Le gouvernement wallon a annoncé la création d’une "assurance perte d’autonomie", une nouvelle forme de couverture sociale. Si les grandes lignes du projet ont été présentées, les aspects pratiques sont encore flous. Monique, déjà bénéficiaire d’une forme d’aide sociale, se demande à quelle sauce elle sera mangée.
Il y a quelques semaines, le ministre wallon de l’Action sociale, Maxime Prévot, a annoncé la mise en place d’une nouvelle couverture sociale, l’assurance perte d’autonomie. En apprenant cela, Monique (prénom d'emprunt) a contacté la rédaction en utilisant le bouton orange Alertez-nous. "Je suis interpellée par cette nouvelle assurance perte d’autonomie. On sait ce que l’on va payer, mais on ne sait pas vraiment ce qu’on va en retirer. J’ai posé des questions à l’assistante sociale de la mutuelle. Elle ne savait pas. Auprès de qui faut-il s’adresser ? Si même votre mutuelle ne sait pas comment cela va fonctionner, qui pourrait être au courant"? Autre point de questionnement pour Monique, la compatibilité de cette assurance avec d’autres allocations sociales. "Il existe déjà une aide donnée par l’INAMI. Cette aide à la tierce personne va-t-elle disparaître ? Si c’est le cas, le malade risque d’y perdre".
20 euros par jour, 6 jours par semaine
Parce que Monique bénéficie déjà d’une aide. Elle souffre de sclérodermie. Une maladie rare mais handicapante. Monique a des problèmes pour se déplacer seule. Elle est incapable de faire le ménage dans son habitation. Incapable de laver ses carreaux. Elle ne peut pas aller faire ses courses seule. Pour vivre comme n’importe qui, Monique a besoin d’aide. Une aide qu’il faut payer et qui coûte cher. Pour pouvoir assurer ces dépenses, elle bénéficie de l’allocation forfaitaire pour aide de tierce personne. "Cela consiste en une indemnité de 20 euros pour tous les jours de la semaine, sauf le dimanche. C’est-à-dire plus ou moins 500 euros par mois", explique-t-elle.
"Les réponses ne sont pas encore sur la table"
Si Monique n’a pas pu obtenir d'information auprès de la mutuelle, ce n’est pas étonnant. "La note approuvée par le gouvernement wallon a été transmise aux différentes mutualités. Mais c’est un texte avec des grandes lignes politiques… En ce qui concerne les détails pratico-pratiques, les réponses ne sont pas encore sur la table", explique Jean-Marc Close, administrateur délégué de l’ASBL Autonomis-réseau Solidaris.
Deux formes d’aide pour deux types de public
Malgré ce flou artistique, il est possible de dégager quelques grands principes avec Christophe Blérot, attaché de presse au cabinet du ministre wallon de l’Action sociale, Maxime Prévot. "L’assurance autonomie va prendre deux formes. Pour les allocataires qui vivent chez eux, ce sera un bénéfice sous la forme de prestations en nature, de services d’aide à domicile. Le niveau de dépendance de la personne sera évalué et un plan d’aide sera déterminé par le service d’aide à domicile. Ce plan définira un certain nombre d’heures de prestations, par exemple par une aide-ménagère sociale. Pour les personnes qui vivent en maison de repos, c’est un peu différent. Il s’agira d’une intervention sur la facture d’hébergement de la maison de repos".
Pas de versement en cash
Une chose est certaine, les allocataires ne recevront pas directement d’argent. Dommage, estime Monique. "L’avantage avec l’aide à la tierce personne, c’est que l’INAMI vous verse une somme en complément des indemnités de maladie de la mutuelle. Vous avez la somme, vous en faites ce que vous voulez. Par exemple, si vous avez une voisine qui accepte de venir faire des courses avec vous moyennant dédommagement, cela peut vous coûter moins cher que via un service officiel". Mais au cabinet de Maxime Prévot, on est catégorique : "Dans tous les cas, il n’y aura pas de chèque remis au citoyen en tant que tel. Ce sera un avantage en nature".
Via des services d’aide à domicile
Autre question de Monique sur l’organisation pratique : qui prestera ces avantages en nature ? Faudra-t-il passer par des sociétés de titres-services ? Ou par des entreprises spécifiques agréées ? "Il y a déjà toute une série de services d’aide à domicile qui existent en Wallonie, qu’il s’agisse d’aide-ménagères sociales, d’aides familiales ou de gardes à domicile. Ce sont ces services qui assureront les prestations. Dans un deuxième temps, une réflexion sera menée pour élargir à d’autres services, mais pas tout de suite", affirme Christophe Blérot.
Objectif : la simplification
L’instauration de cette assurance autonomie répond à un objectif de simplification suite à un transfert de compétences consécutif à la sixième réforme de l’Etat. "L’allocation d’aide aux personnes âgées visait les 65 ans et plus avec des bas revenus. Cette APA a été transférée aux entités fédérées. La Wallonie se dote donc d’un outil qui va remplacer ces aides existantes. Le ministre a également profité de l’occasion pour intégrer le budget de l’assistance personnelle dans l’assurance autonomie. Le BAP s’arrêtait à 65 ans, l’APA commençait à cet âge. Maintenant, l’assurance autonomie couvre toutes les années de la vie, c’est plus simple" conclut Christophe Blérot.
Personne n’y perdra
Monique craignait de voir ses revenus diminuer si elle troquait une aide pour une autre. Il n’en sera rien. "Il existe un principe qu’on appelle le régime des droits acquis, avance Jean-Marc Close. Les citoyens qui bénéficient de l’APA vont continuer à en profiter, sauf si l’assurance autonomie se révèle plus intéressante pour eux. Mais si l’APA leur permet de gagner plus d’argent, ils conserveront ces revenus."
Cumulable avec des aides fédérales ?
Le cas de Monique est particulier. Elle bénéficie actuellement de l’aide à la tierce personne, gérée par l’INAMI. Or, l’INAMI est une institution fédérale. L’assurance autonomie étant régionale, elle n’a pas pour vocation de remplacer une aide qui émane d’un niveau de pouvoir différent. A priori, il serait d’ailleurs possible de cumuler les deux. Le directeur général du Service des indemnités de l’INAMI affirme que "l’octroi d’un accompagnement dans le cadre de l’assurance autonomie de la Région wallonne n’aura pas d’impact sur le paiement éventuel d’une allocation forfaitaire pour aide de tierce personne".
Pas pour tout de suite
De toute manière, Monique a le temps de mettre ses papiers en ordre avant de voir débarquer la nouvelle assurance. Au cabinet du ministre Prévot, on affirme que "la note cadre a été validée par le gouvernement wallon. Il faut encore passer pour le processus décrétal avec plusieurs lectures au gouvernement wallon. Quand ça sera validé en 3ème lecture, ça passera en commission du Parlement wallon, puis en plénière au Parlement wallon. La volonté du ministre est que ça soit mis en place courant 2017".
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