Minbej, dans le nord de la Syrie, est une ville hautement stratégique située à une trentaine de kilomètres seulement de la frontière turque.
Cette cité de la province d'Alep, dont les forces du régime ont pris le contrôle mardi, a changé plusieurs fois de mains depuis le début du conflit en 2011 et a longtemps été dans le viseur d'Ankara.
- Ville clé -
Minbej comptait avant le début de la guerre 120.000 habitants, principalement sunnites, dont une majorité d'Arabes, un quart de Kurdes, et une petite minorité de Turkmènes.
Elle jouxte des zones aux mains de rebelles proturcs, notamment les villes d'Al-Bab, à l'ouest, et Jarablos, au nord.
- Rebelles, jihadistes, Kurdes -
En 2012, les rebelles syriens s'emparent de la ville, avant qu'elle ne tombe sous la coupe du groupe Etat islamique (EI) en 2014.
Minbej devient un carrefour clé sur le principal axe permettant aux jihadistes de faire transiter hommes, armes et argent entre la Turquie et les zones qu'ils contrôlent en Syrie.
La ville est même qualifiée par les Etats-Unis de "plaque tournante" de l'EI vers l'Europe.
En 2016, les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) et soutenues par une coalition internationale conduite par les Etats-Unis, coupent les routes reliant Minbej aux zones contrôlées par l'EI, avant de s'emparer de la ville.
Les FDS remettent alors la municipalité à un conseil civil et Minbej devient un refuge pour des milliers de déplacés fuyant les combats contre l'EI.
- Zone tampon des Américains -
Après la défaite des jihadistes, des troupes américaines restent à Minbej.
Au même moment, l'EI perd aussi du terrain dans des zones autour de la ville au profit des forces gouvernementales syriennes appuyées par la Russie au sud et des rebelles proturcs au nord.
Cette situation place les troupes américaines à Minbej au centre d'une zone tampon de facto entre factions adverses.
En 2017, le Pentagone annonce le déploiement de renforts militaires près de Minbej.
Les forces américaines ont été visées en janvier 2019 par un attentat revendiqué par l'EI et qui a fait 19 morts à Minbej, dont quatre Américains, l'attaque la plus meurtrière contre les forces américaines en Syrie depuis 2014.
- Visée turque -
En août 2016, Ankara lance une opération militaire en Syrie qui vise notamment à empêcher les YPG de contrôler une bande de territoire le long de la frontière turco-syrienne.
Selon des experts, c'est la prise de Minbej à l'EI et surtout la volonté affichée des Kurdes syriens d'avancer vers l'ouest qui a précipité l'intervention turque.
Ankara considère les milices des YPG comme l'extension "terroriste" des séparatistes kurdes du PKK, actifs en Turquie depuis 1984.
En janvier 2018, la Turquie et des combattants alliés syriens lancent une nouvelle opération militaire, avant de chasser les YPG de la ville d'Afrine en mars.
- Sous le contrôle de Damas -
En décembre, face à de nouvelles menaces turques d'offensive, les YPG appellent Damas à déployer ses troupes dans les environs de Minbej, en annonçant leur propre retrait du secteur. L'armée syrienne se déploie aux environs de la ville, sans toutefois y entrer.
Le 9 octobre 2019, les forces d'Ankara et des supplétifs syriens lancent leur troisième opération dans le nord syrien pour éloigner les YPG de la frontière turque. Le 13, le Pentagone annonce que Donald Trump a ordonné "un retrait délibéré des forces américaines" du nord de la Syrie.
Les forces kurdes se tournent vers Damas, qui envoie ses troupes dans le Nord en vertu d'un accord conclu avec les Kurdes pour contenir l'offensive turque.
Le 15, l'armée syrienne prend le contrôle de la totalité de Minbej et de ses environs.
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