"Dès que je suis arrivée dans cette unité, dès que l’ascenseur s’est ouvert, j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Déjà, il y avait cette odeur de pisse terrible, dès l’entrée. Et je savais que c’est parce que [les résidents] n’étaient pas changés assez régulièrement", raconte notamment une auxiliaire de vie citée par l'auteur. Et celle-ci de poursuivre : "Ça s’est révélé être le cas. Je suis restée près d’un an là-bas, et je ne vous dis pas à quel point il fallait se battre pour obtenir des protections pour nos résidents. Nous étions rationnés : c’était trois couches par jour maximum. Et pas une de plus. Peu importe que le résident soit malade, qu’il ait une gastro, qu’il y ait une épidémie. Personne ne voulait rien savoir."
"J'ai obtenu des témoignages selon lesquels ces dysfonctionnements trouvaient leur origine dans une politique de réduction des coûts mise en place à un haut niveau" de l'entreprise, a résumé l'auteur auprès de l'AFP. Le livre paraît ce mercredi.
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Orpea réfute les accusations
Le gouvernement français a convoqué le directeur général du gérant d’Ehpad privés.
L'entreprise a "contesté formellement" lundi soir les accusations, qu’elle juge "mensongères, outrageantes et préjudiciables".
"Nous ne rationnons pas, cela ne correspond pas à nos directives, cela ne correspond pas à nos valeurs", a déclaré mardi soir sur BFM TV Jean-Christophe Romersi, directeur général d'Orpea. "Nous ne sacrifierons jamais la qualité de l'accompagnement, la qualité des soins à quelque notion de rentabilité que ce soit", a-t-il ajouté.
Olivier Véran envisage de diligenter une enquête de l'inspection générale
Pour Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, "si la situation est celle décrite dans le livre, c'est un pur scandale". "Il faut dénoncer, il faut contrôler, il faut sanctionner si c'est avéré", a-t-il dit sur RTL.
"Si les faits dénoncés sont avérés, certains d'entre eux sont inacceptables et susceptibles d'être condamnés", a commenté de son côté dans un communiqué l'AD-PA, l'Association des directeurs au service des personnes âgées.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a assuré mardi sur LCI "prendre très au sérieux" le livre, tout en voulant attendre "des éléments factuels".
La ministre déléguée chargée de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, a indiqué mardi soir dans un communiqué qu'elle allait convoquer le directeur général d'Orpea "dans les plus brefs délais afin qu'il explique la situation dans les Ehpad du groupe".
"Je pourrais aussi diligenter une mission d'inspection indépendante auprès de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) pour investiguer à l'échelle du groupe", a-t-elle précisé.
D'autres groupes du même secteur ont été affectés, notamment Korian, qui a perdu 4,80% à 22,62 euros, après une chute de près de 15% lundi.
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