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Alain et son chauffe-eau, une histoire belge: "L'audit énergétique obligatoire coûte plus cher que la prime que je pourrais obtenir"

 
SPW, primes
 

Quand le précédent gouvernement wallon a imaginé le nouveau système d'octroi de primes habitation, il avait surtout en tête l'idée que tous les Wallons devaient "auditer" leur habitation, pour en connaître les faiblesses énergétiques. Et tant pis si l'audit obligatoire est plus cher que l'éventuelle prime qu'ils demandent...

Depuis quelques années, des primes, subsides et autres prêts à 0% existent pour tous les Wallons qui investissent dans des rénovations ou des travaux visant à limiter leurs besoins en énergie. Ces incitants financiers évoluent au fil des ans et des gouvernements wallons, chacun semblant avoir ses préférences en matière d'aides environnementales.

Et contrairement aux idées reçues, il y a encore beaucoup de "primes" wallonnes. En réalité, et c'est assez récurrent, il y a eu une refonte dernièrement: depuis le 1er juin 2019, elles ont évolué, et les conditions d'accès ont changé (voir les détails). Notez que rien n'est figé: dans l'accord de gouvernement (une liste de projets pour la législature à venir) de la nouvelle majorité PS-MR-Ecolo, figure "une hausse des primes pour isoler les bâtiments".

Quoi qu'il en soit, le nouveau système d'octroi des primes a un gros défaut, d'après Alain: "J'ai contacté la Région Wallonne concernant une prime de 500€. Ils me disent que je dois d'abord faire un audit énergétique qui coûte 750€ ! Qui prendrait le risque ? Est-ce vraiment une prime ou de la poudre aux yeux ?", nous a-t-il écrit via le bouton orange Alertez-nous.

On va tenter d'y voir plus clair…

Un chauffe-eau moins gourmand en énergie

Habitant Boncelles, une section de la commune de Seraing, Alain est un paisible retraité de 64 ans, qui essaie depuis quelques années de réduire sa consommation d'électricité. Après des panneaux solaires et un poêle à pellet, Alain, qui n'a pas le chauffage central, lorgne sur un chauffe-eau thermodynamique.

"J'ai lu des articles sur Test-Achats, j'ai appris qu'un boiler thermodynamique consommait quatre fois moins d'électricité qu'un modèle standard, comme celui que j'ai maintenant". Un tel système pourrait faire baisser drastiquement la facture d'électricité d'Alain: "Pour l'instant, mon boiler chauffe sur le compteur de nuit, donc mes panneaux solaires ne servent à rien. Ma facture mensuelle est encore de 67€, juste pour chauffer l'eau !", déplore-t-il.

Sur internet, Alain a trouvé un installateur spécialisé dans sa région. "J'attends son devis définitif, mais il tournera aux alentours des 3.500€". Un investissement conséquent pour ce couple de retraité, qui s'est donc logiquement renseigné sur une prime éventuelle de la Région wallonne. C'est là que les choses se compliquent.

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Ce chauffe-eau thermodynamique aspire les calories de l'air de la salle de bain pour chauffer l'eau.

Un audit énergétique obligatoire…

En effet, la majorité précédente (dont Valérie De Bue et Jean-Luc Crucke qui avaient présenté la réforme en 2018) a décidé de rendre obligatoire la réalisation d'un audit énergétique pour toute demande d'aide financière.

Cet audit est un genre de bilan énergétique de votre maison, mais également une analyse de ses faiblesses (isolation, humidité, ventilation, etc). C'est donc plus concret que le fameux "PEB", car il est orienté "solution". Le rapport de l'auditeur est suivi d'une seconde visite, sous forme de discussion avec le propriétaire, afin d'établir l'ordre de priorité des travaux à effectuer. L'idée générale, on le comprend, c'est d'éviter les travaux inutiles ou les demandes de prime farfelues. C'est donc un accompagnement du citoyen dans l'optimisation énergétique de son habitation.

Dans un monde idéal, il serait gratuit. Mais les finances wallonnes étant ce qu'elles sont, cet audit est réalisé par un expert et coûte environ 700€ (selon la surface de l'habitation). Or le texte est clair: "Si vous souhaitez profiter des primes pour vos travaux, vous ne pouvez donc pas les commencer sans une visite préalable de cet auditeur et la remise de son rapport".

