Des milliers de Libanais exaspérés par la paralysie de l'Etat et le délabrement des services publics sont revenus manifester à Beyrouth mercredi, le jour où les leaders politiques échouaient une nouvelle fois à surmonter leurs divisions pour sortir de l'impasse.
Les responsables des différents courants politiques se sont séparés au bout de trois heures de discussions pour annoncer seulement une nouvelle réunion de "dialogue" le 16 septembre, sans mentionner un quelconque résultat concret.
Ils se sont réunis dans un Parlement en état de siège, protégé par des centaines de policiers et des barrières en métal surmontées de barbelés, après avoir été accueillis par des manifestants jetant des œufs sur leurs convois et scandant "Voleurs, voleurs, dehors!".
La contestation sociale provoquée par la crise des déchets à la mi-juillet a pris des accents politiques dans un pays où le poste de président de la République est vacant depuis plus d'un an, où le gouvernement miné par les divisions ne parvient pas à prendre des décisions et où le Parlement, en l'absence d'élections depuis 2009, a prorogé son propre mandat à deux reprises.
"On ne s'attendait pas à des résultats. De dialogue en dialogue, ils ne font que nous mentir!", s'est emporté Moustapha Awali, un étudiant de 21 ans, en référence à une série de réunions stériles depuis une décennie entre les forces politiques.
"Nous voulons une patrie" ou "le citoyen d'abord", proclamaient des bannières brandies par les milliers de protestataires rassemblés toujours en soirée sur la place des Martyrs dans le centre-ville de Beyrouth.
- Réunion du gouvernement -
"Vous avez échoué dans tout... Rentrez chez vous", était-il inscrit sur des ballons accrochés sur les barbelés pour exprimer la désillusion des manifestants.
"Nous resterons ici jusqu'à la fin de la journée pour réclamer nos droits à l'Etat", a affirmé à l'AFP Samer Mazeh, 23 ans, alors que le nombre de manifestants n'a cessé d'augmenter.
Une réunion extraordinaire du Conseil des ministres, convoquée par le Premier ministre Tammam Salam pour examiner un plan élaboré par une commission ministérielle en vue d'une solution à la crise des déchets, était toujours en cours.
Le mouvement de colère a été initialement provoqué par l'accumulation de déchets dans les rues après la fermeture de la principale décharge du pays le 17 juillet.
Maintes fois, des milliers de Libanais de toutes confessions et horizons politiques sont descendus dans la rue à Beyrouth, un fait inédit dans un pays plus habitué aux rassemblements à caractère politique et confessionnel et où la société est très polarisée politiquement.
- 'Pays poubelle' -
"C'était un pays... C'est devenu une poubelle! Nous devons tous descendre en masse mercredi pour continuer de mettre pression sur tous les corrompus!" avait écrit sur sa page Facebook la campagne "Vous puez", qui a lancé le mouvement.
La scène politique est divisée entre un bloc mené par le Hezbollah chiite -allié du régime syrien et soutenu par l'Iran- et celui de l'ex-Premier ministre sunnite Saad Hariri, appuyé par les Etats-Unis et l'Arabie saoudite. Leurs divisions ont été exacerbées par la guerre en Syrie voisine.
L'élection d'un chef de l'Etat, poste vacant depuis le 25 mai 2014, est à l'origine de la paralysie des institutions étatiques. Profondément divisé entre deux blocs, le Parlement, qui élit le président selon la constitution libanaise, n'est pas parvenu à un choix, même après 28 tentatives.
Le gouvernement actuel, formé il y a 18 mois sous le slogan de "l'entente nationale", réunit ces deux camps qui s'accusent mutuellement d'être à l'origine de la crise.
"Les participants ont exposé leur point de vue (...) concernant la principale clause qui est l'élection d'un président de la République", a annoncé un communiqué du Parlement à l'issue de la réunion de dialogue mercredi.
"Si vous avez un brin de responsabilité, vous n'auriez pas reporté la réunion avant d'avoir trouvé des solutions et répondu aux revendications des gens!" s'est indigné le mouvement "Vous puez".
Les militants renvoient dos à dos les deux blocs, leur reprochant de se partager entre eux les ressources du pays, alors que le Liban souffre toujours de pénuries d'électricité et d'eau 25 ans après la fin de la guerre civile.
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