A moins de 18 mois de la présidentielle, la percée historique du Front national au premier tour des régionales, qui laisse la France sous le choc, place droite et gauche devant la question brûlante des retraits, avec un imbroglio dans l'Est où le candidat PS se maintient contre l'avis du parti.
Appelant à un "barrage républicain", le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis a annoncé dès dimanche soir un retrait de ses listes en NPDC-Picardie et Paca, synonyme de "sacrifice" pour les socialistes qui ne siégeront donc pas dans ces régions pendant près de six ans.
M. Cambadélis a également enjoint Jean-Pierre Masseret, ancien ministre de Lionel Jospin et tête de liste nettement distancée en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, de se retirer, au profit de Philippe Richert (LR-UDI) qui affrontera le FN Florian Philippot.
M. Masseret refuse, estimant que "c'est l'affrontement avec le FN qui fera reculer ce parti, pas l'évitement". Il va perdre l'étiquette PS s'il persiste.
Manuel Valls, qui dans la journée a directement contacté l'intéressé, a insisté lundi soir sur TF1: "il ne faut pas s'accrocher, il faut être digne, à la hauteur de l'enjeu: conforter la République".
Traduction pour le second tour: le Premier ministre, qui affirme qu'à la "grande différence" de Nicolas Sarkozy, il "assume (ses) responsabilités", a appelé à voter pour les listes de droite face au FN en Provence-Alpes-Côte d'Azur, Nord-Pas-de-Calais-Picardie, et aussi en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne.
De son côté, le président des Républicains a déclaré qu'il respectait la décision des socialistes de se retirer dans trois régions, mais que son parti ne leur avait "rien demandé" et qu'il n'y avait "pas d'accord" entre eux.
Si le bureau politique de LR quasi unanime a validé lundi matin la ligne défendue par M. Sarkozy - ni retrait ni fusion pour contrer le FN - des voix se sont élevées pour critiquer l'ancien chef de l'Etat et déplorer l'absence de "leader légitime", selon les termes de l'ex-ministre Eric Woerth.
Les alliés centristes ont aussi exprimé leur désaccord et prôné un retrait de la liste arrivée troisième, en Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon, pour faire barrage au FN.
- La gauche de la gauche appelle au rassemblement -
Dans une France encore traumatisée par les attentats du 13 novembre et marquée par un chômage de masse, le parti de Marine Le Pen a capté 27,7% des suffrages et s'est revendiqué "premier parti de France", devançant la droite alliée au centre (26,6%) et le PS (23,1%), selon les résultats quasi définitifs du ministère de l'Intérieur.
Les listes FN, qui ont battu les précédents records des européennes et départementales, arrivent en tête dans six des 13 nouvelles régions: Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, Bourgogne-Franche-Comté, Centre.
En dépassant les 6 millions de voix, elles s'approchent du record de Marine Le Pen (6,4 millions de voix à la présidentielle de 2012). Le parti d'extrême droite séduit en particulier les moins de 25 ans, attirés par cette "nouvelle génération politique", selon plusieurs études. "Cette fois-ci, c'est très grave", s'est inquiété l'ex-ministre PS Jean Glavany, pour qui la "menace" d'une victoire FN en 2017 n'est pas "illusoire".
Si elle est élue présidente de la région NPDC-Picardie, Mme Le Pen occupera le poste "jusqu'au bout, enfin jusqu'à ce qu'(elle soit) élue présidente de la République", a assuré lundi soir celle qui a longuement hésité à se présenter, en raison du choc de calendriers.
En cas de duels droite/FN au second tour des régionales, 59% des Français voteraient pour les listes Les Républicains-UDI-MoDem, contre 41% pour celles du Front national, selon un sondage Odoxa pour Le Parisien-Aujourd'hui de lundi.
Pour sa part, le PS se classe premier en Bretagne, emmené par un Jean-Yves Le Drian qui restera quoi qu'il arrive ministre de la Défense, ainsi qu'en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes.
La gauche est également en tête en Corse, ainsi qu'en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane.
Le spectaculaire sursaut de popularité de François Hollande au lendemain des attentats ne s'est donc pas traduit dans les urnes. Certaines voix socialistes ont toutefois insisté sur la "bonne résistance" de leur parti et espéraient notamment conserver la symbolique présidence de l'Ile-de-France, avec Claude Bartolone. Dans cette région, Debout la France (6,6%) a refusé toute fusion, et ne donne aucune consigne de vote pour le second tour.
A la gauche du PS, les écologistes de toutes tendances se sont accordés pour demander "un rassemblement de la gauche", sur la même ligne que le numéro un du PCF, Pierre Laurent.
Avec ce dernier, Claude Bartolone (PS) et Emmanuelle Cosse (EELV) ont d'ailleurs annoncé lundi la fusion de leurs listes en Ile-de-France pour le second tour.
- 'La droite n'a pas de leader officiel' -
A droite, loin de la vague "bleue" espérée, l'alliance LR-UDI-MoDem est ressortie en tête dans seulement quatre régions (Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Ile-de-France, Normandie de très peu) et se voit même menacée par la gauche dans certaines régions.
Lundi, les critiques fusaient à l'encontre de Nicolas Sarkozy, auteur d'une ligne dure contre tout retrait ou fusion en cas de menace FN. Ce premier tour est "l'échec" de l'ancien président, qui "n'est pas crédible" pour l'alternance en 2017, a tranché le député Hervé Mariton. La droite "n'a pas de leader officiel et légitime" avant la primaire, a estimé Eric Woerth. Pour Alain Juppé il faut ouvrir, après le deuxième tour, un "débat" sur la "ligne" du parti.
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