Depuis la rentrée, Marine Le Pen concentre ses attaques sur la question des migrants, multipliant en toutes occasions les déclarations polémiques, persuadée d'y trouver le sésame électoral pour s'ouvrir les portes d'une ou plusieurs régions en décembre.
La patronne du FN fait jouer les images, comme le cadre bucolique mais selon elle menacé du sud de l'Essonne pour lancer lundi la campagne des régionales en Île-de-France de sa tête de liste régionale, Wallerand de Saint Just. Devant les caméras, elle a pointé un cours d'eau paisible, un ciel diaphane de fin d'été, un moulin propret... mais abritant des "clandestins", présentés comme une nuisance pour le voisinage.
Alors qu'un membre de son entourage déplorait au début de l'été que le FN ne réagisse pas au "lance-flammes" sur le sujet, Marine Le Pen a visiblement changé de stratégie à l'approche de régionales où elle vise "quatre à cinq régions", surtout le Nord-Pas de Calais-Picardie et Paca, même si ces institutions n'ont pas de compétence sur le sujet.
Marine Le Pen n'avait en effet jamais autant insisté sur ce thème depuis 2012, répondant ainsi aux nombreuses images de migrants, de Grèce jusqu'en Allemagne. 500.000 d'entre eux ont jusqu'ici été dénombrés aux frontières de l'UE en 2015, a annoncé mardi Frontex, un chiffre historiquement considérable, à comparer toutefois aux 508 millions d'habitants de l'Union (0,1%).
Un "retour aux fondamentaux" ? "Je ne les avais jamais quittés !", certifie-t-elle, avant d'ajouter: "Ce serait piquant que le FN ne parle pas d'immigration quand l'Europe entière en parle et quand même l'UMP vient de découvrir que c'est un problème".
Les solutions sont toujours les mêmes, sortie de Schengen, "rétablissement des frontières", "fin des incitations sociales et juridiques à l'immigration massive", mais le ton, dramatique, se radicalise en cette rentrée. Dans la petite ville du sud de l'Essonne, lundi, la présidente du FN a ainsi exprimé sa crainte que cet afflux ne ressemble "à l'invasion du IVe siècle", c'est-à-dire aux invasions barbares, et qu'il ait "les mêmes conséquences": à l'époque, la chute de l'Empire romain.
Le FN développe aussi l'idée du développement d'une "préférence étrangère" en France dans de nombreux domaines, qui favorise les étrangers au détriment des nationaux.
- "Un avantage concurrentiel" -
Martelant ce thème, Mme Le Pen a eu recours à des chiffres erronés sur la proportion d'hommes, de femmes et d'enfants dans les flux arrivant aux portes de l'UE (elle l'a reconnu elle-même) ou à de fausses citations, comme lundi à Arpajon où elle a repris une phrase attribuée à Valérie Pécresse par le Canard Enchaîné, que le journal satirique avait pourtant reconnue fausse.
Profitant des hésitations des Républicains sur le sujet, qui n'expriment guère de position commune, et de la position du gouvernement qui, après avoir refusé les quotas de migrants, a fini par les accepter, Marine Le Pen parvient ainsi à faire oublier la violente crise avec son père. "Vous avez vu ? Plus personne n'en parle", se réjouissait un conseiller mardi.
Mais elle réussit aussi à unir son camp, loin des plus clivantes questions économiques: 84% des sympathisants FN sont opposés à l'accueil de migrants ou de réfugiés en France, selon un sondage Elabe dévoilé mercredi, dont 62% totalement. "C'est pour elle un avantage concurrentiel par rapport à d'autres formations, notamment les Républicains", note Yves-Marie Cann, directeur des études politiques d'Elabe. Les sympathisants du parti de Nicolas Sarkozy sont en effet tiraillés sur le sujet: 60% d'opposition à cet accueil dont "seulement" 22% d'opposition totale.
Cette stratégie pourrait aussi lui bénéficier dans "sa" région du Nord-Pas de Calais-Picardie, où nombre d'habitants appartiennent aux catégories populaires. "Toutes professions confondues, ce sont les plus opposés à l'accueil des migrants et des réfugiés", selon M. Cann, qui conclut: "Je ne vois pas en quoi ce qui se passe aujourd'hui pourrait faire refluer le vote FN".
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