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COP26: comment passer des "promesses d'ivrogne" à l'action? La réponse d'un expert

 
 

La Conférence pour le climat de l'ONU, la COP26, est censée se terminer. Les négociateurs pourraient cependant jouer les prolongations durant le week-end pour aboutir à une déclaration. Mais quel bilan tirer dès maintenant, après deux semaines discussions entre les délégations des pays? Notre journaliste Antoine Schuurwegen a interrogé en direct dans le RTL INFO 19H François Gemenne, membre du groupe d'expert sur le climat de l'ONU et membre des universités de Liège, Bruxelles et Paris. Le politologue indique que s'ils veulent des effets concrets, les citoyens ont tout intérêt à continuer "à maintenir la pression sur les gouvernements pour qu'ils réalisent les engagements".

Antoine Schuurwegen: Quel bilan tirez-vous de cette conférence sur le climat?

François Gemenne: C'est toujours évidemment un bilan mi-figue mi-raisin, selon qu'on verra le verra à moitié plein ou à moitié vide. Je dirais que ce qu'on retiendra essentiellement, ce sont les annonces (ndlr: maintien de la hausse des températures à 1,5°C, sortie du pétrole, du gaz et du charbon et l'arrêt de la déforestation). Et ces annonces ne sont pas issues des négociations elles-mêmes. Donc on voit, en quelque sorte, deux processus de négociations presque concurrents. Où d'un côté il y a des alliances de certains pays qui vont faire des annonces et qui vont s'engager sur certains points. Et de l'autre il y a la négociation, qui elle-même est très lente et qui devrait déboucher sur une déclaration finale, peut-être ce soir, demain ou dimanche. Avec des avancées importantes, néanmoins, sur le charbon en particulier ou sur les subventions publiques aux énergies fossiles. Ça c'est vraiment des points très importants qui n'avaient pas été évoqués jusqu'ici et qui sont vraiment essentiels. Par contre, il restera un énorme gros problème, l'éléphant dans la pièce, à savoir que les engagements nationaux sont insuffisants aujourd'hui pour tenir les accords de Paris, c'est-à-dire 2°C d'ici la fin du siècle, et même si possible 1,5°C.

Antoine Schuurwegen: Vous parlez des engagements nationaux. Lors des accords de Paris, la Belgique avait été assez critiquée. Est-ce que notre pays apparaît plus uni sur la scène internationale et au-devant de la lutte contre le réchauffement climatique?

François Gemenne: Je dirais que la Belgique a malgré tout réussi à faire bonne figure, notamment en rejoignant plusieurs coalitions, en particulier la coalition sur la haute ambition. Et donc en se plaçant un peu aux avant-postes. Mais ça ne peut pas faire oublier l'absence d'accord interne entre entités fédérées. Evidemment, ça n'a pas eu d'impact sur le processus de négociation lui-même, mais enfin, il faut quand même se rendre compte de la difficulté de se mettre d'accord 197 pays qui ne viennent pas tous de la même ligne de départ, qui n'ont pas tous les mêmes contraintes, lorsque entre entités fédérées au niveau belge on ne parvient déjà pas à se mettre d'accord.

Antoine Schuurwegen: Après deux semaines de négociations, des accords ont été engrangés. Qu'est-ce qu'on fait maintenant? Il faut passer au concret à un moment donné.

François Gemenne: C'est tout le problème. Même la plus belle COP du monde ne peut donner que ce qu'elle a. Et quelque part, ce n'est pas parce qu'on va dire les choses, qu'on va se mettre d'accord avec la COP, que tout de suite les choses vont être enclenchées. Très souvent, on est dans une logique où on va promettre d'agir, on va s'engager à agir, mais ces promesses vont finalement camoufler le fait que l'action elle-même ne suit pas. Et parfois, on va faire le procès à la COP de l'inaction des gouvernements. C'est-à-dire qu'on va considérer, en regardant le texte final de l'accord, qu'il y a des avancées notables, mais ça ne sera pas à la COP elle-même de mettre en place ces engagements. La COP n'est qu'un forum de négociation. Maintenant tout repose sur les Etats, sur les industries et aussi sur les citoyens. C'est pour ça que c'est important que les citoyens et que la société civile continuent à maintenir la pression sur les gouvernements pour qu'ils réalisent les engagements. Parce que pour le moment, beaucoup de ces engagements ressemblent à des promesses d'ivrognes ou à des résolutions de Nouvel An. Des choses qu'on promet dans l'instant, dans l'euphorie de la COP, et qu'on oublie dès qu'on est rentré chez soi.


 

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