"Début de la division de l'Irak", "violation du droit international": la minorité turkmène d'Irak dénonce la construction par les Kurdes irakiens d'une tranchée longue de centaines de kilomètres, officiellement présentée comme une défense contre les jihadistes.
"Nous voyons cette tranchée comme le début de la division de l'Irak. Elle serait la concrétisation sur le terrain d'une carte géopolitique redessinée", a déclaré à l'AFP le chef du parti Front turkmène irakien, Archad al-Salehi.
Le gouvernement de la région autonome du Kurdistan irakien, qui s'étend dans le nord de l'Irak, se défend lui de toute visée expansionniste, soutenant que la tranchée, large de trois mètres et profonde de deux, ne vise qu'à empêcher des attaques des jihadistes de l'Etat islamique (EI).
Mais pour des responsables de la communauté turkmène, le tracé de ce profond fossé soulève la suspicion.
Selon eux, la tranchée traversera l'Irak d'ouest en est, de la ville de Rabia bordant la Syrie à celle de Khanaqine, près de la frontière iranienne.
Elle suivrait en grande partie les 1.000 kilomètres de la ligne de front entre les combattants kurdes et ceux de l'EI.
Or, les combattants kurdes, les peshmergas, sont présents au-delà de la frontière de leur région, après avoir vaincu l'EI dans des zones d'où l'armée irakienne avait fui.
La tranchée leur permettrait d'inclure ces territoires dans le Kurdistan irakien bien qu'il n'y appartiennent pas selon les frontières actuelles, dénoncent les Turkmènes également appelés Turcomans.
- Préserver l'unité de l'Irak -
Ils s'en inquiètent car ces zones abritent nombre des leurs.
"70 à 80% des territoires (qui passeraient du côté kurde de la tranchée) sont peuplés de Turkmènes", affirme Mehdi Saadoun, un militant de la Fondation pour le secours des Turcomans.
"Les villes de Tal Afar, Kirkouk et Touz Khourmatou passeront du côté du Kurdistan irakien si le gouvernement n'applique pas la loi préservant l'unité de l'Irak", a-t-il mis en garde.
Ce vaste pays du Moyen-Orient compte de nombreuses minorités notamment les Kurdes, dont la population est estimée à environ quatre millions, et les Turkmènes sur lesquels il n'existe pas de statistique chiffrée récente.
Les Turcomans d’Irak ont entretenu par le passé des relations difficiles avec les Kurdes. Les rivalités ethniques sont apparues au grand jour depuis la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003 et la revendication par les Kurdes de Kirkouk.
Le gouvernement du Kurdistan irakien a reconnu avoir récemment accéléré la fortification de ses défenses contre l'EI mais nie fermement tout projet politique.
"Cette tranchée est un système défensif contre les véhicules piégés utilisés par Daech (acronyme arabe de l'EI)", a insisté un porte-parole des combattants kurdes irakiens, Jabar Yawar.
"Elle ne sera pas construite partout, certaines zones n'en n'ont pas besoin. Il reviendra aux responsables militaires de décider" de son tracé, a-t-il ajouté.
Les travaux de creusement n'ont pas commencé à Touz Khourmatou mais ils ont débuté près de Kirkouk, une ville située dans une riche région pétrolière, ainsi qu'à Jalawla, près de la frontière iranienne, selon les responsables turkmènes.
Pour Jassem Mohammed Jaafar, un parlementaire turkmène, cette tranchée "viole les conventions internationales et les droits des personnes qui seront forcées de vivre de part et d'autre".
M. Salehi a appelé le Premier ministre irakien Haider al-Abadi à prendre position contre cette tranchée controversée.
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