Le bourgmestre de Bruxelles-Ville Philippe Close a rencontré mardi matin, durant environ 1h30, la Première ministre Sophie Wilmès, en présence du ministre de l'Intérieur Pieter De Crem et du chef de corps de la police de la zone Bruxelles-Ixelles Michel Goovaerts. "Lors de cette réunion, il a été rappelé que la Belgique reste en situation de crise sanitaire et que la sauvegarde de la santé des citoyens doit avant tout rester la priorité", ont indiqué Wilmès et Close dans un communiqué commun.
A sa sortie du 16 rue de la Loi, le bourgmestre bruxellois n'a pas donné davantage de détails sur le contenu de la discussion, répondant cependant que "non", la Première ministre n'était pas en colère. La rencontre avait lieu à la suite de la manifestation "tolérée" dimanche à Bruxelles, contre les violences policières envers les personnes de couleur. Elle a rassemblé environ 10.000 personnes sur la Place Poelaert et s'est terminée avec des dégradations et des pillages de magasins, alors que l'objectif du rassemblement était pacifique.
L'organisation de ce rassemblement, alors que la distanciation sociale et l'interdiction des évènements de masse restent en vigueur dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, a fait débat et déclenché un torrent de critiques a posteriori. Le bourgmestre de Bruxelles a quant à lui toujours défendu un certain équilibre entre les mesures de précaution sanitaire et un nécessaire droit à l'expression de la colère de la population à la suite du décès de George Floyd aux Etats-Unis. L'entrevue de mardi a permis de "passer en revue" les évènements. "Si les causes défendues par les organisateurs n'ont jamais été remises en cause, la tenue de l'événement - dans sa forme et dans son déroulé - contrevient aux directives déterminées par le Conseil National de Sécurité", rappelle le communiqué. Finalement, un prochain CNS est évoqué. "Prochainement", il définira "des perspectives pour l'ensemble du pays en ce qui concerne l'expression publique", et ce "afin d'allier la liberté d'expression aux impératifs sanitaires et la gestion de l'ordre public", promet-on.
Lundi soir, Philippe Close avait par ailleurs nié formellement qu'un ordre de ne pas intervenir ait été donné au moment des incidents qui ont suivi la manifestation contre le racisme à l'égard des noirs d'Amérique.
La séance du conseil communal au cours de laquelle il s'exprimait, a donné lieu à nombre de questions de l'opposition et à des échanges tendus notamment entre les représentants du MR et le bourgmestre socialiste, dans la foulée d'échanges polémiques entre celui-ci et plusieurs représentants du Mouvement Réformateur depuis dimanche dont son président, lundi dans le journal de 13h déclarait vouloir vérifier que des éléments tendaient à prouver que le bourgmestre avait donné l'ordre à la police de ne pas agir dans un premier temps.
La Première ministre libérale Sophie Wilmès, qui a eu un entretien avec le bourgmestre de la Ville de Bruxelles mardi à 9 heures, avait déploré dimanche "qu'il n'ait pas été possible de trouver une alternative qui respecte consignes sanitaires et efforts de ceux en 1ère ligne dans la lutte contre l'épidémie". Plus tôt dans la journée, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, s'était lui aussi déjà inquiété du respect des règles sanitaires, interrogeant Philippe Close sur leur sens après la manifestation. Le ministre des Classes moyennes et des Indépendants Denis Ducarme (MR) a remis une couche lundi en demandant que chacun y compris au niveau communal tire les conclusions qui s'imposent après la manifestation dans le contexte de la lutte contre la pandémie.
Conseil communal sous haute tension lundi soir
Philippe Close (PS) a continué à assumer tout au long de la journée le choix qui a été fait de tolérer un rassemblement statique et dans lequel une écrasante majorité de manifestants se sont présentés avec un masque. Sa contre-attaque de lundi matin à l'égard du MR ("C'est d'ailleurs peut-être le thème de la manifestation qui pose problème à certains membres du MR") et l'allusion à l'absence de réaction libérale avant la manifestation alors que le gouvernement était informé, a maintenu un haut voltage lors des échanges au conseil communal de la Ville, lundi soir.
L'ordre aux policiers de passer à l'action a-t-il tardé à venir ?
Soutenu depuis les bancs de la majorité socialiste, écologiste et DéFI, le bourgmestre y a fait l'objet d'un feu nourri de questions et de critiques depuis les bancs de l'opposition. David Weytsman (MR) s'est dit scandalisé par les insinuations du bourgmestre à l'égard de l'attitude du MR à propos du racisme que ce parti condamne pourtant, a-t-il souligné. Tout comme Geoffroy Cooman de Brachène, le chef du groupe libéral a qualifié d'"erreur" le feu vert donné à la manifestation sous cette forme. Comme Els Ampe (Open Vld), il a notamment demandé, parmi de nombreuses autres questions, pourquoi l'ordre d'intervenir avait tardé à venir au moment des premiers heurts. "A aucun moment nous n'avons demandé de ne pas intervenir", a répliqué Philippe Close, accusant au passage le MR d'avoir orchestré une "mise en scène" depuis dimanche.
Le chef de la police: "Je porte l'entière responsabilité"
Le chef de corps de la zone de Bruxelles-Capitale-Ixelles a lui pris la défense du bourgmestre, indiquant lundi via Twitter qu'il "démentait fermement" que Philippe Close ait "donné l'ordre de ne pas intervenir ou de le faire tardivement". "La décision d'intervenir, la manière de le faire et l'exécution des ordres reviennent au commandement dont en tant que chef de corps je porte l'entière responsabilité", a précisé M. Goovaerts.
La Ville interviendra dans les frais des dommages faits aux commerces
Selon le bourgmestre, la Ville interviendra pour les dommages subis par les commerçants et se retournera ensuite contre les fauteurs de troubles. Le bourgmestre a par ailleurs dit assumer sa responsabilité politique dans la recherche d'un équilibre entre le droit à la liberté d'expression, l'ordre public et les mesures sanitaires.
M. Close a également défendu la police et en particulier son chef de corps, dont il a loué "l'intégrité totale". Autre son de cloche du côté de l'opposition: Bruno Bauwens (PTB) a souligné que la manifestation statique contre le racisme n'avait en elle-même pas donné lieu à des débordements. Il a dit espérer que l'unanimité du jour contre le racisme se retrouverait aussi au moment de voter des dispositions contre la discrimination à l'embauche, au logement... Pour le cdH/CD&V, Didier Wauters et Bianca Debaets ont regretté que les débordements et le feu vert à une telle manifestation durant la crise du coronavirus en ternissaient le noble fond du message. Le lieu eut pu être mieux choisi, par exemple, sur le plateau du Heysel, ont-ils jugé.
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