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Asile, amour, discriminations: des réfugiés syriens racontent leur mal de vivre sur le toit d'une voiture

Asile, amour, discriminations: des réfugiés syriens racontent leur mal de vivre sur le toit d'une voiture
 
 

Sur le toit d'une fourgonnette bleue stationnée dans un camp de fortune, dans la plaine libanaise de la Bekaa, six jeunes Syriens répètent une pièce de théâtre qui exprime le mal-être des réfugiés au Liban.

Déguisés, gesticulant et faisant corps avec le public, ces apprentis comédiens narrent pendant trente minutes des histoires de la vie quotidienne des réfugiés syriens et parlent du droit d'asile, d'amour ou de discriminations. Ce théâtre itinérant a commencé à se produire dans les camps et les grandes villes du pays avec l'objectif de dénoncer le comportement de certains Libanais.

"Quand ils ont fui leur guerre civile (1975-1990), nous les avions accueillis avec hospitalité. Pourquoi se comportent-ils de cette façon avec nous? Nous faisons pourtant partie du même peuple", regrette Ahmad, 20 ans, le coordinateur syrien de la pièce.

Ainsi, l'un des acteurs imite le bruit d'une moto, un autre fait mine d'enfourcher l'engin pendant qu'une voix off raconte l'histoire d'un barrage où seuls sont arrêtés les motocyclistes syriens.

Fuyant la guerre civile qui ravage leur pays depuis cinq ans, plus d'un million de Syriens ont trouvé refuge au Liban et beaucoup vivent dans des conditions très difficiles. De nombreux Libanais leur gardent rancune de la présence de l'armée syrienne au Liban durant près de 30 ans, et certains leur reprochent de leur faire une concurrence déloyale sur le marché du travail en acceptant des salaires bas.


"La mère n'a pas réussi à faire hospitaliser sa fille et le nouveau-né est mort"

Dans une autre scène, une voix de femme en détresse appelle en vain plusieurs hôpitaux pour placer son nourrisson dans une couveuse. Les acteurs imitent des médecins et des standardistes qui la transfèrent d'un service à l'autre."Cette histoire m'a marqué car la mère n'a pas réussi à faire hospitaliser sa fille et le nouveau-né est mort", explique Ahmad.

Le projet, intitulé "La Caravane", a été initié par Beirut DC, une association libanaise qui promeut le cinéma arabe, et financé à hauteur de 113.000 euros par l'Union européenne et UNICEF Liban.

"Près de 300 réfugiés, répartis en groupe de 20, ont participé à l'élaboration de 20 histoires à travers les ateliers de narration, dont huit ont été gardées pour la pièce", explique Sabine Choucair, directrice artistique du programme. C'est cette Libanaise de 34 ans qui a eu l'idée du projet, une sorte de "thérapie sociale" pour venir en aide aux réfugiés syriens installés dans son pays. "On parle beaucoup du nombre de réfugiés mais rarement du côté humain", explique-t-elle.

"Tous les jours, je vois en rêve la Syrie, mes voisins et moi au marché de Homs, une fois la guerre terminée...", raconte Fatima, mère de deux enfants âgés de un et trois ans."J'aime beaucoup cette pièce de théâtre car elle parle de nous, ça permet à nos enfants d'avoir une idée de ce que nous subissons", ajoute-t-elle.

Aujourd'hui, la guerre en Syrie voisine se rappelle toujours à eux. Les organisateurs ont même dû annuler une représentation à Qab Elias en raison du couvre-feu imposé aux réfugiés syriens par la municipalité de Al-Qaa, un village proche de la frontière frappé lundi par une série d'attentats meurtriers.


"Nous devons réussir à vivre ensemble, nous aimons les Libanais"

Des enfants s'approchent de Sabine pour connaître l'heure de la représentation. Une centaine de spectateurs, en majorité des femmes et des enfants, s'installent dans le terrain vague. Tissus orange, verts, rouges, bouts de bois, matelas et bouteilles en plastique font partie du décor. "Au début je disais à mon fils que c'était ridicule de faire du théâtre, mais maintenant je trouve ça bien qu'il puisse raconter ce genre d'histoires", admet Hasna, 48 ans, mère d'Ahmad. Assise à côté de trois de ses amies, toutes vêtues de noir, elle fond en larmes. "Nous avons tout perdu, les enfants, les frères, les soeurs. J'ai un fils qui est père de trois enfants dont je n'ai plus de nouvelles depuis 2013", dit-elle d'une voix étouffée par les sanglots.

A la fin de la représentation, un micro circule dans le public. "Nous devons réussir à vivre ensemble, nous aimons les Libanais et nous aimerions que ça soit réciproque", déclare une femme, dont l'intervention est applaudie par les autres spectateurs. L'objectif est de faire passer ce message de vivre ensemble parmi les Libanais "mais aussi parmi les Irakiens, les Palestiniens et les Syriens, car ces histoires les concernent aussi", dit Sabine Choucair.


 

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