Des centaines de taxis se sont mobilisés ce mardi dans Bruxelles et sur le ring extérieur. Les embouteillages ont commencé dès 6 h mardi matin sur le ring ouest. Les taxis se sont d’abord regroupés sur les parking de Ruisbroek et Drogenbos et sur le plateau du Heysel, avant de se déployer sur le ring. En début d'après-midi, la circulation s'est nettement améliorée.
Peu après 15 heures, la police a appelé les taxis à évacuer le rond-point Schuman. Des désaccord seraient alors apparus entre la fédération belge des taxis et les autres fédérations. Le porte-parole de la Febet, Sam Bouchal, avait appelé à la dispersion, mais des associations de taxis européennes, qui ont fait le déplacement pour manifester, estimaient que l'action ne devait pas être clôturée si rapidement.
La police a cependant réussi à dégager le rond-point vers 15h45. Les différentes associations de taxis se seraient d'ailleurs mises d'accord pour obtempérer. La police a tout de même procédé à quelques arrestations administratives de chauffeurs de taxis qui refusaient de libérer les lieux.
Des jets d'oeufs
La police a également dressé 19 procès-verbaux en fin d'après-midi pour des chauffeurs de taxis qui maintenaient des blocages sur la petite ceinture au niveau de Trône et de la porte de Hal, a indiqué la porte-parole de la police de Bruxelles-Ixelles Ilse Van De Keere. Fernando Redondo, président de l'association belge des chauffeurs limousine, indique qu'une dizaine de ses membres ont été importunés par des manifestants, qui leur ont lancé des oeufs ou qui les ont bloqués. Ilse Van De Keere confirme que des oeufs ont été lancés mais qu'à sa connaissance, il n'y a pas eu de coups échangés. La porte-parole de la police ajoute qu'en fin de manifestation, les policiers ont encerclé le rond-point Schuman pour éviter que des chauffeurs de taxis ne reviennent y mener des actions.
Sur les 94 procès-verbaux, 87 sont de nature administrative et 7 autres judiciaires
La police de la route, elle, a dressé mardi 94 procès-verbaux pour infractions au code de la route et entrave méchante à la circulation à l'occasion de l'action des taximen bruxellois sur et à proximité du ring de Bruxelles, a indiqué mardi le ministre de l'Intérieur, Jan Jambon. Ces procès-verbaux ont notamment été réalisés sur base d'images prises par l'hélicoptère de la police fédérale. Sur les 94 procès-verbaux, 87 sont de nature administrative et 7 autres judiciaires. "Le droit de mener des actions est une réalité, mais il y a aussi un droit à la libre circulation pour ceux qui veulent travailler", a commenté le cabinet du ministre Jambon. "Ces droits doivent être soupesés de manière proportionnelle. Les services de police avaient reçu ordre d'agir contre les chauffeurs qui dépassent les bornes".
Réunion avec Rudi Vervoort
Les chauffeurs de taxis s'étaient rassemblés au rond-point Schuman pour accueillir vers 14h00 la délégation reçue par le ministre-président du gouvernement bruxellois Rudi Vervoort. "On ne fait pas le poids devant Uber: on n'a pas une application aussi efficace, on ne peut pas mettre de publicité dans notre voiture, ceux qui prennent des chambres d'hôtel sur Trivago reçoivent un mail de la part d'Uber en leur proposant un taxi...", estimait un chauffeur de taxi indépendant. "On ne peut pas diviser une tartelette en trente. Il n'y pas de place pour Uber sur le marché. Nous, on veut manger. On a des familles à nourrir".
Une centaine de chauffeurs étaient sortis de leurs voitures et s'étaient rassemblés sur le rond-point Schuman. Les véhicules occupaient toutes les voies de circulation alentours. Quelques pétards ont été allumés. La délégation reçue par Rudi Vervoort a rapporté en début d'après-midi aux manifestants la teneur de leurs discussions. S'appuyant sur l'avis du Conseil économique et social de la Région bruxelloise, il a rappelé la nécessité que l'avant-projet de réforme soit "revu en concertation étroite avec le secteur et les partenaires sociaux". Par ailleurs, il a insisté sur la capacité de la Région à faire respecter la législation actuelle. En réaction, des chauffeurs de taxis ont critiqué la délégation, ont fait valoir qu'ils trouvaient ce soutien affirmé de Rudi Vervoort insuffisant et qu'ils attendaient des actes concrets contre les chauffeurs qui travaillent via la plate-forme Uber.
Barrages filtrants
Tôt mardi matin, des barrages filtrants avaient été mis en place sur l'E40 à Grand-Bigard en direction de Bruxelles, sur l'E411 à Jezus-Eik en direction Bruxelles, sur le ring entre Huizingen et Beersel, entre Ruisbroek et Anderlecht et sur le viaduc Vilvoorde-Machelen.
