"En raison d'une pénurie de lait français, nos fournisseurs ne sont pas en mesure d'honorer nos commandes de beurre", annonce une affichette dans un supermarché normand. Les professionnels le prédisaient depuis le printemps dernier, et ça y est, la pénurie de beurre est arrivée.
"Il y a une pénurie de beurre depuis un bon mois", explique la responsable de caisse de l'Intermarché de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) où est placardé ce panneau. "Nous avons toujours en rayon les produits les plus chers, mais plus de marques de distributeurs", explique-t-elle.
La demande explose, l'offre diminue... les prix grimpent
En cause, une hausse de la demande dans les pays développés comme dans les pays en développement due à un retour en grâce de la matière grasse animale, après 30 ans de dédain de la part des nutritionnistes, mais aussi un goût prononcé pour les viennoiseries françaises au beurre, notamment en Chine. "Avec la réhabilitation des matières grasses animales, la demande pour le beurre a explosé un peu partout dans le monde", indique Gérard Calbrix, directeur des affaires économiques à l'Association de transformation laitière française (Atla).
Or en face de cette explosion de la demande, on a une production laitière en baisse en Nouvelle-Zélande, plus gros producteur mondial de lait, ainsi qu'en Europe, où la fin des quotas laitiers il y a deux ans avait provoqué une surproduction et donc une chute des cours poussant les éleveurs à réduire leurs tonnages.
En conséquence, les prix ont explosé: payé 2.500 euros la tonne en avril 2016, les cours du beurre ont atteint 7.000 euros la tonne l'été dernier.
La hausse a touché de plein fouet l'industrie agroalimentaire qui a vu ses coûts exploser mais n'a pas pu pour autant les transférer dans la grande distribution, qui fixe les prix annuellement.
Il n'y a que des "pénuries ponctuelles, souvent liées à des problèmes de logistique, et à la population des gens un peu affolés qui en achètent plus que d'habitude", selon Hugues Beyler, directeur agriculture de la La Fédération du commerce et de la distribution (FCD).
Les professionnels s'adaptent
Même s'il y a la possibilité pour les industriels de remplacer le beurre par de la margarine, "ce n'est pas possible sans dégrader la valeur gustative des produits", selon Mathieu Labbé, délégué général de la Fédération des entreprises de boulangerie.
Alors les professionnels ont dû s'adapter. "J'ai déjà augmenté les prix avant l'été de 5 centimes sur les croissants", explique Thierry Lucas, gérant de la boulangerie des Plomarc'h à Douarnenez (Finistère), qui emploie 14 salariés.
Comme les tarifs de la grande distribution n'avaient eux pas augmenté, le boulanger raconte qu'il s'est approvisionné en grande distribution pendant près de deux mois car cela représentait "plus de 1.000 euros d'économies sur une tonne". "Mais maintenant ils bloquent mon approvisionnement et je retravaille avec mon fournisseur", ajoute-t-il.
Reste que dans certaines entreprises, la matière première vient réellement à manquer. Ainsi, les 10 salariés de la PME Pâte Feuilletée François, basée dans le Cher et qui fabrique des pâtes à tartes fraîches vendues aux grossistes, sont en chômage technique 70% de leur temps depuis près de trois semaines. "Depuis mi-août on est en restriction. On ne reçoit qu'une tonne par semaine alors qu'il nous en faut trois", explique la gérante de la PME, Claude François. "(...) on ne pourra pas tenir très longtemps comme ça", prévient-elle.
Les producteurs laitiers français, eux, ne bénéficient que très peu de cette envolée des tarifs du beurre, qui ne contribue pas à une hausse significative des prix du lait. Pire, en augmentant le volume de lait produit pour fabriquer plus de beurre avec la matière grasse, il risque de leur rester sur les bras une grande quantité de poudre de lait, déjà en surproduction dans l'Union européenne.
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