Flambée des appels à la permanence de prévention du suicide Agri'écoutes, envolée des demandes de prime d'activité (RSA), cellules d'urgence préfectorales: les preuves de l'épuisement moral des agriculteurs se multiplient.
"On sent les gens épuisés moralement", a déclaré mercredi Pascal Cormery, président de la Mutualité Sociale Agricole (MSA), lors d'une conférence de presse où il a détaillé les immenses problèmes de tout un secteur.
La MSA relève une "montée en charge" des appels d'agriculteurs en détresse à la cellule Agri'écoutes, permanence anonyme 24/24H lancée fin 2014.
Jusqu'à décembre 2015, Agri'écoutes recevait en moyenne 90 appels par mois, mais elle en a reçu 365 en janvier, 389 en février et 270 en mars.
"Historiquement c'étaient plutôt des éleveurs isolés, célibataires, qui appelaient, aujourd'hui ce sont les familles qui sont en difficulté", a souligné le directeur général de la MSA Michel Brault.
Le risque de dérapage vient surtout de ceux qui n'osent pas se confier et restent enfermés chez eux. La MSA de Normandie a donc mené une action de sensibilisation auprès des professionnels qui passent souvent dans les exploitations (techniciens, inséminateurs) pour qu'ils sachent distinguer les signes les plus significatifs de détresse.
Autre preuve de la précarité qui touche les agriculteurs: l'augmentation des demandes de la prime d'activité, qui remplace le RSA activité et représente en moyenne 183 euros par mois.
"Dernièrement, un bon nombre de salariés agricoles étaient en difficulté, mais aujourd'hui ce sont également les exploitants agricoles" qui se manifestent, a également expliqué M. Cormery.
La MSA a ainsi reçu 153.000 demandes de primes d'activité l'an dernier contre 60.000 attendues, dont 34% pour les non-salariés, a-t-il indiqué.
"Quand des exploitants agricoles, qui s'exposent habituellement peu à demander de l'aide, demandent 180 euros, c'est qu'il y a un problème", assure-t-il.
- Crise économique et intempéries -
La MSA est également présente dans les cellules d'urgence créées dans les préfectures pour répondre à la crise de l'élevage, aux côtés de représentants des chambres d'agriculture, centres de gestion, banques, et de l'administration fiscale.
Selon M. Cormery, une conjonction de facteurs fait que "les mois de septembre et octobre peuvent être à haut risque pour le monde agricole".
A la crise économique et sanitaire (fièvre catarrhale ovine et grippe aviaire) s'ajoutent aujourd'hui les intempéries qui ont encore plus fragilisé ceux qui l'étaient déjà et touché des professions qui ne l'étaient pas encore, comme les maraîchers.
La MSA a prévu un budget de 60 millions d'euros de prise en charge de cotisations pour l'année 2016, une somme financée sur le budget de la sécurité sociale.
Le contrat d'objectif signé avec l'Etat pour 2016-2020 prévoit pour ces aides d'urgence un budget de 30 millions d'euros par an, dont 15 millions pour la MSA et 15 autres millions venant du ministère de l'Agriculture.
Cependant, pour M. Cormery, "les mesures sociales ne peuvent pas compenser de manière intégrale des pertes économiques".
"Il faut peut-être que la profession ait une réflexion sur une assurance revenu ou une assurance récolte. Cela mettrait moins la pression à la MSA face aux difficultés économiques", assure-t-il.
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