La cour d'assises de la Corrèze a peiné mardi à décrypter l'environnement familial de Séréna, l'enfant dite "du coffre" (de voiture) et le contexte qui a rendu possible les 23 mois de vie dissimulés à tous, par sa mère, d'un enfant d'aujourd'hui 7 ans, aux déficiences irréversibles.
"Je ne savais rien. Je n'ai su que quand cela (l'enfant) a été découvert (...) je comprends pas pourquoi elle a fait cela". En phrases courtes, défensives, traduites du portugais via un interprète, Domingo, le compagnon de l'accusée, n'a guère éclairé sur le "comment" d'une inouïe dissimulation.
Rosa Maria da Cruz, qui comparait libre, encourt 20 ans de réclusion, pour violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de 15 ans par ascendant. Séréna, en famille d'accueil depuis sa découverte en 2013, souffre d'un "déficit fonctionnel à 80%". Et d'un "syndrome autistique irréversible", lié par les expertises aux privations sensorielles et de stimuli de ses premiers mois.
Non, Domingo, qui n'a pas de permis de conduire, ne montait pas souvent --"une fois par mois en moyenne", dit-il aux enquêteurs-- dans la 307 break où le bébé passait une bonne partie du temps --l'autre dans une petite pièce en travaux au rez-de-sol de la maison.
Non, il ne lui est pas venu à l'esprit d'où venait la mauvaise odeur dans la voiture --les souillures, salissures du coffre où séjournait aussi Séréna. "Je sentais quelque chose, mais je pensais que c'était les tapis, la moisissure. Je lui disais de laver la voiture à l'intérieur, pour sortir l'odeur".
Et non, il n'a jamais remarqué la grossesse. Pas plus qu'il n'avait remarqué sa grossesse pour leur deuxième garçon, né neuf ans plus tôt, et accouché à domicile, en famille. Ou de leur fille, quatre ans plus tôt, et révélée au bout de "plusieurs" mois. L'accusée invoque un déni de grossesse dans le premier cas, un déni partiel dans le deuxième. Et de nouveau un déni, prolongé, dans le cas de Séréna.
La nièce de l'accusée, qui gardait souvent ses enfants, a elle aussi assuré n'avoir rien vu de la grossesse.
- Une "bonne mère pour les enfants"-
Le père, interpellé fortement alcoolisé le soir des faits, fut mis en examen initialement. Mais il a bénéficié d'un non-lieu, la justice ayant estimé que rien ne permettait de mettre en doute son ignorance de la grossesse, ou de l'enfant.
Une pédiatre hospitalière à Brive qui examina Séréna le soir des faits, et dans la foulée ses frères et soeurs de 4 à 10 ans, a expliqué mardi la "stupéfaction" de l'équipe médicale devant "la distortion, le gouffre entre la situation de Séréna et des frères et soeurs", visiblement "parfaitement élevés" par leur mère.
"On voyait chez eux une bonne qualité de travail en tant que maman, et on ne comprenait pas pourquoi Séréna avait échappé à cette prise en charge à domicile de qualité", a insisté la pédiatre.
Rosa "n'aurait pas dû faire ce qu'elle a fait. Mais je continue à vivre avec elle, parce que c'est une bonne mère pour les enfants", a abondé le compagnon. Le couple, qui vit toujours ensemble, a récupéré ses trois aînés. Et aimerait "entrer en contact" avec Séréna, ce que la justice lui interdit.
"On a l'impression qu'ils n'ont pas conscience du handicap" de Séréna. "Pour eux, c'est un non-événement", a asséné Me Marie Grimaud, avocate de l'association L'Innocence en danger, partie civile. Qui a vu dans le père "un homme totalement effacé, qui n'a pas de fonction dans le couple. Un simple rôle de géniteur".
La Cour a aussi entendu mardi qu'elle ne verrait pas Séréna. "L'emmener ici, ce serait la détruire un peu plus. Impossible", a expliqué l'avocate du Service d'aide social du département, Isabelle Faure-Roche.
La Cour a donc visionné lundi soir à huis clos, des images vidéo de Séréna prises jeudi dernier par Marie-Pierre Peis-Hitier, autre avocate du Service d'aide social. Filmées "dans son cocon, hors duquel elle n'est pas la même" et après "une après-midi passée à l'apprivoiser".
L'enfant est apparue "assez pleine de vie", mais "imperméable aux interactions autour d'elle". Avec 2-3 mots de vocabulaire, des "déficiences majeures", des connexions "qu'on ne pourra pas reconnecter", "des progrès très limités", voués "à stagner", ont prédit ces avocates.
Le procès se poursuit jusqu'à vendredi au moins.
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