Lundi matin sur la place Saint-Lambert à Liège, une violente altercation a eu lieu entre une femme et des agents de police. La femme, qui a été brutalement plaquée au sol, parle de violence policière et livre son témoignage à un webzine liégeois. Les policiers, eux, décrivent "une furie". Que s'est-il vraiment passé?
Une violente arrestation s'est déroulée ce lundi matin à Liège sur la place Saint-Lambert entre des agents de police et une femme. La toile s'est enflammée suite à la diffusion d'une vidéo devenue virale dans laquelle on voit de nombreux agents de police plaquer brutalement une femme au sol puis l'arrêter à l'aide de renfort. Difficile de comprendre le contexte d'une telle arrestation puisqu'on ne voit que le moment où les officiers de police la plaquent contre le sol.
Mais la version des policiers et celle de la femme diffèrent, livrant ainsi deux histoires totalement différentes. Les policiers parlent d'une véritable "furie" qui aurait frappé et mordu les agents, la femme, elle, parle de violence policière et livre son témoignage à nos confrères du magazine en ligne liégeois Boulettes Magazine.
Elle est alors accusée d'outrage à agent et de rébellion pour avoir "attaqué sans raison des policiers", comme le rapporte la DH. Elle, de son côté, accuse les agents de violences et compte porter plainte au Comité P (ndlr, comité permanent de contrôle des services de police).
Mais que s'est-il vraiment passé?
"J'ai voulu sortir mon téléphone de mon sac (...) il (le policier) m'a dit de reculer avant de sortir sa matraque"
Interrogée au téléphone par Boulettes Magazine, Tania (prénom d'emprunt car elle souhaite garder l'anonymat) livre une histoire totalement différente de celles des policiers. Elle a d'ailleurs la voix encore bien enrouée à cause de la bombe lacrymogène utilisée durant l'arrestation lorsqu'elle livre son témoignage à nos confrères.
Tania à la quarantaine, elle est aide-soignante et mère de trois enfants. Elle raconte cette fameuse matinée du 8 mars, jour où elle a subi une violente arrestation. "Je descendais du bus pour aller sur mon lieu de travail quand j’ai vu une femme au sol entourée de deux officiers de police", raconte-t-elle. "En tant que soignante, j’ai immédiatement tenu à me diriger vers elle, pour lui dire de rester assise, qu’on entendait l’ambulance arriver et qu’elle allait être prise en charge", continue Tania qui cherchait à rassurer la dame.
Les choses ne se sont pas passées comme prévu et Tania aurait commencé à être prise à partie par l'un des policiers. "Quand je me suis approchée d'elle, un des deux policiers m’a touchée. Je lui ai demandé pourquoi, et je lui ai dit qu’il venait de toucher la patiente avec ces mêmes gants et que je ne voulais pas qu’il me touche, avant de faire demi-tour et de continuer mon chemin", assure-t-elle.
Mais son chemin a vite été interrompu par un contrôle d'identité, lancé par le policier en question. "J’ai d’abord refusé, parce qu’il était 8h30, que je voyais mon premier patient à 9h et que je ne comprenais pas pourquoi je devais lui montrer ma carte", explique Tania qui se rendait tranquillement au travail. Elle précise qu'elle a été obligée de lui donner "parce qu'il était un agent de la loi" et qu'elle ne "voulait pas faire de scène".
Et c'est à ce moment-là que tout a dégénéré. "J’ai ensuite voulu prendre mon téléphone dans mon sac pour prévenir ma patronne que je serais en retard", continue Tania. "J'ai prévenu l’agent que j’allais le faire, et quand je me suis retournée pour le prendre, il m’a dit de reculer avant de sortir sa matraque."
"Il était en train de m'étouffer. J'ai vu ma vie défiler"
Après avoir sorti sa matraque, l'agent en question aurait "commencé à s'exciter" et aurait demandé qu'elle se mette au sol, ce que Tania a refusé. "J’ai dit que je ne voulais pas, que je voulais juste récupérer ma carte d’identité et aller travailler", assure-t-elle. Le policier aurait ensuite commencer à la "frapper avec sa matraque" sans raison apparente.
"Quand j’ai demandé pourquoi, il m'a dit que c’est parce que je ne le respectais pas. Il a sorti sa bombe lacrymo et je me suis retrouvée à terre. Je ne comprenais rien, ils étaient à deux en train de me menotter", continue-t-elle.
