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"SANS RIEN SIGNER, j'ai reçu un contrat": Bernard dénonce les méthodes de deux vendeurs du fournisseur d'énergie Eneco

"SANS RIEN SIGNER, j'ai reçu un contrat": Bernard dénonce les méthodes de deux vendeurs du fournisseur d'énergie Eneco
 
 

Bernard, un habitant de Bois-d'Haine (Manage), dans la province de Hainaut, raconte sa mésaventure. Le 12 septembre dernier, des démarcheurs se sont présentés à son domicile pour "contrôler son compteur électrique" et également lui proposer un nouveau contrat chez Eneco. Cette dernière proposition a été refusée par Bernard. Sauf que cinq jours plus tard, il a reçu un courrier lui indiquant qu'il était à présent sous contrat avec le fournisseur d’énergie durable.

"C'est de l'abus de confiance", s'indigne Bernard, qui ne comprend pas les méthodes employées par des démarcheurs de chez Eneco, un fournisseur belge d'énergie verte. Sur la porte de son domicile, dans le village de Bois-d'Haine en province de Hainaut, il a pourtant soigneusement placé une étiquette "Pas de démarchage", en espérant ne plus être dérangé. 

Ils m’ont dit qu’ils avaient été envoyés pour contrôler mon compteur électrique

Le jeudi 12 septembre 2019, deux personnes se sont présentées avec des badges du fournisseur d’énergie durable Eneco. "Ils m’ont alors dit qu’ils n’étaient pas des démarcheurs et qu’ils avaient été envoyés pour contrôler mon compteur électrique, car des nouveaux compteurs "intelligents" allaient bientôt être installés. Ceux-ci permettraient de faire le relever d’index plus rapidement", raconte-t-il. "Ils m’ont demandé pour voir mon compteur et faire une photo, ce qu’ils ont fait."

Quelques instants plus tard, Bernard s'est vu proposer de signer un contrat chez Eneco. "L’un d’entre eux m’a dit 'Si vous voulez, on peut intervenir pour vous obtenir un contrat bon marché, un produit belge'. Je leur ai dit que ça ne m’intéressait pas. Je fais mes contrats moi-même, par internet. J’achète en allant sur des sites comparateurs de prix. J’ai dit que je n’avais pas besoin de leur service. Ils m’ont quand même parlé de contrats prix fixes, que je n'aurais pas ailleurs", ajoute le Manageois.

Il pensait avoir convaincu les démarcheurs de ne plus le recontacter. Mais surprise, quelques jours plus tard, il a reçu un courrier le remerciant d'avoir "choisi" Eneco !

"J’ai reçu un contrat d’Eneco avec une ancienne adresse mail, avec mon ancien numéro de téléphone de 2016, avec des consommations qui ne représentent pas ma consommation réelle. J’ai un contrat qui est fait, et ce n’est même pas une proposition", fustige-t-il.

Un nouveau contrat chez Lampiris bloqué par le faux contrat chez Eneco

Une situation très problématique pour Bernard. Actuellement sous contrat chez Mega, il a entamé des démarches mi-septembre pour rejoindre Lampiris, mais son nouveau contrat chez Eneco a bloqué son inscription dans un premier temps.

"Le vendredi 13 septembre, j’ai voulu signer trois ans chez Lampiris. Ceux-ci m’ont indiqué le mardi 17 septembre qu’ils ne pouvaient pas faire le contrat, car un autre contrat avait déjà été signé. Je me suis dit que c’était Eneco. Ces démarcheurs-là font des contrats en abusant de la confiance des gens. Je n’ai rien signé. La preuve c’est qu’ils n’avaient pas la bonne adresse mail et mon numéro de téléphone actuel. Ils ont été reprendre les données qu’ils avaient en 2015. J’ai déjà eu en 2015 un contrat avec Eneco, car je change quand il y a une bonne différence de prix. Je ne reste pas chez le même fournisseur d'électricité."

"La firme n’est peut-être pas au courant de la situation et du comportement de ses  émarcheurs", ajoute-t-il.

