Un "acte 2" moins mobilisateur, jalonné de violences et d'une polémique: la manifestation parisienne des "gilets jaunes" samedi a donné lieu à des heurts, que le gouvernement a imputé à des "séditieux" d'ultradroite "qui ont répondu à l'appel de Marine Le Pen".
Un "acte 2" moins mobilisateur au niveau national, mais avec des incidents violents à Paris : la manifestation des "gilets jaunes" samedi sur les Champs-Elysées a donné lieu à des échauffourées et des interpellations, violences condamnées par Emmanuel Macron. Le président a exprimé sa "honte" face à ces incidents, dénonçant ceux qui ont "agressé" les forces de l'ordre et "violenté d'autres citoyens".
La journée a aussi été marquée par une passe d'armes politique, le gouvernement imputant les violences à des "séditieux" de "l'ultradroite" qui répondraient "à l'appel de Marine Le Pen". Les partis d'opposition, à droite comme à gauche, ont répliqué, lui reprochant de vouloir réduire le mouvement aux violences et de rester sourd aux revendications des manifestants.
Exactement 106.301 "gilets jaunes" ont été recensés samedi à 17H00 dans toute la France, dont 8.000 à Paris, contre 282.710 au total samedi dernier à la même heure, a déclaré le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. A la mi-journée il avait souligné le "fort affaiblissement de la mobilisation". Il y a eu au total 130 personnes placées en garde à vue, dont 42 à Paris, a-t-il ajouté.
"Les dégâts sont faibles, ils sont matériels, c'est l'essentiel", a déclaré M. Castaner au sujet des Champs-Elysées. Des commerces ont été dégradés, selon la préfecture. Au niveau national, le ministre a noté "deux types de manifestants": ceux, en province qui se sont mobilisés dans une ambiance "bon enfant" et ceux ayant commis des "actes graves" à Paris, mais aussi à Villefranche-sur-Saône, où des violences ont eu lieu. Il s'agissait de la deuxième grande journée de mobilisation des "gilets jaunes" contre la hausse des prix du carburant, les taxes et la baisse du pouvoir d'achat, une semaine après le début du mouvement.
A Paris, vers 20H30, la préfecture de Police dénombrait 24 blessés, dont 5 dans les forces de l'ordre. L'un d'eux, un policier a été brûlé à l'aine. C'est sur l'avenue des Champs-Elysées, dont une partie était interdite de rassemblement par les autorités, que les incidents ont été les plus marquants. Dans la matinée, à l'appel des leaders informels de cette mobilisation, qui se revendique "populaire" et "apolitique", les manifestants, originaires de région parisienne ou de province, avaient convergé tranquillement vers le haut de la célèbre avenue, le bas de celle-ci (la Concorde et l'Elysée) étant protégé par un important dispositif de sécurité.
Quand la foule a tenté de pénétrer dans ce périmètre, les forces de l'ordre ont tiré des gaz lacrymogènes et repoussé les "gilets jaunes" avec des canons à eau. La situation s'est alors tendue: barricades de barrières (de chantier) dressées par des manifestants, jets de projectiles et de pavés par des petits groupes, feux tricolores arrachés, panneaux de signalisations couchés, échauffourées...
Les incidents n'ont ensuite plus cessé sur les Champs-Elysées et dans les rues adjacentes. Des pompiers sont intervenus pour éteindre des feux de barricades, qui dégageaient une épaisse fumée noire, s'ajoutant au brouillard blanc des gaz lacrymogènes.
Après 20h00, la tension restait vive sur l'avenue et dans certaines rues alentours, avec encore des petits groupes mobiles de personnes, certaines cagoulées, qui continuaient de "harceler" les forces de l'ordre ou d'incendier des barricades.
Opérations péages gratuits
Plusieurs groupes de dizaines de personnes ont aussi défilé place de la Madeleine, près de la Concorde. Au Champs-de-Mars, seul endroit initialement autorisé par la préfecture, une centaine de "gilets jaunes" se sont rassemblées. A part un noyau dur de manifestants, d'autres se voulaient plus pacifiques: "On n'est pas là pour casser du flic, on est venu pour que le gouvernement nous entende, qu'il entende son peuple. Ici on veut pas de politique, pas de syndicat. Nous dénonçons la violence des pseudo manifestants", a déclaré à l'AFP Laetitia Dewalle, 37 ans, porte parole des "gilets jaunes" à Pontoise.
