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La France, pays des droits de l'Homme? Pas pour nous, répondent les migrants à Calais

La France, pays des droits de l'Homme? Pas pour nous, répondent les migrants à Calais
Des migrants assis près d'une grille surmontée d'un fil barbelé, à Calais, le 12 janvier 2018PHILIPPE HUGUEN
 
 

"La France, pays des droits de l'Homme? Seulement si vous êtes Français": Jacob Garji fait partie des centaines de migrants survivant tant bien que mal à Calais, traqués par la police qui tente d'empêcher leur passage en Angleterre.

Quinze mois après le démantèlement de la "jungle", le bidonville sordide qui hébergeait 8.000 migrants environ tentant de rejoindre les côtes anglaises, le port de la Manche reste synonyme de rêves brisés.

Mardi, le président français Emmanuel Macron a fait le déplacement dans cette ville du nord de la France, promettant qu'elle ne sera plus l'antichambre avant l'Angleterre pour des milliers de migrants désespérés.

Mais les méthodes de la police afin d'empêcher une nouvelle "jungle" ternissent l'image d'un pays qui s'enorgueillit d'être celui des droits de l'Homme.

Plusieurs migrants ont affirmé à l'AFP avoir été régulièrement réveillés dans les bois entourant Calais par la police faisant usage de "gaz lacrymogène" - des associations ont elles évoqué l'emploi d'aérosol au poivre - et leur confisquant leurs effets personnels.

"Ils aspergent la tente quand vous êtes en train de dormir ou ils vous aspergent directement le visage. La tente, ils la prennent. Le sac de couchage, ils le prennent. Ils prennent même les médicaments qu'on nous a donnés à l'hôpital", explique Dawit, un Ethiopien de 21 ans, en faisant la queue dans le froid pour du thé et du pain que distribue une association humanitaire locale.

Plusieurs autres Ethiopiens, réfugiés dans un bosquet près d'une zone industrielle, racontent avoir été interpellés par la police et relâchés à environ deux heures à pied de Calais. Selon les ONG, cela fait partie d'une stratégie visant à disperser les migrants.

Jacob Garji, 21 ans, se dit lui "prêt à passer un ou deux ans pour atteindre la Grande-Bretagne". "C'est mon avenir", dit-il dans un anglais courant. Lui et son frère David, 22 ans, viennent d'Iran où leur famille, des Juifs d'origine afghane, ont fui l'antisémitisme et la discrimination contre le Afghans, dit-il.

Depuis trois semaines, les deux frères tentent de monter dans un camion pour l'Angleterre. En vain.

A Paris, ils disent avoir été choqués en voyant les réfugiés dormir sous les ponts des mois durant, dans l'attente du traitement de leur dossier de demande d'asile. A Calais, ils assurent avoir été régulièrement interpellés, tandis que leur tente était déchirée.

Jacob parle également couramment français mais il n'a aucune envie de s'éterniser dans un pays qui "n'est bon que pour les Français".

- Stratégie 'de l'épuisement' -

Les ONG ont accusé Emmanuel Macron de trahir la longue tradition de la France en tant que "terre d'accueil", en voulant séparer les migrants qui fuient la guerre et les persécutions et ceux qu'on appelle les migrants "économiques".

Des associations humanitaires ont ainsi refusé de rencontrer M. Macron lors de son déplacement à Calais.

Brice Benazzouz, coordinateur régional de Médecins du Monde, accuse la police de tenter de chasser les migrants de Calais grâce à une stratégie de "l'épuisement".

François Guennoc, vice-président de l'Auberge des Migrants, explique ne pas avoir voulu servir de "simple alibi en faveur d'une stratégie déjà bien en oeuvre".

Les deux associations demandent une révision de l'accord du Touquet, en vigueur depuis 2004, qui établit à Calais la frontière avec le Royaume-Uni, piégeant ainsi les migrants de ce côté-ci de la Manche.

Emmanuel Macron a promis de faire pression sur Londres, jeudi lors d'un sommet franco-britannique dans le sud de l'Angleterre, afin que l'île accepte plus de migrants.

Le président maintient parallèlement une position dure contre "l'occupation illégale de l'espace public", une politique appréciée à Calais.

"Ils devraient être renvoyés dans leur pays", déclare Fabienne Bouin, une femme de ménage de 53 ans, accusant les migrants d'être "agressifs".

Ludovic Duconinck, gérant d'un café dans le centre-ville, dit ne jamais avoir été personnellement embêté par la présence des migrants mais craint que la situation ait "terni l'image de Calais".

"Je les plains. Mais on ne peut pas faire grand chose pour eux".


 

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