Quelques jours plus tard, Bernard a renvoyé les contrats d'Eneco barrés, au fournisseur d’énergie, et il a été "libéré". Il a ainsi pu s'inscrire, comme il le voulait chez Lampiris. Son nouveau contrat débutera en novembre 2019.

"Le client est appelé pour vérifier s’il est sûr d'accepter le texte signé"

Du côté d'Eneco, le porte-parole Mark van Hamme dit vouloir investiguer sur cette situation. "On veut de toute façon nous excuser auprès de la personne concernée pour le malentendu. Si nos vendeurs se sont présentés comme décrit, on va prendre les mesures et actions nécessaires auprès d’eux", explique-t-il.

Quand un contrat est signé, un contrôle supplémentaire est de toute façon réalisé, en plus du délai de réflexion réglementaire de deux semaines. "Le client est appelé pour vérifier s’il est sûr d'accepter le texte signé. Ensuite, un numéro de validation est attribué. Dans le cas de réclamations valables, qui sont rares, nous imposons des sanctions contractuelles au vendeur en question. Notre service clientèle a contacté ce monsieur afin de régler la situation", a assuré Mark van Hamme.

Comment les vendeurs à domicile sont-ils recrutés par Eneco ?

Le porte-parole indique qu'Eneco dispose d'une équipe de vendeurs à domicile. Il explique comment le recrutement est réalisé. "Nous insistons pour que tous nos vendeurs suivent nos directives, notre philosophie et notre approche. Nous voulons une vente de porte à porte de qualité, ce qui signifie que nous devons convaincre les personnes sur une offre concrète, et non sur une base trompeuse", poursuit-il. "La formation des vendeurs est entièrement gratuite et obligatoire chez Eneco avant de pouvoir représenter Eneco. Cette formation est en deux parties et comprend un apprentissage en ligne et une formation en entreprise. Si la formation a été menée à bien, les conseillers recevront un badge/certificat permettant au consultant de représenter Eneco, ainsi qu'un objectif de qualité : si cet objectif n'est pas atteint, le bonus sera déduit et le vendeur recevra donc moins de commission."

Dans la pratique, il est possible qu’Eneco fournisse un consommateur sans contrat valable, mais cela n’est ni régulier, ni légal

Des échanges d'informations entre fournisseurs

Comment Lampiris a-t-il pu être au courant que Bernard était lié par un nouveau contrat avec Eneco? Stéphane Renier, le porte-parole de la CWaPE (la Commission Wallonne pour l'Energie), précise que le gestionnaire de réseau et de distribution (Ores) détient ce qu’on appelle le registre d’accès, qui contient différentes informations: fournisseur responsable, client enregistré, index de consommation, périodicité des relevés, type de raccordement, fluide concerné, etc.

Ces informations sont par ailleurs contrôlées et validées avant d’être enregistrées. Les fournisseurs (Eneco, Lampiris,...) n’ont pas directement accès à ce registre d’accès. C'est via un canal de communication spécifiquement dédié (MIG), qu'ils reçoivent les informations qui concernent leur(s) clients et/ou les points de fournitures dont ils sont responsables et peuvent communiquer des informations au gestionnaire de réseau et de distribution. 

Alexandre Alvado, qui est coordinateur à la CWaPE, donne un exemple pour mieux comprendre comment les informations peuvent être échangées. "Lorsqu’un fournisseur comme Eneco demande à ORES de devenir le fournisseur d’un point de fourniture pour un nouveau client, il envoie un message spécifique à Ores. Les fournisseurs et le gestionnaires de réseau doivent respecter les diverses législations/réglementations et procédures de marché. Cela implique, par exemple, que la reprise d’un point de fourniture ne pourra se faire par Eneco qu’à J+30 jours afin de respecter le délai de préavis d’un mois", explique-t-il. 

"Si Lampiris introduit une demande de reprise du point de fourniture pour une même date qu’Eneco ou pour une date qui ne respecte pas le préavis de 30 jours, alors Ores va refuser la demande de Lampiris, car il considère qu’il ne peut pas y avoir deux contrats pour une même période et un même client ou parce qu’il ne respecte pas le délai de préavis." Lampiris recevra alors un message spécifique d’Ores qui l’informera que sa demande est rejetée pour tel motif. "Cela devrait lui permettre d’adapter sa demande et de renvoyer un message de reprise du point avec date effective à J+30 qui suit le premier mois de fourniture d’Eneco."

