Après le dessinateur Luz, une autre figure de Charlie Hebdo, l'urgentiste Patrick Pelloux a décidé à son tour de quitter l'hebdomadaire satirique qui s'efforce toujours de surmonter le traumatisme de l'attentat meurtrier du 7 janvier.
"Il y en a d’autres qui vont continuer ce journal et je reste Charlie Hebdo dans l’âme mais il faut savoir tourner la page un jour", explique Patrick Pelloux dans un entretien accordé vendredi soir à la radio étudiante Web7Radio.
Il compte partir "sans doute début janvier": "je pense que je n’apporte plus rien à ce journal. Je m’en irai sans tambour ni trompette", ajoute-t-il, soulignant qu'il n'a "plus le courage de continuer chaque semaine". Un départ confirmé à l'AFP par Zineb El Rhazoui, une de ses collègues à Charlie.
L'urgentiste est chroniqueur au journal depuis une douzaine d'années. Il avait été l'un des premiers à arriver sur place après l'attaque du 7 janvier dans les locaux de l'hebdomadaire, qui avait fait 12 morts. Il était très proche du directeur de la publication Charb, tué dans cet attentat avec les dessinateurs Wolinski, Cabu, Honoré et Tignous. Depuis, il est devenu l'un des porte-voix du journal, vivant comme d'autres membres de l'équipe sous très haute protection policière.
Sa décision intervient alors que le dessinateur emblématique Luz, auteur après l'attentat d'une "Une" controversée avec Mahomet affirmant "tout est pardonné", vient de confirmer qu'il quittait le journal la semaine prochaine.
Leurs départs risquent de compliquer un peu plus la reconstruction de l'hebdomadaire. Malgré un avenir financier dégagé grâce aux nouveaux abonnements, dons et aides publiques (100.000 exemplaires vendus, 210.000 abonnés), la rédaction a été la proie ces derniers mois de tensions internes.
Pour Zineb El Rhazoui, ces deux départs sont bien "le signe que ça ne se passe pas bien avec la nouvelle direction". "Patrick fait partie des gens qui sont dans le collimateur depuis des mois", a assuré cette journaliste, opposée à la direction, évoquant des tensions liés aux questions financières et éditoriales, mais aussi au "partage de la décision".
Le rédacteur en chef, Gérard Biard, a indiqué à l'AFP ne pas être au courant de la décision de Patrick Pelloux.
- Déménagement en octobre -
"Il y a une partie de nous-mêmes qui s'est arrêtée au moment de ces attentats", souligne pour sa part Patrick Pelloux, qui précise que "c’est probablement la dernière fois" qu'il évoquera la tuerie du 7 janvier.
Patrick Pelloux avait déjà failli annoncer son départ cet été dans une chronique qu'il avait finalement renoncé à publier dans le journal, selon le magazine Vanity Fair.
L'urgentiste de 52 ans, apparu dans le paysage médiatique en 2003 en alertant sur les conséquences sanitaires de la canicule, se dit "très content" de faire finalement cette annonce "dans une radio de lycéens, parce qu'(il) pense que les autres médias ont tiré un peu trop sur Charlie Hebdo avec des choses toutes faites".
Pour tenter de tourner la page de l'attentat, la direction de Charlie Hebdo a annoncé en juillet de nombreux changements, dont un toilettage de la maquette.
Hébergé depuis janvier dans l'immeuble de Libération, la rédaction doit aussi déménager en octobre dans des bureaux ultra-sécurisés du XIIIe arrondissement de Paris.
Une évolution de la répartition de l'actionnariat, principale source de crispation au sein de l'équipe ces derniers mois, a également été annoncée par le nouveau patron Riss pour faire "rentrer d'autres salariés".
"Le vrai enjeu est de consolider le journal, de trouver de nouveaux dessinateurs avec l'esprit Charlie Hebdo et un ton original, pour recréer un travail collectif, une bande, une ambiance", avait-il souligné en juillet. "Charlie Hebdo a reçu beaucoup de dessins, mais pas toujours ce qu'on voulait. Certains dessinateurs ont peur, ils demandent à signer sous pseudo, m'interrogent sur les mesures de sécurité. Je dois les rassurer."
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