François Hollande a promis que les entreprises pourront "davantage" négocier le temps de travail. Contrairement à ce que le débat récurrent sur les 35 heures laisse penser, l'augmenter sans trop faire exploser le coût des heures supplémentaires est déjà possible.
Avec la réforme annoncée du droit du travail, "la durée légale de travail ne changera pas" mais les entreprises "pourront davantage" négocier pour aménager la durée du travail, a assuré lundi le président.
A l'image de l'accord proposé par Smart, les entreprises peuvent largement déroger aux 35 heures. Vendredi, les 800 salariés de l'usine d'Hambach (Moselle) sont consultés sur un retour provisoire aux 39 heures entre 2016 et 2019. En contrepartie de l'effort demandé aux salariés (39 h payées 37h et réduction de RTT pour les cadres), le constructeur allemand garantit un maintien des emplois jusqu'en 2020.
Ce projet d'accord a été proposé à l'occasion des négociations annuelles obligatoires sur les salaires. Quel que soit le cadre (négociation sur les salaires, les 35 heures, accords de maintien de l'emploi ou de compétitivité, etc.), les entreprises ont la possibilité d'aménager la durée du travail, au moins sur le papier: "le +carcan des 35 heures+ n'existe pas", reconnaissent Gilbert Cette et Jacques Barthélémy, auteurs des propositions de Terra Nova pour assouplir le droit du travail.
"Rien n'interdit aujourd'hui de dépasser ce seuil" servant de calcul au déclenchement des heures supplémentaires, et d'abaisser la facture d'heures sup, expliquent l'économiste et le juriste dans leur rapport publié la semaine dernière par le think tank proche du PS.
De fait, la durée moyenne d'une semaine normale de travail en France, sans absence exceptionnelle (jour férié, congé, etc. ) dépasse 39 heures pour les salariés à temps complet.
- difficile de négocier -
"Il existe des possibilités de flexibilité", observe Sylvain Niel, du cabinet d'avocat d'affaires Fidal. Par exemple: "négocier une modulation du temps de travail sur l'année, abaisser le taux de majoration des heures supplémentaires jusqu'à 10% (au lieu de 25% pour les huit premières heures) et un contingent annuel d'heures supplémentaires supérieur à celui prévu par la loi". Ou bien encore la mise en place d'un forfait jours pour les cadres.
Dans les années 2000, "beaucoup" d'accords ont permis d'adapter les durée du travail à l'activité, notamment "dans le bâtiment-travaux publics, l'industrie et le commerce de détail", relève-t-il.
Pourquoi alors les 35 heures soulèvent-elles alors toujours des débats passionnés?
Au-delà des expressions de "mauvaise foi pour des raisons idéologiques", les appels récurrents à supprimer les 35 heures résultent surtout d'"une profonde méconnaissance du droit de la durée du travail", estiment Gilbert Cette et Jacques Barthélémy.
"Peu de patrons de TPE et même de PME connaissent la loi" d'août 2008, qui a simplifié les possibilités d'aménagement, constatent-ils.
Dans les petites entreprises, rares sont les employeurs à "pouvoir se permettre d'avoir un service juridique ou faire appel aux conseils réguliers d’un avocat pour décortiquer le millefeuille lourd et complexe qu’est devenu le code du travail", abonde Déborah David, du cabinet JeantetAssociés.
Cependant, pour son confrère Sylvain Niel, le "problème n'est pas la question de la lisibilité des textes" mais "la difficulté d'obtenir aujourd'hui un accord des organisations représentatives".
"Dans un contexte de difficultés économiques, le personnel peut adhérer à une optimisation du temps de travail pour éviter les licenciements mais dans les autres cas de figure, c'est très difficile de négocier", affirme-t-il.
Pour l'avocat, relever la barre des accords à 50% des voix aux élections professionnelles (au lieu de 30% actuellement pour la majorité) ne changera rien si la "qualité" du dialogue social dans les entreprises ne s'élève pas.
Me David souligne pour sa part que les conséquences des refus des salariés de se voir appliquer un accord d'entreprise freinent les entreprises. Si l’accord Smart est signé, "il faudra que l’entreprise obtienne l’accord de chaque salarié concerné pour le mettre en œuvre" et licencier les "récalcitrants", au risque "de perdre des talents".
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