Comme le rappelle Alexandre Alvado, Ores ne contrôle toutefois pas si un contrat est bien valable entre le consommateur et le fournisseur. "C’est le fournisseur qui a l’obligation légale de disposer d’un contrat de fourniture valable pour fournir de l’énergie à un consommateur. Par conséquent, dans la pratique, il est possible qu’Eneco fournisse un consommateur sans contrat valable, mais cela n’est ni régulier, ni légal", souligne le coordinateur à la CWaPE.

Porter plainte en cas de démarchage abusif 

Le porte-parole de la CWaPE, Stéphane Renier, rappelle que les clients qui se voient "liés par un contrat qu’ils n’ont pas sollicité", peuvent réclamer l’annulation : "Il y a des procédures qui existent et qui permettent de contester un contrat conclu dans ces conditions-là. Il faut réagir assez vite." 

En cas de vente à distance (par téléphone ou en dehors de l’établissement, comme avec les démarcheurs), il est prévu que le consommateur puisse se rétracter du contrat signé dans un délai de 14 jours. Cette période débute après la confirmation écrite du contrat par le consommateur ou par le fournisseur selon les cas. "Que le démarchage soit abusif ou non, le consommateur a donc la possibilité d’annuler le contrat signé et de solutionner son problème de cette manière. Il est important qu’il dénonce aussi la pratique de vente dont il a été victime, en premier lieu au fournisseur concerné et également aux autorités compétentes en la matière", précise Stéphane Renier.

En cas de démarchage abusif et de dépassement du délai de rétractation, le consommateur doit également se plaindre de la situation par écrit auprès du fournisseur qui l’a démarché (ce qu'a fait Bernard, voir ci-dessus). Si ce dernier refuse d’annuler le contrat, le consommateur peut introduire une plainte auprès du Service fédéral de médiation de l’énergie, en expliquant les raisons pour lesquelles le démarchage est abusif. Cette procédure est gratuite.

Le consommateur peut aussi s'adresser au SPF Economie, qui surveille le respect du code de bonne conduite, ou au médiateur de l’énergie au niveau fédéral. Le SPF Economie n’interviendra pas dans votre cas individuel (en revanche il vous enverra un avis afin de vous répondre), mais a pour mission d’utiliser l’ensemble des plaintes pour faire cesser les pratiques commerciales illégales.


Les Belges changent régulièrement de fournisseur

Selon des statistiques délivrées par Test-Achats, entre 2012 et 2017, le taux de switch a pratiquement doublé en cinq ans en Wallonie, en passant de 11,6% à 19,1%. Le "changement de fournisseur" ou "switch" est défini comme "tout choix délibéré du client électricité ou gaz naturel de passer à un autre fournisseur d’énergie". Le taux de changement est mesuré par les régulateurs (la CREG en Belgique) au point d'accès. Les logements wallons changent ainsi régulièrement de fournisseur. A Bruxelles, ce taux de switch est stable (10,3% en 2012 contre 11% en 2017) et a sensiblement évolué en Flandre (16,5% en 2012 et 19,8% en 2017). 

Pourquoi le Belge change-t-il souvent de fournisseur? "Il y a une énorme concurrence entre les fournisseurs de gaz et d'électricité. Le consommateur reçoit de nouvelles offres en permanence, ce qui joue certainement un rôle. Et puis il y a une série de nouveaux coûts supplémentaires sur la facture, qui rendent le client attentif aux économies possibles", expliquait Dirk Van Evercooren, représentant du régulateur flamand de l'électricité et du gaz, à RTLinfo en octobre 2016.

L'autre raison: le changement est désormais gratuit moyennant un mois de préavis. "Pour les clients particuliers, il n'y a plus d'indemnité de départ. Il ne faut plus s'inquiéter de la rupture de l'ancien contrat ni d'une sorte d'amende à payer. Changer est donc devenu plus facile que jamais", précisait encore M. Van Evercooren.


 

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