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"Il ne ressemble pas aux oiseaux du quartier": un habitant trouve un petit martinet noir à Bruxelles, une espèce extraordinaire

"Il ne ressemble pas aux oiseaux du quartier": un habitant trouve un petit martinet noir à Bruxelles, une espèce extraordinaire
 
 

"Nous avons trouvé ce petit oisillon ce matin. Il ne ressemble pas aux oiseaux du quartier", nous a écrit une personne depuis Bruxelles, mercredi, via le bouton orange Alertez-nous. L’oisillon qu'elle a trouvé est un martinet noir, pourtant présent dans la capitale et étudié au sein d’un groupe de travail, mené par Martine Wauters, spécialiste de l’espèce. "Il a déjà plus d’une semaine", indique-t-elle en voyant la photo, précisant qu’il faut l’apporter "sans attendre" chez une personne qualifiée pour le prendre en charge.

En effet, les oisillons du martinet noir restent en principe une quarantaine de jours au nid, et comme on peut le voir sur la photo, ses ailes ne sont pas encore formées, il est donc vulnérable. En règle générale, le conseil, lorsque l’on trouve un oisillon en difficulté, c’est de contacter le Centre de revalidation le plus proche de chez soi, dont la liste est consultable ici. Si l'oiseau a été trouvé à proximité de travaux en cours, il est utile de le signaler, car ceux-ci pourraient toucher d'autres couples et petits. 


"Un oiseau extraordinaire"

Les martinets, ce sont ces oiseaux aux longues ailes qui forment une sorte de boomerang dans le ciel, et dont on entend les petits cris stridents dès que l'été approche. Martine Wauters coordonne le groupe de travail dédié à l’espèce au sein de l’association de protection de la nature Natagora et a créé l'association "Martinets sans frontières". Après avoir suivi des cours d’ornithologie et d’éthologie, elle se consacre, depuis 2010, au recensement et à la protection de l’espèce à travers diverses actions: "C’est un oiseau extraordinaire, qui comme les faucons pèlerins suscite l’engouement des citadins. Il y a des merveilles qui se passent en plein centre-ville", nous dit-elle. Elle nous cite quelques particularités de cet oiseau "complètement atypique": "Il fait presque tout en vol: dormir, s’accoupler, boire…". L’oiseau est par ailleurs capable de faire des pointes à plus de 200km/h.

Le martinet n’est pas une hirondelle, même si les deux oiseaux sont parfois confondus. "Le martinet a des ailes très pointues, comme un arc de flèche. Les hirondelles ont un vol plus papillonnant, un cri moins strident. A l’œil nu, le martinet est tout foncé, malgré sa tache blanche".
 

"Premier mai, premier martinet"

Les martinets sont des oiseaux migrateurs qui nichent sous nos latitudes. Ils arrivent par vagues, en fonction de leur âge: "Les nicheurs arrivent entre la mi-avril et mai. On dit d’ailleurs, "premier mai, premier martinet". Puis il y a une deuxième vague d’oiseaux de deux-trois ans, qu’on appelle pré-nicheurs, car les martinets ne nichent pas avant 4 ans. Ceux-là arrivent fin mai, et ce sont eux qu’on entend crier en tournant en rondes sonores autour des quartiers, car ils explorent les cavités potentielles pour nicher. Les petits jeunes d’un an arrivent mi-juin et repartent mi-juillet. Ils suivent le mouvement, mais ne cherchent pas encore de cavité".


Ils dorment… en planant

Si les pré-nicheurs cherchent des cavités alors qu’ils ne se reproduisent pas encore, c’est en prévision de l’année suivante : le martinet revient, si possible, chaque année au même endroit. Les nicheurs, eux, restent 3 mois chez nous, durant lesquels mâles et femelles se retrouvent. "Les 9 mois restants de l’année, ils les passent séparément. Si le deuxième membre du couple ne rentre pas, l’autre cherche un remplaçant"

Enfin, ceux qui ne nichent pas montent entre 1000 et 3000 mètres d'altitude pour dormir… en planant ! "Le martinet plane, bat des ailes quelques petites secondes, plane, redonne un coup d’aile...". Les martinets nicheurs, eux, rentrent au nid avec leurs jeunes.

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Les populations seraient en déclin

La spécialiste nous explique qu’il est difficile de déterminer le nombre exact de martinets dans chaque région ou dans le pays : ceux-ci se font souvent très discrets, et rentrent à plus de 70 km/h dans leur nid, ce qui les rend difficilement observables, même pour les ornithologues les plus aguerris. Elle nous donne toutefois une donnée: "Je suis en train de faire le bilan de recensement de la plus grande colonie qu’on connaisse, sur le campus Toverfluit au Scheutbos (à Molenbeek, ndlr). On est passé de 59 à 45 couples nicheurs. Ce qui fait 90 oiseaux, plus les pré-nicheurs. Au niveau des nicheurs sûrs, c’est 14 couples en moins sur 59".

Les populations seraient en net déclin. Les causes ? D'une part, la disparition des trous et cavités dans lesquels ces oiseaux nichent, en raison des pratiques modernes de rénovation et de construction. D'autre part, il y a toute une série de facteurs variables d’une année à l’autre, qui peuvent se combiner à cette raréfaction des habitats.



Pénurie de termites ailées, tempêtes de sables, pluies glaciales...

Martine Wauters nous cite ces facteurs qui pourraient avoir nui aux populations cette année. "L’évolution de la recherche a montré que beaucoup d’oiseaux insectivores se reposent une dizaine de jours sur la côte ouest du golfe de Guinée. D'après les contacts que j’ai eus dans certains de ces pays, la saison des pluies a eu deux mois de retard. Or, au moment où les oiseaux se reposent habituellement, il y a des essaimages de termites ailés, mais avec le retard de la pluie, il n’y en a pas eu à ce moment-là". Ces termites ailés sont particulièrement riches au point de vue nutritionnel et les oiseaux se gavent de ces insectes avant de traverser le Sahara. "Peut-être qu’il y a eu des oiseaux morts car ils n’avaient pas assez de calories pour traverser le Sahara ? D'autres ont peut-être attendu, ce qui veut dire qu’on aura beaucoup plus de martinets qui resteront en août voire en septembre ?", suggère la spécialiste.

Outre l’apport énergétique qui a peut-être manqué pour rejoindre l’Europe, le martinet pourrait avoir eu affaire à un obstacle important: "Il y a régulièrement des tempêtes de sable qui forcent les migrateurs à faire demi-tour, s’ils ne meurent pas. Or il y a eu des tempêtes exceptionnelles cette année. Il y a aussi eu des pluies glaciales au moment où les martinets sont arrivés à Ceuta, Gibraltar… donc il y a eu moins d’insectes en Espagne".


Vous voulez observer les martinets?

Si vous voulez observer cette espèce en compagnie de spécialistes, toute une série d’événements sont organisés ce mois-ci dans le cadre du festival du martinet. Les prochains se déroulent à Liège ce vendredi, dans le quartier des Aguesses et samedi, à Wavre.

Il est également possible de s'engager en tant que bénévole, notamment pour le recensement de colonies: "Soit les gens recensent dans leur quartier, choisissent ce qu’ils peuvent assumer, une rue ou un petit secteur. Il y a aussi les recensements collectifs, c'est la deuxième année qu'on le fait au campus Towerfluit". 


 

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