Photos de notre journaliste Nathanaël Pauly
Des actions étaient également menées en province, berceau de cette contestation. Ils ont ainsi manifesté à Lille, à Quimper, Angers, Bordeaux, Limoges, Rochefort. A d'autres endroits, ils étaient mobilisés sur des barrages filtrants, des opérations escargots (Orly par exemple), des opérations sur des axes routiers, notamment auprès de péages (opérations "péages gratuits") ou des zones commerciales. De fortes perturbations ont été notées par exemple à hauteur de Villefranche-sur-Saône (Rhône), entraînant la déviation du trafic sur l'autoroute A6 du nord de Lyon jusqu'à Mâcon.
A Redon, en Ille-et-Vilaine, un automobiliste a tenté de franchir une intersection où se trouvaient des "gilets jaunes". Trois personnes ont été blessées et deux ont été prises en charge par le CHU, l'automobiliste est en garde a vue, selon la préfecture. Des gaz lacrymogènes ont été utilisés dans une zone commerciale à Englos près de Lille, à Calais, à Laon (Aisne).
En place sur une opération péage gratuit à Beaumont, sur l'A4 dans le sens Paris-Metz, Mickael, porte-parole des "gilets jaunes" messins se dit "mobilisé autant pour ma grand-mère qui est retraitée que pour l'avenir de mon fils de 3 ans". A Paris, "on savait très bien qu'il allait y avoir de la casse, des débordements. Ce mouvement est né en région et ici ça se passe très bien avec les gendarmes et les services de l'Etat", a-t-il dit.
Neuf personnes ont été interpellées, a indiqué la PP.
"On vient juste manifester pacifiquement et on se fait gazer ! On voit comment on est reçu à Paris", peste Christophe, 49 ans, venu de l'Isère avec sa femme.
Dans un "communiqué" signé "Les citoyens français" posté vendredi sur les réseaux sociaux, les "gilets jaunes" réclamaient "une audience avec le Premier ministre ainsi que le ministre de la Transition écologique et solidaire au cours de laquelle un groupe de citoyens pourra échanger".
Présent sur les Champs-Elysées, le député de la France insoumise François Ruffin a appelé le président Macron à "enlever les bouchons qu'il a dans les oreilles et qu'il entende le peuple". "Les gens viennent en tous cas lui passer clairement un message : il faut qu'il change de politique", a-t-il insisté, interrogé sur LCI.
Des actions étaient également menées dans une ambiance plus tranquille en province, berceau de cette contestation, avec des rassemblements, des barrages filtrants et des opérations sur des axes routiers ou des zones commerciales.
"On est des Bisounours !"
De nombreux "gilets jaunes" ont en effet choisi de rester dans leur région, faute de moyens ou par crainte d'éventuelles échauffourées à Paris.
"On est pas des casseurs nous, on est des Bisounours !", lance Gina, une vendeuse de 24 ans qui manifestait à Toulouse, une licorne en peluche autour du cou. "C'est une manifestation où il y a vraiment de tous les types de personnes, de tous les âges", ajoute Marie-Claire, 63 ans : "Nous n'avons jamais rien cassé. Je pense qu'il y a des personnes qui ne font pas partie des gilets jaunes mais qui s'infiltrent".
Des opérations "péage gratuit" étaient menées notamment à La Gravelle, près de Laval, et à Virsac (Gironde).
L'opérateur Vinci Autoroute faisait notamment état à 12H30 de "barrages filtrants en cours" sur la barrière de Vienne (Isère) sur l'A7, sur l'A9 à la frontière espagnole (Pyrénées-orientales), à la Ciotat sur l'A50, à Saint-Arnoult-en-Yvelines sur l'A10.
En Seine-Maritime, "ce sont surtout les centres commerciaux qui sont visés", a indiqué la préfecture.
A Mont-de-Marsan, dans les Landes, une vingtaine de membres du syndicat des Jeunes Agriculteurs, avaient construit dans la nuit un muret d'une dizaine de centimètres devant l'entrée de la préfecture. Il a été aussitôt été détruit, a précisé la préfecture.
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