En France, l'incendie est éteint mais l'inquiétude demeure dans la population. Les habitants doivent subir les odeurs très fortes dégagées par les fumées. Des dépôts d'hydrocarbures ont également été dispersés par l'incendie. Les autorités françaises conseillent là aussi aux riverains de porter des gants s'ils doivent toucher ces polluants.
Deux jours après le spectaculaire incendie de l'usine chimique Lubrizol, le parquet de Rouen a élargi samedi l'enquête à la "mise en danger d'autrui" et face à l'inquiétude sur l'impact sanitaire et environnemental du sinistre, le préfet a dévoilé des résultats d'analyses qu'il juge "encourageants".
"Nous disposons de l'essentiel des résultats d'analyse qui sont encourageants et qui traduisent pour l'air une situation normale", a déclaré le préfet de Normandie Pierre-André Durand.
Mais dans la rue, c'est l'inquiétude. "Ce matin, on était dans le brouillard, un gros nuage noir. Et puis on a reçu des petits cadeaux du ciel, des petites boulettes", a déclaré un riverain dans le RTL info 19h. Une mère de famille parle d'odeur insoutenable, "qui revenait dans la bouche, avec l'impression de manger tout ça".
Un troisième témoin affirme que "quand il pleut, ça sent énormément l'huile".
Du benzène et de l'amiante sur le site
Sur le site de l'accident, un site industriel Seveso seuil haut, produisant des additifs d'huile, la présence de benzène a toutefois été notée.
Les résultats des analyses de l'air réalisées par Atmo Normandie sont disponibles sur leur site et les autres résultats seront sur le site de la préfecture dès samedi soir, a assuré le préfet.
Concernant les suies, "nous n'avons pas de situation alarmante", a dit le préfet, sauf la présence de plomb dans certaines analyses "mais qui sont vraisemblablement imputables à des traces historiques, et situées principalement sur des axes ou à proximité de voies très fréquentées", a-t-il dit. Sur les 55 écoles de Rouen, seules trois ont été touchées par les suies et elles devraient rouvrir lundi matin, ont assuré les autorités.
D'après une journaliste de l'AFP présente à Rouen, une forte odeur se faisait toujours sentir samedi après-midi dans la ville.
"Je ne minimise pas les éléments d'inconfort. Mais à l'échelle d'une population de 100.000 habitants, nous ne sommes pas dans une situation de masse qui frapperait toute l'agglomération rouennaise", a affirmé le préfet, qui a évoqué "une catastrophe majeure".
Enfin la présence d'amiante a été confirmée sur le site, "dans la toiture des bâtiments" et un programme de mesures de fibres dans l'air a été lancé dans un rayon de 300 m autour du site.
Côté judiciaire le parquet de Rouen, qui a reçu plusieurs plaintes, a décidé d'élargir l'enquête ouverte initialement pour "destructions involontaires par l'effet d'une explosion ou d'un incendie" à "mise en danger d'autrui".
Me Jonas Haddad, avocat de Rouen, a dit avoir été sollicité par plusieurs personnes, mais aussi par des entreprises, et s'attend "à une centaine de plaintes". "On peut comparer cela à une marée noire dans l'air, ça ne se calme pas", a-t-il déclaré.
Le PDG de Lubrizol France, Frédéric Henry, s'était dit, lui, vendredi "très étonné de voir un incendie qui se déclare en pleine nuit, dans un endroit où il n'y a personne".
Demande de transparence
Plusieurs syndicats, dont la CGT et Solidaires, mais aussi des associations écologistes (Greenpeace, France nature environnement) ont appelé à manifester mardi à 18h devant le palais de justice, exigeant "une transparence complète" sur cet accident industriel. Dans un communiqué commun, ils regrettent que "la liste des produits qui ont brûlé n'ait pas été communiquée".
Plusieurs députés de gauche, dont le numéro un du PS Olivier Faure, ont réclamé l'ouverture "dès la semaine prochaine" d'une commission d'enquête parlementaire sur cet incendie, comme pour l'usine AZF il y a 17 ans.
"Le Tout va très bien, madame la marquise est la pire des communications dans ce genre de circonstances. L'incendie de Lubrizol est le plus grave accident industriel depuis AZF en 2001. Le nuage de fumée, les risques de pollution par les suies et les hydrocarbures sont loin d'être anodins", a aussi estimé Delphine Batho (Génération écologie), ex-ministre de l'Écologie, dans Le Parisien samedi.
"Ce qui me rassurerait, c'est qu'on lance un protocole de suivi épidémiologique et sanitaire sur la population exposée", a expliqué sur Europe 1 David Cormand, secrétaire national d'EELV et élu de la métropole de Rouen.
Preuve de l'importance de la pollution, le large nuage qui s'est échappé de l'incendie, long de 22 km et large de six kilomètres, est remonté vers le nord de la France comme en témoigne le maire de Bohain-en-Vermandois Yann Rojo, commune au nord de l'Aisne, à 200 km de Rouen qui a affirmé samedi que ses habitants ont "constaté des flaques d'eau brunâtres, teintes de résidus d'hydrocarbure" et "des traces de suie".
Autour de Rouen les agriculteurs ont été touchés de plein fouet avec un "gel" des productions et des récoltes susceptibles d'avoir été exposées à la suie "jusqu'à obtention de garanties sanitaires", a précisé le préfet.
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