L'association pharmaceutique belge explique que si les pharmaciens continuent à être dérangés toute la nuit pour des problèmes non urgents, plus personne ne voudra endosser les gardes. Une campagne "La pharmacie de garde n’est pas un night shop" avait d'ailleurs été lancée au mois de septembre dernier.
Carlo et Laeticia sont parents de quatre enfants dans le Brabant wallon. Après un garçon de 7 ans et une fille de 6 ans, ils ont donné naissance à des jumelles il y a quatre mois. L’arrivée des deux bouts de chou a un peu perturbé la vie de la famille. Carlo et sa femme sont tous deux indépendants, infirmiers en soins à domicile, et sont parfois débordés. "Elles ne sont pas encore régulières sur leurs biberons. Elles mangent parfois plus, parfois moins donc c’est toujours difficile de prévoir la quantité de poudre dont on va avoir besoin, mais on a toujours deux pots de réserve. Sauf hier, on a été très occupé ces derniers jours et on a oublié d’en racheter", nous explique Carlo.
"Elle m’a dit que j‘étais le quatrième papa à venir ce soir-là et qu’elle n’était pas un magasin"
A 23h, il prend donc la route pour se rendre à la pharmacie de garde la plus proche de chez lui. Sur place, il demande un pot de lait en poudre, mais la pharmacienne refuse de le lui vendre. "Elle m’a dit que j‘étais le quatrième papa à venir ce soir-là et qu’elle n’était pas un magasin." Carlo essaie de la faire changer d’avis et lui explique que ses filles n’ont pas à payer pour son oubli, mais elle lui dit que c'est de sa faute à lui, pas de la sienne. "J’ai eu l’impression d’être un mauvais père alors que je les adore mes filles et que je suis un papa très attentionné", ajoute Carlo qui décide de reprendre la route et de se rendre dans une autre pharmacie de garde située 20 kilomètres plus loin. Là, le pharmacien accepte de lui vendre le lait mais lui explique que les pharmaciens ont décidé de ne plus vendre certains produits la nuit.
"Arrêtez de nous prendre pour des magasins de nuit"
De son côté, la pharmacienne gérante de l'établissement, qui a accepté de répondre à nos questions, assume complètement son geste. "Il faut arrêter de nous prendre pour des magasins de nuit. Légalement, la garde, c'est pour les ordonnances: nous ne sommes tenus de délivrer que les prescriptions du jour", a-t-elle expliqué, ajoutant que les dérangements inutiles les jours de garde étaient "très réguliers".
"Des préservatifs en pleine nuit"
Plusieurs fois par mois, on téléphone donc à cette pharmacienne de garde pour venir chercher "du lait pour bébé, souvent vers 1h du matin", mais aussi "des préservatifs en pleine nuit", voire même "une brosse-à-dent et du dentifrice". On lui a déjà demandé, au milieu de la nuit, de "réaliser une étude de marché sur les différents laits disponibles". S'il s'agit d'un cas grave, "comme par exemple pour de l'insuline pour un diabétique, même sans ordonnance, je vais bien entendu en donner". Mais pour des produits qui n'ont normalement rien d'urgent, c'est différent.
"Je venais de m'endormir"
Souvent, elle accepte de délivrer le lait pour bébé, mais "cette fois-là, je venais de m'endormir, et j'avais déjà eu plusieurs cas similaires, alors j'ai refusé". La pharmacienne précise qu'elle est "droit dans ses bottes", ajoutant qu'elle a "aussi été une jeune maman", et qu'elle avait "toujours deux boites de réserve". Selon elle, "on est ouvert de 8h30 à 18h30 non stop, alors si on doit commencer à se lever la nuit..."
"Il n’y a aucune directive qui dit aux pharmaciens de ne plus vendre certains produits la nuit"
"Mais comment peut-on savoir que certains produits ne sont plus vendus dans les pharmacies de garde ?", se demande Carlo qui se dit qu’il ne doit pas être le seul parent à oublier de racheter du lait et à se retrouver à court. "Il n’y a aucune directive qui dit aux pharmaciens de ne plus vendre certains produits la nuit, mais il n'y aucune obliagtion pour eux non plus de vendre tous les produits", nous explique Alain Chaspierre, porte-parole de l’Apb, l’Association pharmaceutique belge.
"Certains sont par exemple venus à 2h du matin pour demander un laxatif pour poisson"
Suite à une enquête effectuée auprès des pharmaciens de garde à l’été 2014, l’Apb s’est rendu compte qu’ils étaient nombreux à en avoir assez des demandes incongrues et non urgentes de certains clients. "Certains sont, par exemple, venus à 2h du matin pour demander un laxatif pour poisson ou un collier anti puce pour leur chat. Il est aussi fréquent que la veille d’un départ en vacances à l’aube, des personnes viennent chercher la nuit les médicaments qui manquent dans leur pharmacie de voyage", précise M. Chaspierre.
"Le pharmacien de garde est là pour les urgences médicales"
Le porte-parole explique encore que l’objectif premier de l’association pharmaceutique est que le service des pharmacies de garde perdure, mais que si les pharmaciens continuent à être dérangés toute la nuit pour des problèmes non urgents, plus personne ne voudra endosser ce rôle. "Il ne faut pas oublier que le pharmacien de garde est là pour les urgences médicales (par exemple une rage de dents) et pour la délivrance de médicaments prescrits le jour même", confirme-t-il.
"La pharmacie de garde n'est pas un night shop"
Pour éviter que les pharmaciens ne refusent dorénavant d’assurer des services de garde, la campagne "La pharmacie de garde n’est pas un night shop" a été lancée au mois de septembre dernier. Elle a pour but de sensibiliser les citoyens pour qu’ils ne dérangent pas les pharmaciens pour des choses inutiles. Des affiches ont été distribuées et affichées dans de nombreuses pharmacies de Belgique. Les sites de l'Apb et de pharmacie.be donnent également des conseils pour ne pas déranger les pharmaciens inutilement et pour éviter de payer le supplément dû à l'honoraire de garde.
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