Ça coûte 750€. Or on aurait peut-être droit à une prime de 500€

… plus cher que la prime !

Si l'on peut comprendre la démarche, on est en droit de se poser la question de la nécessité impérative de cet audit, quelle que soit la prime. Effectivement, Alain veut simplement remplacer un chauffe-eau traditionnel par un "qui consomme 4 fois moins d'électricité". Quel que soit l'état de la maison, la consommation électrique d'Alain va fondre, et pourrait, durant les beaux jours "être carrément nulle car j'ai des panneaux solaires".

Une situation d'autant plus absurde que la prime qu'Alain pourrait toucher est moins importante que le prix de l'audit. "Ma femme a téléphoné à la Région wallonne, elle a demandé pour les primes et on lui dit qu'il fallait de toute façon que je fasse d'abord un bilan énergétique de la maison. Ça coûte 750€. Or on aurait peut-être droit à une prime de 500€".

Alain apprend également qu'il devra s'armer de patience ("4 mois", d'après les explications par téléphone qu'il a reçues). De plus, la Région lui confirme que "le résultat de l'audit est aléatoire: ma maison a 35 ans, tout de même". Effectivement, si l'auditeur – mais on ne voit pas pourquoi dans le cas de notre témoin – estime que le remplacement de ce chauffe-eau n'est pas prioritaire, il pourrait refuser l'octroi de la prime…

Des remboursements variables

Dans la réforme instaurée il y a quelques mois, la Région a prévu des coefficients multiplicateurs des primes, en fonction de la situation financière et familiale du demandeur. Pour faire simple: vous devez indiquer les revenus annuels imposables du ménage, qui seront diminués par le nombre d'enfants à charge. Vous entrerez alors dans une des 5 catégories de revenus, qui voit la prime de base multipliée par 1, 2, 3, 4 ou 6. Donc les primes varient très fortement en fonction de votre situation financière, les bas revenus étant privilégiés:

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La prime dont pourrait bénéficier Alain est compliquée à calculer, et justifie à elle seule l'intervention d'un auditeur énergétique. En effet, elle se mesure en fonction du nombre de kilowatt/heure économisé dans le cadre de la prime 'Augmentation des rendements de production, de distribution, de stockage et de régulation d'eau chaude sanitaire'.

Sachez également que la Région wallonne a prévu de rembourser une partie du prix de l'audit énergétique obligatoire: 110€ qui, comme les primes, peuvent être multipliés par 1, 2, 3, 4 ou 6 (plafonné toujours à 70% du montant total des factures). Donc un ménage à faible revenu peut se faire rembourser de 660€.

Mais pour Alain, le calcul est vite fait. "Des 500€ de primes (ce que la Région wallonne a estimé par téléphone, NDLR), il faudrait que je retire ce que j'ai payé pour l'audit, soit environ 350€ (prime triplée déduite). Donc pour éventuellement avoir une prime de 150€, je dois prendre le risque et avancer 750€".

D'après notre témoin de Boncelles, "à la Région wallonne, on m'a déconseillé de le faire, on m'a dit que c'était pour que toutes les maisons ait un bilan énergétique".

Il ne va donc solliciter aucune prime. "Je n'y crois pas, mais je vais tout de même faire installer le boiler thermodynamique".

Que dit le SPW ?

Nous avons contacté le SPW (Service Public Wallonie) pour essayer de comprendre la stratégie derrière la nouvelle formule des 'primes habitation'.

Et en réalité, ce qu'a entendu Alain au téléphone, de la part du guichet énergie, est correct.

"Le Gouvernement précédent a souhaité mettre l’audit au centre du processus des primes afin de valoriser les rénovations globales et réfléchies", nous a-t-on confirmé du côté de la cellule de communication du SPW.

L'idée est donc d'encourager les Wallons à faire un état des lieux précis des performances énergétiques de leur maison, afin d'y apporter les meilleures solutions, dans le meilleur ordre. Hélas, cela passe par un audit qui coûte environ 700€, quel que soit les primes que l'on espère se voir octroyer. Audit qui peut être en partie remboursé, selon les revenus du demandeur.


 

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