Les frappes quotidiennes sur des zones résidentielles dans les villes et villages de l'est de l'Ukraine soulèvent les très délicates questions de la concentration de militaires en zones civiles, ainsi que de la présence d'informateurs parmi la population.
L'AFP a visité de nombreux endroits touchés dans la région de Donetsk, dont les Russes veulent s'emparer, et constaté que des quartiers résidentiels, sans cible militaire apparente, étaient régulièrement frappés.
A Pokrovsk, à 85 km au sud de Kramatorsk, la grande ville de la région, une frappe le 17 juillet a ainsi détruit ou endommagé une dizaine de maisons dans une seule rue. A Kostiantynivka, Toretsk, et même à Kramatorsk, pourtant éloignée du front, des roquettes s'abattent aussi dans des zones d'habitation, entraînant morts et destructions.
Pour les habitants des zones concernées, la raison de ces frappes ne fait souvent guère de doute: ils affirment que des militaires ukrainiens s'étaient installés non loin, dans des maisons ou des écoles abandonnées. L'AFP n'a pas pu confirmer ces affirmations de façon indépendante.
L'organisation Human Rights Watch a récemment accusé les deux belligérants russe et ukrainien de mettre inutilement en danger des civils en basant des troupes au coeur de zones habitées. L'ONG a notamment documenté quatre cas côté russe, dans des zones de l'Ukraine occupée, et trois cas côté ukrainien.
"Les forces russes et ukrainiennes doivent toutes deux éviter de baser leurs troupes parmi les civils et faire tout leur possible pour éloigner les civils des environs", a-t-elle exhorté.
Interrogé par l'AFP, le gouverneur de la région de Donetsk, Pavlo Kyrylenko, a répondu: "C'est la guerre. Il est impossible d'éviter la destruction d'infrastructures ou de propriétés". "Notre première tâche est de stopper l'ennemi, cela peut entraîner la destruction d'infrastructures. Il est impossible de mener la guerre d'une autre façon", a-t-il ajouté.
- Informateurs -
Accroupi dans la rue en fumant silencieusement une cigarette, Yevguen, 70 ans, ancien tourneur-fraiseur, citoyen de Kramatorsk "depuis trois générations" contemple l'école numéro 23, totalement détruite par une frappe de missile.
L'établissement, accueillant en temps de paix quelque 500 enfants de 6 à 17 ans, est la deuxième école de la ville réduite en poussière, et sept autres ont été endommagées depuis le début de la guerre, selon Denis Syssoïev, responsable du département éducation à la mairie.
L'école était utilisée depuis le début de la guerre comme dépôt d'aide alimentaire.
Mais pour Yevguen, "les Russes visent les soldats ukrainiens. Je ne sais pas s'ils s'étaient établis dans l'école, mais on les voyait régulièrement aller et venir dans la zone".
"Et dans notre quartier, il y a beaucoup de gens +bien intentionnés+ qui veulent aider et qui informent les Russes", grince-t-il.
Accusation reprise par Natalia, une mère de trois enfants qui fréquentaient l'école 23. Elle évoque un groupe Telegram des habitants du quartier, où les commentaires postés laissent peu de doute sur "qui est prorusse et qui ne l'est pas".
Le sujet éminemment sensible des "informateurs" est en effet soulevé après chaque frappe.
"C'est une question: comment l'ennemi connaît-il les coordonnées de lieux où sont basés des militaires ?", fait mine de s'interroger le gouverneur Kyrylenko. "Une grande part de la population reste loyale aux occupants et attend le monde russe. Ils savent que c'est une trahison, ils le regretteront plus tard", assène-t-il.
"Je constate que la haine monte entre les résidents de Kramatorsk", a déploré il y a quelques jours sur Facebook le maire de la ville, Oleksandre Gontcharenko. "Ceux qui attendent la venue (des Russes), qui se sont vu promettre des montagnes d'or et la liberté d'expression de la part de leurs +sauveurs+, sont des idiots", a-t-il asséné.
"Je vous en supplie, calmez-vous. Mettez de côté vos ressentiments, vos soupçons. Dirigez votre colère dans une autre direction, vers ceux qui veulent vous voler votre vie normale et pacifique", a-t-il exhorté.
Selon Galyna Prychtchepa, porte-parole des services de renseignement pour les régions de Donetsk et Lougansk, 37 "informateurs" ont été arrêtés dans le Donbass depuis le début de la guerre, et sont accusés d'espionnage et de haute trahison.
Dans le sud de l'Ukraine, le gouverneur de la région de Mykolaïv, constamment bombardée par les forces russes, a récemment annoncé une prime de 100 dollars pour ceux qui aideraient à identifier les collaborateurs des Russes.
Sur son compte Telegram, Vitali Kim a invité à fournir des informations sur "ceux qui révèlent aux occupants les lieux de déploiement des troupes ukrainiennes" ou les aident à établir les coordonnées des cibles potentielles de bombardements.
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