Un site entièrement anonyme, avec un nom étrange mais aidé par de la publicité et une page Facebook, tente d'obtenir vos coordonnées. En échange ? Savoir si vous êtes "éligibles" pour bénéficier des primes wallonnes de soutien au photovoltaïque. Ne tombez pas dans le panneau…
Décidément, ils sont plein de ressources ! Les escrocs ont trouvé une nouvelle faille pour entrer en contact avec des victimes potentielles: la promesse de primes en cas d'installation de panneaux photovoltaïques.
C'est Emmanuel qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous, pour nous signaler l'existence du site programme-photovoltaique-be.com. "Je crois qu'il y a une arnaque", nous a-t-il écrit.
De la (mauvaise) publicité ciblée
Tout a commencé par quelques annonces commerciales. "Début février, j'ai vu de la publicité pour ce site. Une fois sur 2ememain.be, et puis sur Facebook". De la publicité ciblée (c'est le cœur du business de Facebook et Google) car Emmanuel, un habitant dans la région d'Anderlues, "se renseigne" actuellement et envisage d'installer des panneaux photovoltaïques. Mais de la mauvaise publicité, preuve que les géants du numérique sont toujours aussi incapables de détecter des publications/annonces mensongères.
S'il a cliqué, c'est parce qu'il a été attiré par un élément bien précis de la publicité renvoyant vers le site bidon programme-photovoltaique-be.com. "On pouvait savoir si on était éligible pour une prime à l'installation de panneaux photovoltaïques, or j'entends partout depuis des années qu'il n'y a plus de primes pour installer quoi que ce soit. Donc j'ai cliqué pour regarder, pour comprendre", poursuit notre témoin âgé de 46 ans.
Car "même s'il y a un risque de taxe (prosumer, voir nos dernières explications), ça peut être intéressant de recevoir une aide financière".
Un questionnaire pour avoir toutes les coordonnées
Bien entendu, pour avoir la réponse à ces prétendues questions d'éligibilité, il "remplit tout un questionnaire". Emmanuel renseigne donc son adresse et son numéro de téléphone. Et "deux jours plus tard", reçoit un appel.
"La personne s'exprimait dans un français correct, mais avec un accent un peu… parisien. Elle me dit que sur toutes les radios et toutes les télés, on parle des primes pour installer des panneaux photovoltaïques. Elle m'a aussi parlé des accords de Kyoto (un protocole signé en 1997 et qui fixait un objectif de réduction des gaz à effet de serre pour… 2012). Je l'ai laissée parler. Puis je lui ai posé des questions sur le concept d'autoconsommation (concept visant à stocker l'énergie produite et non utilisée par les panneaux solaires à l'aide d'une grande batterie) dont ils parlent sur leur site, et là il a dit que 'techniquement ce n'était pas au point', ce qui m'a semblé bizarre".
Rapidement, l'escroc embraye sur le fait que "un technicien doit passer chez moi, pour m'expliquer les détails et me faire signer des documents qui disent que tout va être financé par les banques, et que je n'ai aucun apport à donner".
Il coupe court à la conversation
Devant les incohérences des propos et l'insistance pour "faire passer quelqu'un chez moi", Emmanuel coupe court à la conversation. "C'était le déclic, j'ai dit: 'C'est bon, ça va, c'est gentil'. Et j'ai bloqué le numéro".
Déterminés, les escrocs insistent. "Ils ont réessayé sur un autre numéro, et j'ai dit que pour des raisons familiales, je ne voulais pas installer de panneaux finalement". Emmanuel espère que rien d'autre n'arrivera, car il a donné son "numéro de téléphone, mais aussi son adresse".
Ca sent l'arnaque
Un site et une page Facebook anonymes
La conclusion de notre témoin, et on le rejoint, est que "ça sent l'arnaque sur un système solaire". Effectivement, comme c'est souvent le cas, des escrocs francophones relativement bien organisés entrent en contact avec leurs victimes car ils leur promettent de gagner (économiser) de l'argent.
Impossible d'identifier qui se cache derrière le site. Il est enregistré de manière anonyme auprès d'un hébergeur suisse, Infomaniak Network. Effectivement, les hébergeurs (y compris le français OVH, très populaire) ne vérifient que l'adresse email, mais pas l'identité, d'un nouveau compte client. Même si le nom du site est aussi farfelu et suspect que programme-photovoltaique-be.com, ouvrir un tel site ne coûte que quelques euros. D'autres dizaines d'euros ont été investis via les publicités sur Facebook ou Google.
Sur Facebook, d'ailleurs, la page existe depuis le mois de septembre 2018. Là aussi, impossible d'identifier qui que ce soit, ni d'entrer en contact. La page publie (encore cette semaine) des articles liés aux photovoltaïques et aux primes qui ont disparu. Preuve que les tentatives d'arnaque sont toujours en cours.
Si la justice voulait en savoir plus, une enquête internationale devrait être effectuée, pour identifier l'adresse IP du créateur du site et espérer l'identifier…
Si Emmanuel avait accepté la visite d'un "technicien", il aurait probablement fait entrer chez lui un escroc, ce qui n'est jamais rassurant. Il est probable que celui-ci aurait simplement fait signer des faux documents, et convaincu Emmanuel de verser un acompte qui ne lui aurait jamais été remboursé malgré les promesses. Mais impossible de savoir si l'escroc à domicile n'aurait pas tenté autre chose.
Il n'y a plus aucune prime
Notre témoin a raison: depuis plusieurs années et le fiasco de la gestion wallonne des incitants financiers pour développer le photovoltaïque (la fameuse "bulle des certificats verts"), il n'y a plus aucune prime pour l'installation de panneaux solaires en Wallonie.
C'est même plutôt l'inverse qui va arriver: un tarif dit 'prosumer' va être appliqué prochainement, et les propriétaires de panneaux photovoltaïques devront contribuer aux coûts d'entretien du réseau, qui découlent de leur utilisation inversée (car ils injectent de l'électricité durant la journée).
Installer des panneaux solaires reste une opération intéressante au niveau financier (vous ne payez plus votre électricité car votre compteur tourne à l'envers) et environnemental, mais il faut attendre quelques années de plus pour rentabiliser l'investissement.
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