Nouvelle maison, nouveau travail, nouvel amoureux: Sarah tentait de "renaître" mais le jour de ses 30 ans, son ex-compagnon a surgi dans son jardin et l'a tuée avec un fusil de chasse. Il avait déjà été condamné pour avoir agressé une précédente compagne.
Une nuit d'été, le 28 août, à l'entrée de Maillé, bourg rural proche de Poitiers (Vienne), Sarah vient de rentrer avec son nouveau compagnon dans le pavillon qu'elle occupe depuis peu. Après être ressortie un court instant dans le jardin, la jeune femme s'écroule et succombe à un tir fatal porté au thorax, malgré l'arrivée de secours.
"Je me suis dit 'ça y est, il a réussi à le faire'", raconte à l'AFP Hugues Pied, le patron du bar Le Zinc, à Vasles (Deux-Sèvres), à 15 km de là, où la jeune femme travaillait depuis quelques mois comme serveuse.
Son ex-compagnon et père de son troisième enfant, Ludovic, est vite interpellé. Cet ancien jockey de 38 ans nie en bloc, avant de reconnaître un tir "involontaire" selon lui. Le trentenaire, silhouette fluette, assure s'être rendu chez Sarah "dans l'espoir de la récupérer (...) pour l'intimider, pour reprendre son expression", relate le procureur de la République de Poitiers Michel Garrandaux. Son avocat Quentin Reclou écarte pour l'heure le terme de "féminicide", car aux dires de son client, en détention provisoire, "le coup est parti tout seul". Les enquêteurs sont au contraire convaincus que le meurtre est prémédité.
Il lui pourrissait la vie.
Comment ce drame sur fond de possessivité s'est-il noué? Aurait-il pu être évité? Des derniers mois de la vie de Sarah, peu de choses ont filtré et son entourage est resté très discret. L'ancien patron de Sarah assure cependant n'avoir "pas été étonné, presque pas surpris".
"Il lui pourrissait la vie (...) Quand on la voyait bosser, on ne pouvait pas se douter de ce qu'elle vivait à côté. En fait, tout le monde savait qu'elle était coincée", lâche-t-il.
Mère de trois jeunes enfants, dont deux d'un précédent compagnon, Sarah s'était séparée de Ludovic au printemps. Une rupture décrite comme conflictuelle, suivie de menaces et harcèlement. A plusieurs reprises, elle confie ses craintes à ses proches et se décide en mai à porter plainte à la gendarmerie de Parthenay (Deux-Sèvres), proche de son nouveau travail.
Facebook, le miroir des obsessions de Ludovic
Double précaution, elle écrit dans la foulée un courrier au procureur de Poitiers qui le transmet aux gendarmes, ceux de la Vienne. L'ex-conjoint est alors placé en garde à vue et ressort libre avec une mesure alternative aux poursuites décidée par le parquet de Niort (Deux-Sèvres).
"Elle avait tout fait, écrit au procureur, appelé le numéro d'urgences... c'est compliqué", soupire Marie-Angèle Pied, ancienne maire de Vasles et une cousine du patron de bar, qui connaissait bien la jeune femme.
Facebook est resté le miroir des obsessions de Ludovic. Sur son mur, dominent des réflexions sur le couple et la séparation. Des publications - photos ou dessins à message, maximes que se partagent les internautes -- telles que: "sais-tu que parfois deux personnes doivent être séparées afin de réaliser à quel point ils ont besoin de l'un de l'autre?". Ou bien: "une femme soumise à son homme n'est pas esclave de son homme. C'est une femme qui veut réussir sa vie de couple".
Elle voulait s'éloigner de lui pour faire le point.
A Maillé ou Vasles, le choc est cinglant lorsqu'on découvre le passé violent de Ludovic, déjà signalé pour des faits aux similarités troublantes. En 2011, il est condamné à Poitiers à deux ans de prison dont un mois ferme, peine confirmée en appel en 2012, pour des "violences aggravées" sur une précédente compagne, une affaire au départ qualifiée de "tentative de meurtre". Son ex raconte à l'époque une nuit d'effroi.
Comment il s'introduit chez elle, équipé d'un bonnet et de gants de jardinage. Comment à califourchon sur elle, il pointe vers sa poitrine un couteau récupéré dans la cuisine. Les gendarmes retrouvent le jeune homme au petit matin sur la tombe de sa mère. "Il était jaloux et possessif (...) elle voulait s'éloigner de lui pour faire le point", se souvient Mireille Blandeau, ancienne avocate de Ludovic.
Cette nuit-là, il voulait "lui dire adieu" avant de se suicider. "Je ne voulais pas qu'elle me quitte ", avait-il affirmé, en sanglots, au procès. Au "Zinc", à Vasles, on se souvient de Sarah comme d'une "super fille, très chouette, une bonne bosseuse", "énergique", rapporte le patron du bar, "elle venait travailler ici car elle oubliait, quelque part elle se sentait protégée ici peut-être".
"On savait que c'était compliqué pour elle. Elle nous en parlait un peu au travail. Je suis allé porter plainte il y a 6 mois" pour "alerter les gendarmes, pour essayer de la protéger", poursuit-il, en évoquant des appels de Ludovic au bar.
Deux mois avant sa mort, Sarah poste sur Facebook le "violentomètre", un outil de prévention des violences sous forme d'échelle graduée, du vert au rouge, qui permet de repérer les signes précurseurs d'une relation violente. Malgré tout, Sarah était décidée à "refaire sa vie", résume Marie-Angèle Pied, "elle était en train de renaître".
Vos commentaires