Cinq ans après sa découverte dans un coffre de voiture, où elle a passé une partie de ses 23 premiers mois, Serena est une enfant "assez pleine de vie", mais avec des "déficiences majeures", des connexions "qu'on ne pourra pas reconnecter", a entendu la Cour d'assises de la Corrèze, qui juge sa mère depuis lundi.
La cour d'assises de la Corrèze ne verra pas Séréna. Si l'hypothèse fut un temps évoquée, en amont du procès, "l'emmener ici, ce serait la détruire un peu plus. Impossible", a expliqué mardi au deuxième jour du procès, l'avocate du Service d'aide social du département, Isabelle Faure-Roche.
La Cour, six femmes et trois hommes en comptant le président et ses deux assesseurs femmes, a donc visionné lundi, à huis clos, des images vidéo prises jeudi dernier par Marie-Pierre Peis-Hitier, l'autre avocate du service d'aide social, qui a délégation d'autorité parentale sur Séréna (7 ans le 24 novembre). Et défend donc les intérêts de l'enfant.
Sur ces images, l'enfant est apparue "assez pleine de vie", "plutôt jolie", en "bonne forme physique", et avec "quelques capacités de coordination sur des choses simples", a résumé mardi le président de la cour, Gilles Fonrouge. Même s'il a relevé une "absence de communication spontanée" de la part d'une enfant "imperméable aux interactions autour d'elle".
Les avocates ont souligné les mille et une précautions prises pour approcher, au sein de sa famille d'accueil, l'enfant dans son cocon, "hors duquel elle n'est pas la même". "La vidéo que nous avons montrée, n'a été possible qu'après avoir essayé de l'apprivoiser pendant toute une après-midi, comme Saint-Exupéry et le renard", a souligné Me Faure-Roche.
- "La voiture reste une épreuve" -
Sur la vidéo, on perçoit le son qu'émet l'enfant, un "mouvement de succion permanente de la langue". Et si elle prononce trois-quatre mots, ils sont le fait "de la sollicitation constante et massive" de l'assistante familiale, la mère d'accueil, ajoute Me Peis-Hitier. Qui n'a perçu clairement qu'un mot, "non", lorsque Serena exprime un refus.
Serena fait l'objet d'une "scolarisation très partielle en milieu spécialisé, adapté, quelques jours par semaine", en institut médico-éducatif, (IME) a précisé Sophie Quériaud, directrice de l'Aide sociale Enfance et Famille de la Corrèze. Même si, a rappelé mardi Me Faure-Roche, "entrer dans une voiture pour cette petite fille, c'est une épreuve". Elle met dix minutes à chaque fois "avant de lâcher les bras de sa mère d'accueil".
Quel avenir attend Séréna ? Pour le docteur Bernard Magret, un des praticiens co-auteur des expertises, "ce sera à l'adolesence et à l'âge adulte qu'on pourra véritablement évaluer les déficiences" durables, liées à la privation sensorielle, la privation de stimuli des 23 premiers mois. Mais les expertises ont aussi montré "un déficit fonctionnel à 80%" et un "syndrome autistique irréversible".
"On lui a appris à marcher, à courir, à faire du vélo, on lui a appris à mâcher. Elle n'a pu mâcher des aliments que l'an dernier, à l'âge de 6 ans", a rappelé Me Faure-Roche. "Mais ce qui est cérébral, c'est irrécupérable. Elle était dans un état tellement épouvantable que, pour simplifier, son cerveau s'est déconnecté pour ne plus sentir le froid, la faim, la peur. Et aujourd'hui, on ne peut pas reconnecter ce qui a été déconnecté".
"On espère encore une progression, a ajouté Me Peis-Hitier. Là on est dans une phase de progrès, très limités mais de progrès. "Je pressens que ces progrès vont stagner à l'adolescence, et je crains une régression en fonction d'où elle sera à 18 ans, si elle va dans un institut ou forcément il n'y aura pas l'assistance constante d'aujourd'hui, celle d'une maman qui essaie de la faire sortir de son handicap".
Le procès va ensuite s'attacher à examiner le profil psychologique et la personnalité de Rosa Maria da Cruz, qui a caché pendant 23 mois son enfant au monde, à son mari, ses trois autres enfants, et dont la défense invoque un "déni de grossesse" allant au-delà de la naissance. La mère de Séréna, qui comparaît libre, encourt 20 ans de réclusion, pour violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de 15 ans par ascendant.
Le procès doit durer en principe jusqu'à vendredi
Vos commentaires