Encore convalescente, la filière du foie gras français entend tourner le dos à une crise retentissante causée par deux épidémies de grippe aviaire et monter en gamme, pour valoriser ses investissements en termes de sécurité sanitaire.
Les producteurs de foie gras ont confirmé mercredi avoir bien résisté en 2017, après deux épidémies successives de grippe aviaire, qui ont mis à mal la filière. Malgré une chute de production de 20%, la profession a réussi à contenir la baisse des ventes à -12,8% en volumes grâce aux stocks existants, a indiqué le comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog), lors d'un point presse.
Mais surtout, grâce à une stratégie de montée en gamme, les ventes en valeur sont restées stables en 2017, progressant de 1%.
Cette "+premiumisation+ (montée en gamme, ndlr) des grandes marques" résulte, selon Marie-Pierre Pé, directrice générale du Cifog, de la "hausse des coûts de production tout au long de la chaîne", due à la mise en place de mesures de sécurité destinées à endiguer la propagation de maladies.
La profession avait déjà subi une baisse de même amplitude (-20%) de la production de palmipèdes à foie gras, en 2016. Résultat des attaques de virus H5N8 durant l'hiver 2016-17 et H5N1 en 2015-16 dans les départements du Sud-Ouest.
Malgré cela, la filière a vu son excédent commercial augmenter de 2% en valeur, à 22,9 millions d'euros, l'an passé.
"On est quand même encore loin de l'excédent de 57 millions en 2015", a reconnu Marie-Pierre Pé.
Néanmoins, les producteurs de foie gras espèrent retrouver ce niveau d'excédent et même allègrement le dépasser dans les prochaines années, avec un plan de filière à cinq ans.
"Nous visons un excédent commercial du foie gras à 100 millions d'euros dans les cinq ans", a déclaré Mme Pé.
Dans cette optique, la reconquête des marchés pays tiers est une des priorités, "la région Asie, prioritairement", selon le Cifog.
Son président, Michel Fruchet, s'est félicité du redémarrage des ventes vers le Japon, premier débouché hors Europe des foies français.
- Le foie gras low-cost a vécu -
Le renforcement du dispositif règlementaire et notamment la mise en place du contrôle des animaux avant tout transport, a permis d'éviter des accidents aussi dramatiques que les autres années, s'est félicité M. Fruchet. Le transport d'animaux contaminés d'un département à l'autre avait été à l'origine de la deuxième épizootie.
Mais il reste encore, pour garantir la biosécurité, 750.000 mètres carré de bâtiments à créer en cinq ans, pour mettre les animaux à l'abri en cas de crise, a rappelé le Cifog.
Tout cela a un coût, les investissements dans les nouvelles mesures de biosécurité ont été estimées à 20.000 euros par exploitation en moyenne.
Ce qui amène M. Fruchet à prévenir que les producteurs ne souhaitent pas transformer autant de canards qu'avant la crise, car le marché ne pourrait pas l'absorber: "On est incapable de faire du canard à prix d'appel parce que le prix du canard ne le permet plus, du fait de nouvelles contraintes en termes de biosécurité", a-t-il expliqué.
Après 23 millions de canards en 2017 (37 millions en 2015), M. Fruchet estime "entre 25 et 28 millions", la fourchette de canards produits en 2018, un chiffre à diviser environ par deux pour obtenir la quantité de foie gras produite en kilos.
Autre levier de redressement de la filière, la reconquête du marché français par le made in France au niveau de l'hôtellerie et de la restauration. Ce secteur stratégique a vu ses ventes fondre de 40% en cinq ans, selon M. Fruchet.
Il reconnaît que les producteurs français ont sous-estimé les efforts de leurs "amis bulgares", qui "se sont organisés commercialement pour venir frapper directement à la porte" des clients français.
Dans son plan de filière à cinq ans, la profession entend adapter sa production à la demande et aux attentes sociétales: elle fait ainsi valoir ses investissements dans la recherche sur le bien-être animal et se targue d'avoir réduit la durée du gavage de 30 à 10 jours, sur les 30 dernières années.
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