Chaise roulante plantée dans le sable, Juliette, 84 ans, "a très froid". Elle vient tout juste d'être évacuée par bateau de sa maison de retraite, cernée par la crue centennale de la Seine, simulée depuis près d'une semaine par la préfecture de police de Paris.
A ses côtés, une poignée d'autres pensionnaires, allongés sur des civières et enveloppés dans des couvertures de survie, sur une plage du parc de la Plage bleue, à Valenton, lieu de l'exercice dans le Val-de-Marne.
Un pompier s'enquiert: "Ça va? Pas froid?". "On va vous conduire à un poste médical avancé", leur annonce un deuxième.
Hypothermies, fractures, douleurs thoraciques et lombaires, arrêts cardio-respiratoires: les fiches de soins factices distribuées aux naufragés n'oublient aucune urgence.
Sur le papier, le chauffage de la maison de retraite s'est arrêté depuis plus de 24 heures et ses occupants, octogénaires pour les plus jeunes, souffrent de stress et de fatigue.
Dans la vraie vie, Juliette et ses compagnons d'infortune n'ont pas une ride et leurs lèvres tremblent pour de faux: âgés de 14 à 17 ans, ils sont en formation chez les jeunes sapeurs-pompiers de Paris. Et les berges du plan d'eau, qui domine cet écrin de verdure de 40 hectares, ne sont pas menacées, pas davantage que les oies bernaches, qui barbotent paisiblement.
Mais pour les 400 personnes (organisateurs, secouristes, victimes) qui participent à ce sauvetage grandeur nature, c'est la phase critique du scénario: la crue virtuelle de la Seine, entamée lundi, atteint son pic ce week-end.
Pris au piège par une montée des eaux dépassant les huit mètres, des habitants d'une zone pavillonnaire fictive de Valenton sont contraints de se réfugier sur le toit de leur maison. D'autres sont emportés par les flots.
Deux hélicoptères de l'armée et un autre de la Sécurité civile surgissent alors, pales vrombissantes, pour les hélitreuiller, un par un, dans un ballet spectaculaire, sous les yeux du préfet de police Michel Cadot.
- L'enjeu, la coordination -
Évacuation des victimes, soins des blessés selon la gravité de leur état, prise en charge médicale: "une crue demande une réponse globale", explique le directeur de l'exercice, Gauthier Delaforge, commandant chez les sapeurs-pompiers de Paris.
La plage où sont débarqués les faux naufragés se mue en ruche. Pêle-mêle, se croisent pompiers, bénévoles de la Croix-Rouge, de la Protection civile ou de l'Ordre de Malte et même des plongeurs espagnols de la Guardia Civil, venus prêter main forte pour cet exercice européen.
"Les savoirs techniques, on les a. Ce qu'on teste ici, c'est notre capacité à nous coordonner", résume le lieutenant-colonel Michel Rimélé, responsable des opérations de secours. "Une victime, il faut l'évacuer et la soigner mais aussi la mettre au chaud, la nourrir. Tous les rouages doivent s'imbriquer avec un maximum d'efficacité."
Pour faire face à la pénurie d'eau due à l'inondation, une unité de traitement de l'eau a été mise en route dès 07H00. Elle peut produire jusqu'à 200.000 litres d'eau potable par jour, assez pour 20.000 personnes.
Les exercices de terrain se poursuivent dimanche avec notamment le sauvetage d'une péniche accidentée sur le bassin de la Villette à Paris ou la recherche de personnes bloquées dans leurs voitures dans le canal Saint-Denis.
L'opération Sequana, qui dure quinze jours, se déroule dans cinq départements franciliens avec 900 sauveteurs et 87 institutions et entreprises (Assistance publique-Hôpitaux de Paris, EDF, SNCF, opérateurs téléphoniques, Total, Veolia…). La Seine doit commencer sa décrue à partir de lundi, jusqu'à la fin de l'exercice vendredi.
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