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Face au FN, les patrons partagés entre inquiétude et désir de voir les choses changer

Face au FN, les patrons partagés entre inquiétude et désir de voir les choses changer
Un employé de l'usine Doublet à Avelin, le 25 novembre 2015DENIS CHARLET
 
 

Inquiets, attentistes, ou séduits: face à la perspective de voir le Front national remporter la victoire dans leur région, les chefs d'entreprise sont partagés entre craintes d'un repli sur soi et, pour quelques-uns, désir d'un changement incarné par le parti d'extrême droite.

En Nord-Pas de Calais/Picardie, "tous sont en attente", confie à l'AFP Luc Doublet, dirigeant du fabricant de drapeaux éponyme et président de Nord France Invest, agence de promotion économique de la région.

Mais pour cet entrepreneur à la tête d'un groupe familial de 300 personnes très tourné vers les exportations, "un patron se doit d'être pragmatique. Si le FN passe, il faudra faire avec".

Il se veut même rassurant et estime qu'une victoire de Marine Le Pen au deuxième tour ne devrait pas avoir d'impact majeur sur l'attractivité de la région. "Je crois qu'en fait, une entreprise étrangère s'intéresse toujours au gouvernement central, pas au gouvernement régional", dit-il.

Un argument que soutient François Asselin, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).

"Si vous êtes innovants, si vous avez des produits qui intéressent votre fournisseur, ce n'est pas parce que votre région basculerait au FN que le commerce s'arrêterait" brusquement, déclare-t-il à l'AFP.

La question taraude pourtant les entrepreneurs. Le programme économique du FN n'est pas "responsable", a ainsi mis en garde début décembre le numéro un du Medef Pierre Gattaz.

Le mouvement patronal Ethic a pour sa part décortiqué le programme du parti, affirmant qu'il aboutirait en réalité à une hausse des impôts, du chômage, ou encore à une fuite des capitaux et une perte de compétitivité des entreprises.

En Provence-Alpes-Côte d'Azur, un sondage Ifop-Fiducial paru quelques jours avant le premier tour des régionales montrait que 70% des dirigeants d'entreprises de la région étaient "inquiets pour l'avenir" en cas de victoire du FN.

Et mercredi, la Chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence (CCIMP) a critiqué en creux le programme du parti pour la région, fustigeant "les stratégies de repli", "le recours au protectionnisme", ou encore "la remise en cause de l'Europe".

- Un "espoir" pour certains -

Quelques patrons sont toutefois séduits. Ainsi Gérald Haymann, PDG d'une société de VTC (voitures avec chauffeur) implantée à Cannes, Marseille et Paris, qui est en position d'éligibilité sur la liste de Marion Maréchal-Le Pen en Paca.

"J'apprécie que le programme économique du FN soit dirigé principalement vers les PME et les PMI" (petites et moyennes industries), déclare-t-il.

"Aujourd'hui il faut réformer le RSI (régime social des indépendants), il faut s'attaquer aux banques, qui demandent plus de caution que ce qu'elles vous prêtent", estime M. Haymann qui a pris sa carte du parti en 2014, après avoir été adhérent à l'UMP une dizaine d'années.

Thierry Derbez, dirigeant d'une entreprise d'une centaine de salariés spécialisée dans la création et l'entretien de jardins basée à Saint-Tropez, et qui vote FN, juge que le programme économique du parti est crédible. "Il n'y a que la sortie de l'euro qui est contestable", dit-il.

"En revanche, c'est bien de vouloir baisser les impôts pour que les entreprises retrouvent du souffle", poursuit-il, saluant aussi la "préférence locale" prônée par le FN.

Du côté des grandes entreprises, le PDG d'Orange Stéphane Richard estime jeudi dans les Echos qu'une victoire du FN "rejaillira sur les investissements et sur les marques".

Pour Jean-François Roverato, dirigeant historique d'Eiffage, qui avait donné pour consigne au groupe de BTP de ne pas travailler avec des mairies dirigées par le FN à la fin des années 1990, la situation est désormais compliquée.

"Aucune filiale d'Eiffage n'a traité de chantier à Toulon, Vitrolles, Orange et Marignane, quatre communes que j'avais mises à l'index de 1995 à 2001", période pendant laquelle ces villes étaient administrées par le parti d'extrême-droite, a-t-il indiqué à des journalistes.

Aujourd'hui, "ma conviction personnelle reste la même", a-t-il poursuivi. "Mais je constate loyalement que ça ne me paraît plus possible de boycotter un parti qui fait 28% des voix au premier tour des élections régionales. Cela revient à boycotter 28% du peuple français, cela me paraît un peu excessif."


 

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