#Balancetonporc, #metoo: des milliers de témoignages de femmes ayant subi du harcèlement sexuel affluent ces derniers jours. Et après ? La mobilisation sur les réseaux sociaux, chambre d'écho d'un phénomène massif, pourrait marquer un changement durable dans la prise en compte des comportements sexistes par la société.
"Ah, et au fait #metoo" (moi aussi), peut-on lire dernièrement dans de nombreux statuts sur Twitter ou Facebook, ajoutant d'autres victimes après la déferlante des témoignages de femmes victimes de harcèlement sous le mot-dièse #Balancetonporc.
En écho à l'affaire Weinstein, le producteur américain accusé de harcèlement, agression ou viol, des femmes anonymes ou célèbres ont relaté leurs expériences sur les réseaux sociaux, donnant de la visibilité à un grand nombre de comportements sexistes et faisant émerger une nouvelle façon de se mobilier.
"On vit un moment exceptionnel, permis par les réseaux sociaux", analyse pour l'AFP Danielle Bousquet, présidente du Haut conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes (HCE).
Selon elle, "cette réalité qu'on lit aujourd'hui est une réalité qui s'exprime depuis toujours", mais les femmes n'étaient "pas entendues".
"Le message porté par les associations depuis des décennies commence à être reçu: nous connaissons toutes et tous des victimes, nous connaissons toutes et tous des agresseurs. Il est temps de porter ce message sur la place publique", poursuit-elle, rappelant que "100% des femmes ont une expérience plus ou moins grave d'agression".
Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, a estimé mardi que "tout ce qui peut permettre aux femmes de parler est une bonne méthode", concédant que "derrière un écran" il est plus facile "de dire des choses qui sont extrêmement dures à verbaliser".
- "Moment effervescent" -
Pourquoi alors ces témoignages trouvent-ils plus d'écho sur Twitter que dans les commissariats ou auprès des institutions? "Les femmes ne portent pas plainte car dans 90% des cas elles connaissent leur agresseur et elles en ont peur", répond Emmanuelle Piet, présidente du Collectif français contre le viol (CFCV) qui gère la ligne Viols Femmes Informations, saluant l'ampleur du mouvement sur internet.
En outre, "la condamnation des auteurs est extrêmement faible, c'est très dissuasif pour une femme".
Pour Mme Piet, si en parler sur les réseaux sociaux assure "une forme d'anonymat", cela permet surtout "d'être reconnue et soutenue en tant que victime".
"Parler du harcèlement sexuel sur Twitter, ce n'est pas suffisant, mais c'est déjà beaucoup", ajoute Serge Hefez, psychiatre et psychanalyste, estimant qu'une "mobilisation sur internet n'est pas une fausse mobilisation".
Selon lui, cet afflux de témoignages forme un "mouvement collectif, qui créé du lien social". "C'est ce que (le sociologue, Emile) Durkheim appelait un +moment effervescent+, c'est-à-dire un moment mobilisateur dans la société, préalable à des prises de conscience", explique-t-il à l'AFP.
Mais les réseaux sociaux ne peuvent pas tout et ne remplacent pas "les tribunaux, une action en justice", a mis au point Marlène Schiappa. Le ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a elle "incité les femmes qui évoquent sur internet des situations très concrètes à aller porter plainte".
Le gouvernement a annoncé en début de semaine qu'il préparait pour l'an prochain un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles dans lequel il espère impliquer les citoyens, afin d'en assurer "une juste sanction judiciaire et sociétale".
"Cette avancée législative attendue devra s'accompagner d'un renforcement de la formation des magistrat.e.s et de l'ensemble des professionnel.le.s, de campagnes d'information permettant de sensibiliser le grand public, du financement des associations spécialisées qui accueillent et accompagnent les victimes", a souhaité dans un communiqué le HCE.
Le Défenseur des droits, qui peut être saisi pour des faits de harcèlement sexuel, lancera en 2018 une "campagne rappelant les droits et les recours dont disposent les victimes".
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