Des pneus auraient été brûlés à hauteur de Ruisbroek. Les pompiers ont été mobilisés pour éteindre le feu. Selon Sam Bouchal, le porte-parole de la FeBet (Fédération belge des Taxis), les fumées dégagées sur la petite ceinture et sur le ring à hauteur de Ruisbroek étaient dues à des fumigènes, et non à des pneus brûlés. La police fédérale n'a pas encore eu confirmation de cette information.
"Ils utilisent les bandes d'arrêt d'urgence pour bloquer les gens !"
Sur la route, les automobilistes ne cachaient pas leur exaspération. "Cela fait maintenant 2h40 que je suis dans mon véhicule et je roule à 10km/h. Je suis censée ouvrir une boutique à 8h, j'ai dû appeler une collègue en urgence. Faut pas exagérer !", déplorait un témoin via notre bouton orange Alertez-nous.
Une autre personne nous a contactés pour dénoncer le comportement des chauffeurs de taxis qu'elle juge "honteux". "Je comprends qu'ils manifestent mais ils utilisent les bandes d'arrêt d'urgence pour bloquer les gens !", s'exclamait-elle. Comme le rappelle Benoit Godart, le porte-parole de Vias (nommé précédemment l'Institut belge pour la sécurité routière), cette manœuvre est strictement interdite.
"Pour les chauffeurs, c'est le désespoir"
Notre journaliste Camille Mathoulin a rejoint le cortège de taxis, tôt ce matin, afin de comprendre les motivations des chauffeurs de taxis.
"Pour les chauffeurs, c'est le désespoir. C'est un véritable drame social ce qui arrive. Comme Frank, que j'ai rencontré ce matin et qui a 19 ans de métier. En quelques années, son nombre de courses et son salaire ont baissé de 30 à 35%. Il témoigne: "J'ai déjà, un mois et demi de loyer de retard. J’ai un emprunt en cours parce qu'il y a 6 ans, j'ai acheté une petite maison pour ma retraite donc il faut payer tout cela. Je dois jongler tout le temps alors qu'avant on pouvait se permettre un cinéma ou un restaurant", rapportait-elle.
Des taxis européens se joignent à l'action sociale en guise de solidarité : "Il faut qu'on se fasse entendre"
Des taxis européens ont rejoint les taxis bruxellois en guise de solidarité. Ainsi, vers 4h30 du matin, un chauffeur poids lourd nous informait via le bouton orange Alertez-nous qu'"une trentaine de taxi français sont sur la A8 et viennent de passez Halle et roulent très lentement avec leur Warning".
Pauline Laurent, journaliste pour Radio Contact a rencontré ce mardi matin une taxiwoman venue de Paris pour manifester. Elle explique pourquoi il est aussi important d'être là pour elle. "Depuis 2012 et l'arrivée d'Uber, cela commence vraiment là, c'est infernal. On n'arrive plus à travailler à Paris. Ce qui se passe à Bruxelles, comme apparemment Bruxelles décide de tout, on est évidemment impliqué dans ce mouvement", affirme-t-elle.
Deux mots d'ordre chez les taximen: pas de débordement mais une action voulue au finish
"Il y a deux mots d'ordre chez tous les taximen. D'abord, pas de débordements, on veut quelque chose de courtois, mais surtout, on va au finish, c'est-à-dire jusqu'à la démission du ministre Pascal Smet", déclarait à 6h notre journaliste Camille Mathoulin qui se tenait au milieu des taximen sur le lieu de rassemblement au Heysel.
Pourquoi cette manifestation?
Cette manifestation vise à ce que la société de transport de personnes Uber se plie aux réglementations en vigueur. Selon le porte-parole, "si Uber respecte les réglementations, on le considérera comme n'importe quelle plate-forme de mise en relation, comme les Taxis verts".
"On est le laboratoire de l'ubérisation et on ne peut pas se permettre de perdre cette bataille. Si on la perd, 100 ans de construction sociale se retrouveront à terre. L'application Uber est un petit bijou, mais l'innovation doit être porteuse de progrès social et ne vaut que si elle profite à tous. Sinon, ce n'est pas une innovation, mais une régression. Si nous perdons cette bataille, je pense que ce sera la mort du salariat. Nous vivrons de flexibilité et de mini-jobs. Nous retournerons au travail à la tâche du XIXème siècle."
Les livreurs de Deliveroo se joindront d'ailleurs en solidarité aux actions dans le centre de Bruxelles entre 8h30 et 9h.
Les chauffeurs de taxis réclament également la démission du ministre bruxellois de la Mobilité Pascal Smet. Sam Bouchal explique avoir en vain tenté la voie du dialogue depuis 2015. "Dans le comité de concertation, on ne concerte rien du tout", estime-t-il. "Le ministre nous fait seulement part des décisions du gouvernement. Nous réclamons la démission de Pascal Smet."
Vos commentaires