Déterminé à mener des exécutions jusqu'aux derniers jours de son mandat, le gouvernement de Donald Trump a procédé à une nouvelle injection létale jeudi, ignorant les appels à la clémence et l'irruption du Covid-19 chez les bourreaux.
Brandon Bernard, un Afro-Américain de 40 ans, a été exécuté pour avoir participé à un double meurtre en 1999 au Texas, quand il était tout juste majeur.
Un demi-million de personnes ont signé des pétitions pour demander au président républicain de commuer sa peine en rétention à perpétuité, soulignant notamment son manque de maturité au moment du crime et sa bonne conduite en prison.
"A 18 ans et quelques mois, son cerveau n'avait pas fini de se développer", a notamment plaidé la star de téléréalité Kim Kardashian.
Avec d'autres jeunes, il avait pris part à l'enlèvement d'un couple de pasteurs blancs, ensuite abattu et brûlé dans sa voiture. Certains des agresseurs avaient moins de 17 ans et ont échappé à la peine de mort. Deux sont déjà sortis de prison.
Mais l'auteur des tirs, Christopher Vialva, 19 ans à l'époque, et Brandon Bernard, qui avait mis le feu au véhicule, ont été condamnés à la peine capitale en 2000 par un tribunal fédéral, car le crime s'était déroulé sur un terrain militaire.
Le premier a reçu une injection létale en septembre au pénitencier de Terre-Haute, dans l'Indiana. Le second a subi le même sort jeudi soir après le rejet par la Cour Suprême d'un ultime recours.
"L'exécution de Brandon est une tache sur le système judiciaire américain", a déclaré son avocat dans un communiqué. "Brandon a fait une erreur terrible à l'âge de 18 ans mais (...) il n'a jamais cessé de ressentir de la honte et de profonds remords pour ses actes."
- "Déphasé" -
Il s'agit de la neuvième exécution fédérale depuis juillet, après la mise en sommeil de cette pratique pendant 17 ans.
Malgré la défaite de Donald Trump à la présidentielle - qu'il refuse de reconnaître - son gouvernement a planifié quatre autres exécutions d'ici la prestation de serment le 20 janvier du démocrate Joe Biden, opposé aux exécutions fédérales.
Depuis 131 ans, pourtant, la tradition veut que les présidents sortants sursoient aux exécutions en attendant l'arrivée de leur successeur.
"Le gouvernement n'est pas du tout en phase avec l'approche" de ses prédécesseurs, puisqu'il n'y a eu que trois exécutions fédérales au cours des 45 dernières années, relève Ngozi Ndulue, directrice de recherches au Centre d'information sur la peine de mort (DPIC).
Il est tout aussi "décalé" vis-à-vis des évolutions dans le pays, où les nouvelles peines capitales et le soutien à la peine de mort sont à des plus bas historiques, ajoute-t-elle.
Mais surtout, note-t-elle, "il poursuit obstinément les exécutions au milieu d'une pandémie mondiale, c'est saisissant".
Le Covid-19 fait rage aux Etats-Unis, où plus de 3.000 personnes sont mortes du virus en une seule journée mercredi, avec un bilan total dans le pays à plus de 290.000 décès.
- "Problèmes familiers" -
Face au risque sanitaire, même les Etats les plus attachés à la peine capitale, comme le Texas, ont suspendu les exécutions.
Le gouvernement de Donald Trump, lui, persiste bien que six membres de l'équipe des bourreaux ayant participé à la dernière exécution fédérale aient été diagnostiqués positifs au nouveau coronavirus dans la semaine suivante, tout comme le conseiller spirituel du condamné.
Dans ce contexte, de plus en plus de voix - éditorialistes, experts de l'ONU, évêques catholiques... - condamnent son entêtement.
"Nos responsables essaient juste de marquer des points politiques", a dénoncé jeudi Gary Witte, un prêtre venu manifester devant le ministère de la Justice à Washington contre ce "manque d'humanité". Donald Trump "bat déjà des records d'exécutions, il n'a pas de raison de continuer, à part le dépit", a ajouté l'un des organisateurs, Abraham Bonowitz, 53 ans.
Tous ces condamnés ont commis des "crimes horribles", rétorque le ministre de la Justice Bill Barr, qui assure se borner à "appliquer les peines déclarées par les tribunaux".
Ngozi Ndulue souligne toutefois que les prisonniers exécutés cet été, alors que le pays était traversé par une large mobilisation antiraciste, étaient tous blancs, ce qui pour elle traduit "un choix discrétionnaire".
A l'inverse, les derniers sur la liste sont, à l'exception d'une femme blanche, tous noirs, ce qui pour la chercheuse reflète la surreprésentation des Afro-Américains dans les couloirs de la mort.
Des "problèmes familiers" liés aux préjugés racistes dans le système pénal qui, déplore-t-elle, restent d'actualité même en temps "d'exécutions extraordinaires".
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