"Quand il ne chantait pas, il torturait": Mehdi Nemmouche, auteur présumé de la tuerie du Musée juif à Bruxelles, a été mis en examen mercredi à Paris dans l'enquête sur les quatre journalistes français otages en Syrie en 2013-2014, soupçonné d'avoir été l'un de leurs geôliers.
Transféré de Belgique en France, le jihadiste français, âgé de 32 ans, est arrivé peu avant 10H00 sous escorte du GIGN au palais de justice de Paris pour être présenté à un juge antiterroriste.
A la suite d'un rendez-vous d'une dizaine de minutes dans le bureau du magistrat, il a été mis en examen pour "enlèvement et séquestration en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste" et "association de malfaiteurs terroriste criminelle", selon une source judiciaire.
"Sur mes conseils, Mehdi Nemmouche a déclaré n'avoir rien à répondre" car nous n'avons pas encore eu accès au dossier, a confirmé son avocat, Me Francis Vuillemin, précisant que son client ferait "l'objet d'une nouvelle convocation (des juges français) pour être entendu sur le fond".
D'après Me Vuillemin, Nemmouche n'est pas dans une stratégie de mutisme à l'image de Salah Abdeslam. Ce dernier, convoqué lui aussi mercredi par les juges antiterroristes dans l'enquête sur les attentats parisiens du 13 novembre 2015, a de nouveau refusé de répondre aux questions des magistrats.
"A l'avenir, je ne serais pas étonné qu'il s'intéresse fondamentalement à son dossier (...) pour être actif et donner des réponses aux questions qui lui seront posées ", a expliqué Me Vuillemin à Europe 1.
Après sa mise en examen, Mehdi Nemmouche est revenu rapidement en Belgique. Il était "de retour" mercredi soir, a confirmé à l'AFP vers 19H30 le parquet fédéral belge, sans donner plus de détails.
Le 24 mai 2014, un homme avait ouvert le feu dans le hall d'entrée du Musée juif de Bruxelles, tuant deux touristes israéliens, une bénévole française et un jeune employé belge.
L'auteur présumé, Mehdi Nemmouche, délinquant multirécidiviste radicalisé en prison et passé par la Syrie, avait été arrêté six jours plus tard à la gare routière de Marseille.
Quelques jours après son arrestation, les journalistes Didier François, Pierre Torrès, Edouard Elias et Nicolas Hénin, enlevés en Syrie en juin 2013 et libérés dix mois plus tard, avaient été interrogés par les services de renseignement français et l'avaient identifié, plus ou moins formellement, comme l'un de leurs geôliers.
- "Obsession antisémite" -
En septembre 2014, Le Monde avait révélé la présence de Nemmouche auprès des quatre journalistes en Syrie. Certains d'entre eux s'étaient alors exprimés publiquement.
Nicolas Hénin a raconté avoir été "maltraité" par Nemmouche, désigné comme "Abou Omar le cogneur", lorsqu'il était retenu notamment à l'hôpital ophtalmologique d'Alep, transformé en prison par le groupe État islamique (EI). "Quand il ne chantait pas, il torturait. Il était membre d'un petit groupe de Français dont la venue terrorisait la cinquantaine de prisonniers syriens détenus dans les cellules voisines", avait relaté l'ex-otage.
"Il était extrêmement violent avec les prisonniers syriens", mais "obligé de se comporter de manière plus maîtrisée avec les otages occidentaux", avait souligné de son côté Didier François, mettant en avant chez Nemmouche "une espèce d'obsession antisémite, une obsession à vouloir imiter ou dépasser (Mohamed) Merah", auteur des tueries de Toulouse et de Montauban en 2012.
Les ex-otages avaient reconnu d'autres figures du jihadisme parmi leurs geôliers: Najim Laachraoui, l'un des deux kamikazes mort le 22 mars 2016 dans l'attentat à l'aéroport de Bruxelles et Salim Benghalem. Ce dernier, inscrit sur la liste américaine des "combattants terroristes étrangers" pour son appartenance à l'EI, a notamment évolué dans l'entourage de la filière dite "des Buttes-Chaumont", qui envoyait des jihadistes en Irak.
Nemmouche avait été extradé vers la Belgique en juillet 2014.
Placé depuis à l'isolement en prison, il "est en train de perdre la vue (et) l'ouïe", avaient avancé en septembre ses avocats belges Sébastien Courtoy et Henri Laquay.
Depuis, selon Me Vuillemin, il a été transféré dans un autre établissement à la frontière française "où il a pu recevoir un certain nombre de soins".
Le procès pour la tuerie du Musée juif à Bruxelles pourrait se tenir courant 2018.
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