Face à des "terroristes" qui veulent "tuer" et "mourir en martyr", la Brigade de recherche et d'intervention (BRI) de Paris a dû adapter ses méthodes, explique son chef Christophe Molmy.
Le 13 novembre au soir, la BRI, l'antigang de la police judiciaire parisienne, est intervenue au Bataclan, théâtre du pire carnage des attentats parisiens avec 89 morts, et encore mercredi - avec le Raid - à Saint-Denis pour un assaut sur l'appartement où se terrait Abdelhamid Abaaoud, organisateur présumé des attaques. Déjà, durant les attentats de janvier, ses hommes avaient donné l'assaut lors de la prise d'otages à l'Hyper Cacher. Nos confrères de l'agence France Presse ont interviewé le chef de la BRI, Christophe Molmy.
Quelles ont été les évolutions auxquelles vous devez faire face ?
Christophe Molmy : Dans les années 90 c'était des attentats aveugles avec des bombes dans le métro, voire des prises d'otages avec des négociations assez longues. Là on a des terroristes qui veulent tuer, massivement. Ensuite ils veulent se replier et mourir en martyr. C'est complètement différent. En plus, on a des terroristes mobiles, ils ne sont plus sur un point.
Qu'est-ce que cela a changé pour vous ?
Christophe Molmy : D'abord, et on l'avait fait dès la fin 2014, il a fallu essayer de comprendre la menace. On s'est acculturé autant que possible à l'islam radical. On a formé nos négociateurs à la question pour avoir un peu de sémantique, des repères, des éléments de langage et pouvoir jauger le comportement des terroristes.
En plus il a fallu s'adapter au temps de réaction nécessaire à ce genre de menace. On n'est plus dans des prises d'otages sur un point. Il faut se projeter très vite. Un groupe d'intervention pour l'équipement lourd a une réponse une demi-heure après l'alerte. Revenir, s'équiper, prendre le blindé, les explosifs, le matériel lourd et repartir.
En plus de ça nous avons créé une force d'intervention rapide qui consiste en une quinzaine de fonctionnaires qui ont le matériel avec eux tout le temps, prêts à partir, même en moto. C'est un matériel plus léger avec un gilet balistique qui permet de résister à des munitions de kalachnikov mais qui ne couvre pas le corps comme un gilet lourd qui pèse 30 kg, un casque sans visière, de l'armement.
Avec des terroristes qui ont des explosifs et qui veulent mourir, il faut qu'on aille beaucoup plus vite dans les prises de décision. L'intervention proprement dite doit être plus dynamique et se dire qu'elle est non-réversible. Une fois qu'on rentre et qu'on y va, on ne peut pas essayer de renégocier, faire des pauses et avancer. Quand il y a des otages au milieu on y va jusqu'au bout.
On a aussi beaucoup échangé avec des groupes d'assaut militaires et étrangers pour confronter nos expériences et apprendre.
Vous vous attendiez à une telle menace depuis janvier ?
Christophe Molmy: On se disait que ça allait recommencer. Notre métier est de nous préparer. On s'entraîne sur toutes les hypothèses. On réfléchit, on s'entraîne. Est-ce qu'on peut anticiper une chose pareille? Je ne pense pas, non. On s'adapte. La question c'est 'qu'est-ce qu'on peut faire pour protéger les otages ?'. On est dans une confrontation ouverte, un fois qu'on y est on assume la situation. La ceinture d'explosifs c'est la situation la plus terrible pour nous, elles est désarmante intellectuellement.
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