Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a confirmé mardi soir que les corps découverts en République démocratique du Congo (RDC) étaient bien ceux de deux experts de l'ONU, assurant que les Nations unies feraient "tout leur possible pour que justice soit rendue."
L'Américain Michael Sharp, 34 ans, et la Suédoise Zaida Catalan, 37 ans, "ont perdu leur vie en essayant de comprendre les causes du conflit et de l'insécurité en RDC, afin d'aider à ramener la paix à ce pays", a déclaré le secrétaire général dans un communiqué diffusé à New York. "Je fais confiance aux autorités congolaises pour qu'elles conduisent une enquête complète sur cet incident. Les Nations unies mèneront aussi une enquête. En cas d'actes criminels, les Nations unies feront tout leur possible pour assurer que justice soit faite", a ajouté M. Guterres, actuellement en déplacement en Jordanie.
Une embuscade
Un porte-parole du gouvernement congolais a indiqué plus tôt mardi que les corps des deux experts, enlevés avec leurs accompagnateurs congolais le 12 mars dans la province du Kasaï, dans le centre du pays, avaient été retrouvés. La femme a été retrouvée décapitée, le corps de l'homme entier, avait-il précisé.
"Leurs corps ont été retrouvés hier dans un trou. Ils étaient à trois. Il y avait également un de nos compatriotes. Les trois autres n'ont pas été retrouvés. Il s'agit bien d'experts de l'ONU", a affirmé le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, au site d'informations Actualité.cd. Ils auraient été tués après une embuscade tendue par des présumés miliciens de Kamwina Nsapu.
M. Guterres a également appelé les autorités congolaises à "poursuivre les recherches pour retrouver les quatre ressortissants congolais qui accompagnaient les deux experts", en coopération avec l'ONU.
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"Ce sont des enquêteurs de terrain"
Les enquêteurs de l'ONU circulaient avec quatre Congolais. Trois conducteurs de moto et un traducteur. Ils étaient chargés de produire des rapports destinés au Conseil de sécurité de New York. "Ce sont des enquêteurs de terrain, qui travaillent toujours de façon très flexible et autonome. Sans protocole. Ce n’est pas étonnant qu’ils aient décidé de partir à moto pour rencontrer d’éventuels interlocuteurs. Ça correspond à leur mode opératoire", expliquait Kris Berwouts, chercheur belge spécialiste de la RDC, au moment de leur disparition.
L'ONU va "honorer la mémoire"
Le Groupe d'experts onusiens sur la RDC est composé de six personnes nommées chaque année par le secrétaire-général de l'ONU. Il présente chaque année un rapport portant notamment sur les mouvements illicites d'armes sur le territoire congolais, déstabilisé par de nombreux groupes rebelles depuis la fin de la deuxième guerre du Congo (1998-2003).
M. Guterres a souligné que l'ONU "honorerait la mémoire" des deux experts en "continuant à soutenir le précieux travail du groupe d'experts et toute la famille onusienne en RDC".
19.000 soldats
La mort de Michael Sharp et Zaida Catalan survient alors que l'ONU a repoussé à jeudi ou vendredi son vote sur le renouvellement du mandat de sa mission de maintien de la paix en RDC, la Monusco, plus importante des missions de maintien de la paix des Nations Unies avec quelque 19.000 soldats, policiers et observateurs militaires dans l'Est du pays et à Kinshasa.
Les violences entre forces de l'ordre et miliciens
La région de Kasaï-central est agitée par la rébellion de Kamwina Nsapu, chef traditionnel tué en août 2016 lors d'une opération militaire après s'être révolté contre les autorités de Kinshasa. Parties de Kananga, capitale du Kasaï-central en septembre 2016, les violences entre forces de l'ordre et miliciens ont progressivement gagné les provinces voisines du Kasaï-oriental, du Kasaï et de Lomami, faisant au moins 400 morts.
Parmi les dernières victimes en date figurent 39 policiers tombés vendredi dernier dans une embuscade et "enterrés par leurs bourreaux dans une fosse commune (sur le) lieu du massacre", selon le colonel Pierre-Rombaut Mwanamputu de la Police nationale congolaise (PNC).
Situation tendue à Kinshasa
La rébellion Kamwina Nsapu a été accusée par l'ONU de recruter des enfants et d'avoir commis de nombreuses atrocités. En face, les forces de l'ordre se voient régulièrement reprocher par les Nations unies de faire un usage disproportionné de la force contre des miliciens armés essentiellement de bâtons et de lance-pierres.
Mardi, l'Union européenne, l'Union africaine, les Nations unies et l'Organisation internationale de la Francophonie ont exprimé leur "profonde préoccupation" quant à "la grave situation" au Kasaï. Elles demandent, au niveau national, la nomination d'un "Premier ministre issu de l'opposition" en application de l'accord de transition conclu le 31 décembre 2016 censé conduire à la tenue d'élections prévues à la fin de cette année.
Cet accord de la Saint-Sylvestre prévoit le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila jusqu'à l'entrée en fonction d'un successeur et la formation d'un gouvernement élargi dirigé par un membre de l'opposition. Mais ce nouveau gouvernement n'a toujours pas été formé.
"L'impasse politique (des) discussions"
Lundi soir, les évêques catholiques qui assurent la médiation entre les deux parties ont constaté "l'impasse politique (des) discussions" après un nouveau cycle de négociations infructueuses. Dans ce contexte, la situation s'est tendue mardi à Kinshasa, où la présence policière était renforcée dans divers points stratégiques de la capitale. Selon des résidents, des accrochages entre forces de l'ordre et manifestants ont eu lieu dans plusieurs quartiers. Des pneus brûlés et des pierres jonchaient certaines rues, a constaté l'AFP.
Les évêques ont rencontré ce mardi M. Kabila qui leur a promis de travailler pour régler la crise, selon un porte-parole de l'épiscopat. Le parti historique de l'opposition, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) a de son côté annoncé qu'il organiserait une marche le 10 avril contre le pouvoir si la nouvelle équipe gouvernementale tardait à être formée.
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