Les Français votaient en nombre dimanche, sous haute surveillance en raison de la menace terroriste, pour le premier tour d'une élection présidentielle à l'issue imprévisible et cruciale pour l'avenir de l'Union européenne.
Trois heures avant la fermeture des derniers bureaux de vote à 18H00 GMT, la participation s'élevait à 69,42%, en légère baisse par rapport au premier tour de 2012 (70,59%) mais à un des meilleurs niveaux depuis quarante ans, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.
Le niveau de mobilisation des 47 millions d'électeurs est l'une des clés du scrutin, alors qu'un sur quatre se disait encore indécis avant le premier tour.
Karim Mahmoud, électeur de 42 ans à Lyon (sud-est) admettait s'être décidé "hier soir". "Et jusque là c'était assez flou", reconnaissait-il.
Sur les onze concurrents, un quatuor de favoris se détache, mené par le jeune centriste de 39 ans Emmanuel Macron et la candidate d'extrême droite Marine Le Pen, au coude à coude. Ils sont talonnés par le conservateur François Fillon et le tribun de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon. Le socialiste Benoît Hamon est largement distancé dans toutes les enquêtes.
Trois jours après une attaque revendiquée par le groupe jihadiste Etat islamique sur l'avenue parisienne des Champs-Elysées, qui a coûté la vie à un policier, 50.000 policiers et 7.000 militaires ont été déployés pour assurer la sécurité du scrutin.
- Démocratie -
Le président socialiste François Hollande, qui ne se représente pas après cinq ans au pouvoir et un bilan critiqué jusque dans son camp, a appelé les électeurs à "montrer que la démocratie est plus forte que tout".
Visée depuis janvier 2015 par une série d'attaques jihadistes qui ont fait 239 morts, la France vit sous la menace du terrorisme et cette présidentielle se déroule pour la première fois sous le régime de l'état d'urgence.
"Les attentats n'ont aucun impact sur mon vote. Les extrémistes n'attendent que ça", a estimé Samba Bathily, fonctionnaire parisien de 41 ans.
Après l'attentat sur les Champs Elysées, Mme Le Pen a été accusée par le gouvernement d'instrumentaliser l'attaque.
A 48 ans, la présidente du Front national espère profiter de la vague populiste qui a porté Donald Trump à la Maison Blanche et conduit la Grande-Bretagne à voter pour la sortie de l'Union européenne.
Celle qui se définit comme une "patriote" veut en finir avec l'euro et la libre circulation dans l'espace européen de Schengen. Un programme qui pourrait donner le coup de grâce à une UE déjà fragilisée par le Brexit, selon les observateurs.
A l'inverse, Emmanuel Macron, qui se présente pour la première fois à une élection, a mené campagne sur une ligne pro-européenne et un programme libéral, tant en économie que sur les questions de société.
Ovni de la campagne, cet ex-ministre de l'Economie (2014-2016) a construit la popularité de son mouvement "En Marche!", qui se veut "et-de-droite-et-de-gauche", sur le rejet des partis traditionnels et le désir de renouvellement exprimés par les Français.
- "Jeu de massacre" -
Au fil d'une campagne riche en coups de théâtre, les ténors qui occupaient la scène politique depuis une décennie sont tombés les uns après les autres, tel l'ancien président Nicolas Sarkozy, sèchement éliminé de la primaire de la droite.
Affaibli par une impopularité record, le président sortant François Hollande a créé la surprise en renonçant à se représenter, une première en France depuis plus de soixante ans. Son Premier ministre, Manuel Valls, a échoué à prendre le relais, éliminé de la primaire du parti socialiste par un candidat ancré plus à gauche, Benoît Hamon.
Forts des leçons de ce qui a été décrit dans la presse comme un "jeu de massacre", tous les candidats ont ensuite affirmé vouloir en finir "avec les vieilles recettes", vantent leurs programmes "radicaux", "innovants", ou "antisystème".
Mais les affaires se sont invitées dans la campagne, éclipsant pendant des mois les débats.
Le conservateur François Fillon - favori après sa large victoire à la primaire de son camp - a ainsi dévissé dans les sondages après la révélation fin janvier de soupçons d'emplois fictifs au Parlement au bénéfice de sa femme et de ses enfants.
Malgré son inculpation pour détournement de fonds publics en mars, cet admirateur de Margaret Thatcher, âgé de 63 ans, a refusé de retirer sa candidature, et continué à défendre âprement son programme "radical" de réduction des dépenses publiques.
Ultime surprise, il s'est vu rattrapé dans la dernière ligne droite par un autre candidat "hors parti", Jean-Luc Mélenchon, 65 ans, ex-socialiste devenu le champion de la gauche radicale sous le slogan de la "France insoumise".
La percée dans les sondages de ce tribun enflammé, prêt à claquer la porte de l'UE si cette dernière refuse de se réformer, a renforcé l'incertitude sur l'issue du scrutin, suivi de très près à l'étranger.
Les deux candidats en tête dimanche soir s'affronteront le 7 mai.
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