Taïwan a accusé samedi l'armée chinoise de simuler une attaque de l'île et fustigé le "comportement irresponsable d'un régime autocratique". La Chine poursuit ses représailles après la visite à Taipei de la numéro trois américaine Nancy Pelosi.
Les relations entre les Etats-Unis et la Chine se sont détériorées après la visite de Mme Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, qui a été considérée comme une "provocation" par Pékin, les Etats-Unis s'étant engagés à ne pas avoir de relations officielles avec le territoire insulaire revendiqué par la Chine.
En réponse, l'armée chinoise mène ses plus importants exercices jamais organisés autour de Taïwan. Ils doivent durer jusqu'à dimanche midi et sont présentés comme un entraînement à un "blocus" de l'île.
Les autorités taïwanaises ont recensé, jusqu'à samedi 17H00 (09H00 GMT), "20 avions communistes et 14 bateaux menant des exercices conjoints air-mer autour de Taïwan", selon le ministère de la Défense.
Au moins 14 d'entre eux ont franchi la ligne médiane, a-t-il ajouté, forçant Taïpei à faire décoller d'urgence des avions de patrouille pour repousser les chasseurs.
Le ministère a estimé que ces exercices étaient "considérés comme une simulation d'attaque contre l'île principale de Taïwan".
Tracée unilatéralement par les Etats-Unis durant la Guerre froide, la ligne médiane, au milieu du détroit de Taïwan qui sépare l'île de la Chine continentale, n'a jamais été reconnue par Pékin.
Carte de Taiwan et des eaux environnantes, localisant les zones des exercices militaires chinois prévus entre le 4 et le 7 août et les points d'impact des tirs de missiles effectués le 4 août © AFP / Laurence CHU
La Chine suspend plusieurs relations internationales
Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a déclaré samedi à Manille que les Etats-Unis étaient "déterminés à agir de manière responsable" pour éviter une crise après la "disproportion totale" selon lui de la réaction chinoise.
La Chine a annoncé vendredi la "suspension" de la coopération judiciaire et anti-drogue avec les Etats-Unis, mais aussi du dialogue bilatéral sur le changement climatique - entre autres domaines.
Les deux pays sont les plus importants émetteurs de gaz à effet de serre au monde en valeur absolue. La Chine ne devrait pas prendre en "otage" les discussions sur des questions telles que le changement climatique car cela "ne punit pas les États-Unis, mais le monde entier", a déclaré M. Blinken.
L'armée chinoise a publié samedi une photo prise selon elle depuis un de ses navires militaires à proximité immédiate des côtes de Taïwan, et où on voit un bâtiment de la marine taïwanaise à quelques centaines de mètres seulement. Ce cliché pourrait être le plus proche du littoral taïwanais jamais pris par les forces de Chine continentale.
L'armée chinoise a également publié la vidéo d'un de ses pilotes d'avion de chasse montrant, depuis son cockpit en plein vol, le littoral et les montagnes de Taïwan.
Appel aux démocraties
Ces exercices sont un avertissement envoyé à la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, issue d'un parti indépendantiste, et aux Etats-Unis, accusés par Pékin d'avoir "trahi" leur parole en renforçant ces dernières années leurs relations avec les autorités taïwanaises.
La Chine a par ailleurs annoncé de nouvelles manoeuvres "à tir réel" à partir de samedi et jusqu'au 15 août dans une petite zone maritime très proche du port chinois de Lianyungang (est), au bord de la mer Jaune qui sépare la Chine de la péninsule coréenne.
Selon la télévision publique chinoise CCTV, des missiles ont survolé Taïwan cette semaine durant les exercices autour de l'île - ce qui constituerait une première.
Le Conseil des affaires continentales, l'organisme qui à Taipei gère les relations avec la Chine continentale, a dénoncé samedi "les actions brutales et déplorables" de Pékin.
"Nous appelons l'ensemble de nos partenaires démocratiques dans le monde à continuer de soutenir Taïwan et à contrer le comportement irresponsable d'un régime autocratique qui sape la paix avec son aventurisme militaire", a-t-il dit.
Le ministère taïwanais des Affaires étrangères a appelé samedi Pékin à "arrêter immédiatement de faire monter la tension et de mener des actions provocatrices visant à intimider le peuple taïwanais".
Après des critiques du G7 et des Etats-Unis, Antony Blinken et ses homologues japonais et australien ont publié un communiqué conjoint appelant la Chine à stopper ses exercices militaires.
"Mauvaise passe"
La décision de Pékin de suspendre le dialogue avec Washington sur le climat suscite également l'inquiétude.
"Il est impossible de s'attaquer à l'urgence climatique si les deux principales économies et les deux plus grands émetteurs n'agissent pas", a déploré Alden Meyer, analyste au centre de réflexion E3G, spécialisé sur le changement climatique.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a jugé qu'il "est impossible de résoudre les problèmes les plus pressants dans le monde sans un dialogue et une coopération efficaces entre les deux pays", selon son porte-parole.
La dégradation des relations Pékin-Washington pourrait être durable, notent par ailleurs des experts.
Elles sont "actuellement dans une très mauvaise passe", affirme à l'AFP Bonnie Glaser, spécialiste de la Chine au centre de recherche German Marshall Fund of the United States à Washington.
Elle cite comme "particulièrement inquiétante" la suspension d'accords de coopération, comme celui sur la coopération militaire maritime visant justement à préserver l'escalade.
La plupart des analystes s'accordent toutefois à dire que Pékin ne souhaite pas pour l'instant une confrontation armée.
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