Plusieurs causes sont avancées. Certaines sont à imputer aux enseignants ou pouvoirs organisateurs si ceux-ci remettent des dossiers incomplets ou en retard. Un manque d'effectifs dans certaines administration est également évoqué. Enfin, la mise en oeuvre du Pacte d'Excellence entraînerait un surcroît de travail administratif. Un de nos interlocuteurs relativise en déclarant que c'est un problème récurrent lors de chaque rentrée.
Plusieurs enseignants ont pressé le bouton orange Alertez-nous ces derniers jours. Motif: un retard dans le paiement de leur salaire du mois de septembre qui engendre interrogation et inquiétude. "De nombreux professeurs non payés ce mois-ci à cause d’une erreur de l’administration et aucune information ne nous est donnée", nous affirmait notamment Sarah.
Depuis maintenant 4 ans, Sarah est enseignante à l'Athénée Vauban à Charleroi. Enseignante dans le degré supérieur, elle dispose d’un statut temporaire. Habituellement, la jeune femme déclare recevoir, tout comme ses collègues, sa fiche de salaire tous les 25 du mois et puis son salaire sur son compte en banque. Mais ce n'est pas le cas pour ce mois de rentrée. Ce problème touche également des collègues, qu’ils soient nommés ou avec un statut temporaire. "On est inquiets, comment va-t-on faire pour vivre ?", confie Sarah. Pour manifester leur mécontentement, certains professeurs ont cessé de travailler pendant 45 minutes ce mardi. Un mouvement de grogne couvert par le front commun syndical CGSP-CSC Enseignement.
Un groupe sur Facebook, composé uniquement d’enseignants, abonde de messages qui relayent ce problème. Tous ces enseignants s’interrogent sur la raison pour laquelle ils n’ont toujours pas été payés. C’est le cas d’Audrey, enseignante intérimaire à l’école communale de Droixhe dans la province de Liège. "Qui va payer nos prêts ? Nos revenus cadastraux? Nos charges ? Notre nourriture ?", demande-t-elle. D’après celle-ci, seules les institutrices intérimaires dans son école et non celles nommées sont concernées.
Ces deux enseignantes ont tenté de se renseigner auprès des autorités compétentes. Sarah est passée par le secrétariat de la direction de l’école. Celui-ci l’a informé que les documents d'inscription avaient été traités et envoyés à temps par l’école mais qu’il y avait eu probablement des erreurs au niveau de l’administration. Aucune autre information n’a pu être communiquée. "On ne nous dit rien d’autre, on ne sait même pas quand on va être régularisé et si on va toucher notre salaire", témoigne Sarah. Audrey s’est quant à elle renseignée auprès de la Ville de Liège et de la communauté française. "A la Ville, on me dit que c’était une personne qui avait oublié les papiers. A la communauté française, on me dit qu’ils sont en effectifs réduits", nous dit-elle. "On m’a dit que j’aurais mon salaire le 31 octobre, seulement comment est-ce que je fais pour vivre le mois ?", s’exclame-t-elle par téléphone.
Au bout du compte, un sentiment d’injustice collectif règne. "Dans plusieurs cas, ce sont des parents qui sont seuls, qui ont des enfants à charge et qui ne vont pas pouvoir payer leur crédit hypothécaire ou simplement vivre", faisait observer Sarah avec tristesse.
Des retards de paiement liés à des documents incomplets ou envoyés en retard
Nous avons joint l’Administration générale de l’enseignement pour comprendre ce problème. La directrice générale des personnels de l’enseignement subventionné, Lisa Salomonowicz, affirme que l’Administration n’a pas eu d’échos de ces problèmes cette année. Habituellement, pour que les professeurs reçoivent un salaire, les établissements d’enseignement envoient leurs documents aux bureaux de gestion, c’est-à-dire les pouvoirs organisateurs en charge de la gestion administrative et pécuniaire (cela peut-être les communes, les provinces, les villes ou encore la Fédération Wallonie-Bruxelles). Ensuite ces dossiers sont envoyés à l’Administration de l’enseignement.
Deux raisons principales peuvent expliquer ces retards. "Si les documents ne sont pas arrivés à temps ou ne sont pas complets, il est classique qu’on n’ait pas un paiement à la fin du mois. Mais tous les dossiers complets rentrés ce mois-ci ont été absorbés par nos équipes", expose Lisa Salomonowicz. Le problème affecte plus particulièrement les enseignants temporaires. "Ce sont souvent de nouveaux enseignants pour lequel il faut créer un matricule, créer le dossier", explique-t-elle. Par ailleurs, selon cette dernière, le 25 du mois est rarement la date à laquelle on reçoit son salaire mais c’est plutôt le dernier jour ouvrable du mois, donc le 30 septembre.
Des nouveautés liées au Pacte d'Excellence
Les retards pourraient aussi s’expliquer par les nouveautés liées à la mise en œuvre du Pacte pour un enseignement d’excellence. A titre d’exemple, les établissements peuvent désormais confier des heures supplémentaires aux professeurs qui le souhaitent. Comme les enseignants travaillent parfois dans plusieurs écoles, les pouvoirs organisateurs doivent dialoguer plus que précédemment pour s’assurer de remplir les documents de manière adéquate. Ce sont des procédures qui nécessitent plus de temps et qui changent les habitudes des pouvoirs organisateurs.
A chaque rentrée, c’est toujours comme ça en raison des nouveautés
Nous avons ainsi contacté un des pouvoirs organisateurs de l’enseignement officiel, à savoir le département Enseignement de la Ville de Liège pour connaitre leur avis. Selon l’attaché de presse du département, M. Heylen, ces retards de paiement sont récurrents en ce début d’année scolaire. "A chaque rentrée, c’est toujours comme ça en raison des nouveautés", nous explique-t-il. Pour celui-ci, plusieurs éléments peuvent l’expliquer : soit les écoles envoient trop tardivement les documents requis en raison des nouveautés dans les décrets, soit l’Administration de l’enseignement pourrait avoir des soucis administratifs.
Un manque d'effectif dans la direction déconcentrée de Charleroi
En ce qui concerne la province du Hainaut, le problème viendrait principalement du manque d'effectif de la direction déconcentrée de la Fédération à Charleroi (c'est-à-dire le pouvoir organisateur). "Certains membres du personnel de la direction déconcentrée de Charleroi ne sont pas remplacés lorsqu'ils sont absents. Ils ont donc du retard dans la gestion des paiements", nous affirme Marchand Raymond, porte-parole du CSC Enseignement.
Néanmoins, si l’on en croit les entités contactées, les enseignants auront tous très prochainement leur salaire.
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