En aidant l'armée syrienne à reprendre Palmyre au groupe État islamique (EI), la Russie a confirmé le rôle majeur qu'elle joue dans le conflit syrien et montré qu'elle a toujours assez de moyens militaires sur place pour intervenir efficacement.
Artisan du cessez-le-feu conclu fin février entre le régime et l'opposition, Moscou avait pourtant annoncé le 14 mars, en grande pompe, le retrait du gros de ses forces de Syrie, où elles avaient entamé il y a six mois une campagne de frappes aériennes en soutien aux troupes de Bachar al-Assad.
Dimanche, la reprise après plusieurs semaines de combats de Palmyre, cité antique inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, est devenue la plus importante victoire du régime de Damas face à l'EI. Elle lui ouvre la voie de la frontière avec l'Irak, contrôlée en grande partie par les jihadistes.
Qualifiée lundi "d'importance stratégique" par l'état-major russe, la reprise de la ville a été largement facilitée par les avions et les forces spéciales russes au sol, chargées de guider les frappes et de conseiller les soldats syriens.
Si l'armée russe a également annoncé lundi avoir terminé le rapatriement en Russie d'une partie de ses bombardiers, les avions restant poursuivent leurs frappes en soutien aux forces gouvernementales, désormais résolues à avancer vers les principaux fiefs de l'EI en Syrie.
Selon le quotidien russe Kommersant, l'offensive vers Palmyre a été élaborée en commun début mars par l'état-major syrien et des généraux russes.
"Une telle opération est ce que tout le monde attendait de la Russie: enfin, une lutte contre l'EI au lieu de bombardements visant l'opposition", estime l'analyste Pavel Felgenhauer, soulignant les retombées positives pour l'image de Moscou.
En participant à la reconquête de la "perle" du désert syrien, dont la destruction des monuments par les jihadistes avait choqué la communauté internationale, la Russie peut se targuer d'une victoire symbolique et se poser en défenseur du patrimoine mondial.
Moscou a ainsi annoncé que les démineurs russes avaient déjà commencé à nettoyer Palmyre des engins explosifs laissés par les combattants de l'EI avant leur retraite.
Dès l'annonce de la reprise de la ville, Vladimir Poutine s'était entretenu avec la directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, s'accordant à élaborer prochainement un "plan de reconstruction" de la cité antique.
- Les ambitions russes confortées -
Au delà de l'aspect militaire et symbolique, la défaite de l'EI à Palmyre est aussi une victoire psychologique de la Russie sur les Occidentaux, Bachar al-Assad pouvant être présenté comme un rempart efficace face au jihadisme.
"Pour la première fois, le régime de Damas apparaît comme une véritable force, capable de lutter contre l'EI", résume dans les colonnes de Kommersant le politologue Grigori Kossatch.
Les succès de l'armée syrienne et sa progression vers la "capitale" de l'EI en Syrie, Raqa, donne de nouveaux arguments à Moscou pour plaider en faveur d'une coalition unique dont ferait partie le régime de Damas, un schéma rejeté jusqu'à présent par les Occidentaux.
Le redéploiement des forces gouvernementales syriennes pour l'offensive contre l'EI a été permis à la faveur du cessez-le-feu entre régime et opposition voulu par Moscou et Washington. Cette trêve a également favorisé la reprise de pourparlers de paix sous l'égide de l'ONU à Genève.
"La Russie veut arriver à la stabilité en Syrie dans le courant de l'année. Son but est de saper la capacité de l'EI à combattre", explique le directeur du Centre public d'études politiques de Moscou, Vladimir Evseïev.
L'intervention russe en Syrie le 30 septembre avait déjà permis de remettre en selle Bachar al-Assad, alors en difficulté, après une campagne massive de bombardements visant les forces de l'opposition plus que les jihadistes, selon les Occidentaux.
Une fois en position de force, Vladimir Poutine avait multiplié les pressions sur le président Assad en faveur de négociations directes avec l'opposition et d'une transition politique en Syrie, dont la réussite se joue à Genève.
Mais la question du destin de Bachar al-Assad, principale pierre d'achoppement entre la Russie et les Occidentaux, reste entière.
"La victoire de Palmyre donne l'avantage aux groupes de l'opposition présents à Genève qui ne veulent pas une élimination pure et simple d'Assad et qui sont prêts à négocier avec le régime", juge Vladimir Evseïev.
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