Déjà sous le feu des critiques après les attentats de Paris pour leur supposé laxisme dans la lutte antiterroriste, les autorités belges le sont à nouveau depuis les attaques qui ont frappé Bruxelles. Voici les principaux reproches qui leur sont adressés.
- L'"homme au chapeau" évaporé -
Les enquêteurs belges espéraient avoir mis la main sur le troisième assaillant de l'aéroport de Bruxelles, mais ils ont dû libérer lundi leur seul suspect, Fayçal Cheffou, après quatre jours de détention. Ce dernier n'est donc pas, selon eux, "l'homme au chapeau" apparaissant sur des images de vidéosurveillance près des deux kamikazes du 22 mars.
Cheffou a été arrêté puis inculpé sur la base d'un témoignage, et en raison de son profil trouble, mais l'enquête n'a par la suite pas permis de confirmer les soupçons. "Je ne peux rien reprocher au juge d'instruction", a assuré son avocat.
- L'extradition d'El Bakraoui depuis la Turquie -
La Turquie a reproché à la Belgique d'avoir ignoré des informations transmises sur le profil de "combattant terroriste" d'Ibrahim El Bakraoui, un kamikaze de l'aéroport, arrêté en juin près de la frontière syrienne. Pour la justice belge, El Bakraoui, dont le frère est également impliqué dans les attentats de Paris, n'est à l'époque qu'un condamné de droit commun, en libération conditionnelle. Lorsque les Turcs l'expulsent en juillet, direction Amsterdam, ils préviennent les ambassades belge et néerlandaise au dernier moment. El Bakraoui n'est pas attendu, et se retrouve dans la nature.
Avant son expulsion, l'officier de liaison belge à Istanbul, alerté, ne s'était lui pas renseigné sur le CV d'El Bakraoui, qui avait violé son contrôle judiciaire, a déploré le gouvernement belge. Ibrahim El Bakraoui était qui plus est depuis septembre sur une liste antiterroriste du FBI américain, selon les autorités néerlandaises.
- Des informations mal partagées -
Au lendemain des attentats de Paris, le suspect-clé Salah Abdeslam avait été contrôlé par des gendarmes français près de la frontière belge. Mais sans être inquiété, la Belgique n'ayant jamais signalé à la France que cet homme de nationalité française était fiché pour radicalisation.
Au-delà de cet oubli aux lourdes conséquences, il est souvent reproché aux Belges de communiquer des informations parcellaires. "Quand quelqu'un est soupçonné de radicalisation, il ne faut pas qu'il apparaisse comme un délinquant de droit commun", appuie une source gouvernementale française.
En interne non plus, les informations ne semblent pas toujours circuler de manière fluide: le personnel d'une école bruxelloise fréquentée par un kamikaze avait signalé sa radicalisation, mais ce signalement n'était pas parvenu à la police.
- Des occasions ratées pour capturer Abdeslam? -
La traque d'Abdeslam après le 13 novembre a duré quatre longs mois, alors qu'il n'a vraisemblablement pas quitté Bruxelles, se cachant successivement dans les communes bruxelloises de Schaerbeek, Forest et Molenbeek, où il a été capturé le 18 mars.
Les policiers belges ont été critiqués pour leur maillage lacunaire du territoire, alors que le fugitif a disposé de réseaux locaux de soutien.
Après son exfiltration de Paris, la presse belge s'est fait l'écho d'une fuite rocambolesque de Salah Abdeslam, à l'intérieur d'un meuble pendant un déménagement, d'un logement pourtant surveillé par la police. Mais cet épisode n'a jamais été avéré.
Plus récemment, des médias belges ont révélé que la police de Malines (nord) connaissait depuis des mois l'adresse du dernier logeur d'Abdeslam. La police s'est défendue en disant avoir eu comme seule indication la présence d'une personne radicalisée à cette adresse, mais a reconnu qu'elle aurait dû la transmettre.
- Une courte audition -
L'information a surpris: Salah Abdeslam n'a été que brièvement interrogé après son arrestation le 18 mars, alors que se tramaient les attaques de Bruxelles, survenues le 22 mars. Les enquêteurs n'ont-ils pas été assez prompts, se privant d'une possibilité de les déjouer?
Le parquet fédéral a assuré qu'Abdeslam avait été interrogé le 19 mars pendant trois heures au total. Mais il a commencé ce jour-là, lors de sa troisième audition, à faire "usage de son droit au silence". Une nouvelle fois entendu le 22 mars, après les tueries bruxelloises, il est resté muet.
- Un sanctuaire de jihadistes -
C'est un reproche récurrent: la Belgique aurait fait preuve de laxisme face à la radicalisation d'une partie de sa jeunesse. Le pays est celui qui compte en Europe - proportionnellement à sa population - le plus grand nombre de jihadistes partis combattre en Syrie ou en Irak.
La commune bruxelloise de Molenbeek est apparue comme un vivier. Salah Abdeslam et son frère Brahim, kamikaze à Paris, y ont grandi. L'un des organisateurs présumés de ces attentats, Abdelhamid Abaaoud, en était originaire. Les assassins du commandant Massoud y ont séjourné en 2001, comme l'un des concepteurs des attentats de 2004 à Madrid...
Au niveau local, certains responsables, comme un ex-maire de Molenbeek, ont été taxés de complaisance face à la diffusion d'un islam de plus en plus radical. Au niveau national, le reproche est souvent fait aux autorités d'avoir laissé l'Arabie saoudite diffuser l'idéologie salafiste, souvent considérée comme un terreau du jihadisme.
- Coordination ratée le 22 mars? -
Une polémique est aussi née sur la réaction des autorités le 22 mars.
Selon le ministre de l'Intérieur, l'évacuation des stations de métro et des gares ferroviaires de la capitale a été décidée à 08H50, moins d'une heure après les explosions à l'aéroport de Bruxelles, mais avant l'attentat dans le métro survenu vers 09H10. L'exploitant du métro a toutefois assuré n'avoir reçu aucune instruction en ce sens. Un syndicat de cheminots a quant à lui assuré que des trains circulaient encore aux alentours de 10H00.
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