Un an, jour pour jour, après les attaques du 13 novembre, François Hollande a présidé dimanche les commémorations, empreintes de sobriété, des attentats les plus meurtriers qu'ait connus le pays, en dévoilant des plaques en mémoire des victimes à Saint-Denis et à Paris.
Du Stade de France au Bataclan, de 9H00 à 11H00, à chaque étape quasiment le même cérémonial dépouillé: le président a dévoilé six plaques "en mémoire des victimes blessées et assassinées" par les commandos du groupe jihadiste Etat islamique (EI). Dans chaque lieu, les noms des victimes ont été lus avant une minute de silence et le dépôt d'une gerbe.
À la tombée de la nuit, en fin d'après-midi, des milliers de personnes se sont rassemblées sur les berges du canal Saint-Martin, où elles ont déposé sur l'eau quelque 3.500 lanternes.
Un texte très personnel sur son père en forme d'hymne à la tolérance
Devant le Stade de France, le Portugais Manuel Dias avait été la première des 130 personnes tuées. C'est son fils Michael Dias qui a lu le seul discours prononcé durant tout l'hommage, un texte très personnel sur son père en forme d'hymne à la tolérance. "Nous devons nous efforcer de combattre la stigmatisation et la division; l'intégration est la solution", a-t-il lancé.
L'heure était à la "sobriété", selon les voeux des associations de victimes. A six mois de l'élection présidentielle, le gouvernement ne veut pas être accusé de "récupération". Le chef de l'Etat, accompagné du Premier ministre Manuel Valls, de ministres et d'élus, a échangé à chaque fois avec des victimes. Devant le Stade de France, il a passé un moment auprès d'un vigile en fauteuil roulant.
"Il y avait encore récemment les impacts de balles sur les murs"
Suivant l'ordre chronologique des attaques, le président de la République, avec la maire de la capitale Anne Hidalgo, s'est ensuite rendu à Paris à proximité des bars et restaurants Le Petit Cambodge, Le Carillon, la Bonne Bière, le Comptoir Voltaire et La Belle équipe, dans les Xe et XIe arrondissements. Trente-neuf personnes y avaient été assassinées.
"Tout est reparti comme avant, même si on n'oublie pas et il ne faut pas oublier. Il y avait encore récemment les impacts de balles sur les murs", a confié Matthias, enseignant de 46 ans, qui habite près du Carillon. Le parcours s'est conclu devant le Bataclan: un commando y avait fait irruption en plein concert du groupe de rock américain Eagles of Death Metal.
La veille, la salle de spectacles avait rouvert avec un émouvant concert de Sting pour "se souvenir" et "célébrer la vie", après une minute de silence.
"C'était sobre, digne, émouvant"
C'est devant cette salle mythique que s'étaient rassemblées le plus de personnes ce dimanche matin, dans une ambiance recueillie quand ont été égrénées les noms des 90 personnes qui y avaient été tuées. "C'était sobre, digne, émouvant. Je ne pensais d'ailleurs pas que la lecture des noms me retournerait autant", a dit Thierry, présent au Bataclan le soir de l'attaque et bouleversé de "revoir des blessés, parfois en béquilles, en fauteuil roulant".
Jesse Hughes, le chanteur d'Eagles of Death Metal, a assisté à la cérémonie. Samedi soir, il avait été refoulé à l'entrée du Bataclan en raison de ses déclarations soupçonneuses à l'encontre des vigiles. Mais le manager du groupe a démenti cet incident.
Des ballons multicolores lâchés dans un ciel gris
Après l'hommage officiel, les associations ont pris le relais devant la mairie du XIe arrondissement, où des ballons multicolores ont été lâchés dans un ciel gris. Caroline Langlade, de l'association Life for Paris, a appelé à laisser "du temps aux victimes pour qu'elle se réparent".
Cent trente morts, des centaines de blessés : le pays est d'autant plus éprouvé que d'autres attentats ont suivi, comme à Nice le 14 juillet (86 morts).
Signe d'un changement d'ère, l'état d'urgence décrété au soir du 13 novembre. Manuel Valls a déclaré dimanche à la BBC que ce régime d'exception allait sans "doute être prolongé de quelques mois" en janvier, notamment en raison de la présidentielle. Pour Alain Juppé, candidat à la primaire de droite, "il faut que les dirigeants de la France se montrent à la hauteur, et mettent en oeuvre tous les moyens pour en finir avec le terrorisme".
Une messe d'hommage et une bougie aux fenêtres
Une large majorité de Français (75%) trouve important de commémorer les attentats, et 56% restent "en colère", selon un sondage Odoxa publié par le Parisien.
L'archevêque de Paris, le cardinal André Vingt-Trois, présidera une messe d'hommage à 18H30 dans la cathédrale Notre-Dame. Des lanternes, "symboles d'espoir et de vie", doivent être déposées dans l'après-midi sur le canal Saint-Martin, tout près de plusieurs des terrasses attaquées. Et les Français ont été appelés à mettre une bougie à leurs fenêtres dans la soirée.
3.500 lanternes au fil de l'eau
Des milliers de personnes se sont rassemblées dimanche en fin d'après-midi sur les berges du canal Saint-Martin, à Paris, où elles ont déposé sur l'eau quelque 3.500 lanternes, pour marquer le premier anniversaire des attentats du 13 novembre. L'événement s'est tenu à l'appel de trois Parisiens, qui souhaitaient un "moment sobre et chaleureux" en hommage aux victimes des attaques jihadistes de Paris et Saint-Denis, a expliqué à l'AFP l'un d'eux, Bertran Farenc. "Les commerçants du quartier se sont constitués en réseau depuis deux semaines pour vendre les lanternes. Chacune est vendue 3 euros, entièrement reversés aux associations de victimes", a-t-il ajouté.
Les participants étaient invités à dessiner ou écrire au feutre un message sur chacune des lanternes en plastique bleues, blanches ou rouges. On pouvait lire: "On pense à vous", "Ne jamais oublier. Paris je t'aime", "Liberté, égalité, fraternité", ou encore "Bienveillance".
Quelques heures après l'hommage officiel rendu sur les lieux des attaques aux 130 morts et aux centaines de blessés, le rassemblement, populaire et parfois joyeux, a pris des airs de retrouvailles entre riverains, à quelques dizaines de mètres des terrasses de plusieurs des bars et restaurants attaqués. Beaucoup d'enfants étaient présents.
"Dans le quartier, on connaît tous quelqu'un qui a été touché", a déclaré Delphine, venue accompagnée de sa fille Mina, en classe de 4e. "On se souvient avoir entendu les tirs, le 13 novembre, depuis notre balcon. On se rappelle que ça aurait pu nous arriver, que ça aurait pu être nous", ont raconté Lina Godart et Joachim Dauphin, deux trentenaires, dont des amis sont des rescapés de l'attaque contre le bar Le Carillon. "Ce soir, c'est important de se recueillir quelques instants, d'être avec des gens", ont-ils insisté.
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