Et la morsure? Tania ne la nie pas. Selon sa version de l'histoire, elle cherchait à se "défendre". "Le policier m’a mis la main sur la bouche alors je l’ai mordu! Il était en train de m’étouffer. J’ai vu ma vie défiler, je ne voulais pas mourir", explique-t-elle.
Deux officiers de police étaient alors sur elle, genoux posés sur le dos, en train de la menotter alors qu'elle était toujours plaquée au sol. Une image qui a fortement rappelé l'assassinat de George Floyd aux Etats-Unis par un policier qui était dans la même position et a suscité une vive émotion. C'est d'ailleurs à ce moment-là que de nombreuses personnes ont rappliqué et filmé la scène.
Une passante prise à partie alors qu'elle filmait la scène: "Donnez-moi votre carte d'identité ou je vous embarque"
Des renforts de police arrivent au même moment: 3 fourgons avec les sirènes activées et même une moto. La femme n'est plus plaquée au sol mais se fait amener vers l'un des fourgons par plusieurs agents. Comme le montre la deuxième vidéo ci-dessus, l'un des policiers s'approche alors de la femme qui filme la scène et lui lance sur un ton ferme: "Madame, vous filmez c'est une chose. Si vous diffusez, donnez-moi votre carte d'identité!"
La dame se défend disant qu'elle ne diffusera pas la vidéo et que filmer est son droit. Ce à quoi le policier lui répond: "Vous avez le droit mais je vais quand même prendre votre carte d'identité et vous ne discutez pas ou je vous embarque!"
La dame refuse. Etant accompagnée de ses enfants et ayant seulement filmé la scène, elle estime être dans son droit. Mais face au "refus d'obtempérer", le ton monte du côté de la police. "Je vous embarque c'est clair! Aller! Vous l'embarquez!", crie-t-il à d'autres policiers. La vidéo bouge, sûrement à cause du brouhaha de l'action.
"Ce n'est pas parce que vous êtes un policier que vous avez le droit de me crier dessus!", lance alors la dame, accompagnée de ses enfants que l'on entend pleurer et crier en fond, choqués par la scène. Le policier lui répond: "J'ai le droit de faire ce que je veux ici moi c'est clair!" Et la vidéo se coupe. Nous ne saurons donc pas si la dame a finalement été embarquée ou si elle a accepté de donner sa carte d'identité juste parce qu'elle filmait.
Un événement, deux versions totalement différentes
Interrogée par nos confrères de Boulettes Magazine, la porte-parole de la police, Jadranka Lozina est revenue sur cette violente arrestation qu'elle qualifie de "justifiée" et "proportionnée".
"Deux de nos policiers étaient en intervention pour venir en aide à une femme tombée par terre à hauteur de la gare des bus place Saint-Lambert", explique la porte-parole. "Ils lui avaient porté secours, attendaient l’ambulance avec elle et voulaient l’aider à se relever quand a surgi une dame venue de nulle part qui a foncé sur eux et commencé à les invectiver en faisant de grands gestes", continue-t-elle.
Comme Tania, elle raconte qu'elle est ensuite partie, "suite à quoi le policier a voulu contrôler son identité et ça s’est mal passé". C’est donc à partir du moment du contrôle que les deux versions divergent.
"Le policier a sorti sa matraque et le flash pour l’arrêter. C’est un usage proportionné de la contrainte parce que cette dame a fait preuve de violence. En voyant les images sur les caméras de surveillance, ce n’était pas certain qu’il allait arriver à la maîtriser", dit-elle.
Et qu'en est-il de la morsure? Selon la version de la police, "elle a eu lieu avant que la dame soit à terre". Le policier a attrapé Tania par le bras pour l'arrêter, et "c'est là qu’elle le mord", explique la porte-parole.
Pourquoi autant de renfort et de policiers présents place Saint-Lambert? Selon la porte-parole, "ils sont arrivés parce qu’ils ont entendu dans leur radio qu’un policier était en difficulté". Et d'ajouter: "On ne les a pas fait venir pour cette dame, et ce n’était certainement pas raciste parce que quand il y a un appel, on ne précise pas la couleur de la personne."
Pour la porte-parole, "la police de Liège n’a rien à se reprocher". Pour elle, les événements survenus place Saint-Lambert ce lundi étaient "une intervention propre, justifiée" et "l’usage proportionné de la contrainte est complètement avéré".
Vos commentaires