Alors qu'elle préparait douloureusement les funérailles de sa mère, Véronique a reçu un courrier lui annonçant sa propre mort, adressé à ses ayants droits. Une situation surréaliste qui aurait pu tourner à l'anecdote, mais ce n'était vraiment pas le moment. La commune d'Anderlecht a tout fait pour réparer son erreur dans les plus brefs délais.
L'erreur est humaine, et tout le monde peut se tromper dans un encodage informatique. Mais parfois, les conséquences sont lourdes. "La commune d'Anderlecht a fait une énorme bourde et m'a déclarée décédée à la place de ma maman. Depuis, c'est l'enfer", nous a écrit Véronique fin octobre, via le bouton orange Alertez-nous.
A 57 ans, Véronique, un mois après les faits, regrette les "conséquences émotionnelles" de cette erreur administrative, tout en relevant que "la commune d'Anderlecht a été disponible, rapide et efficace pour résoudre mon problème".
"J'ai toujours été très proche de mes parents"
Tout a commencé par une triste nouvelle. "Ma maman est décédée le 27 septembre. C'est une période dure à vivre, car j'ai perdu mon papa en 2011. Je suis fille unique, j'ai toujours été très, très proche de mes parents. Une maman, c'est une maman… On avait fêté ses 80 ans au mois d'avril, mais elle n'était pas en bonne santé. J'étais tout le temps avec ma maman, j'allais deux fois par jour chez elle pour lui apporter à manger car elle ne savait plus marcher. Mes enfants y allaient la nuit si elle tombait…", nous a confié Véronique.
Le jour du décès de sa mère prénommée Andrée, notre témoin habitant Anderlecht se rend aux pompes funèbres. "On a rempli les papiers et ils m'ont dit qu'ils me feraient parvenir les actes de décès".
Entretemps, triste coïncidence, la tante de Véronique est décédée, "trois jours après ma mère", soit le 30 septembre. "Je suis allé avec ma cousine aux mêmes pompes funèbres. Elle a fait exactement les mêmes démarches que moi. Deux jours après, elle avait reçu les actes de décès de sa maman, et moi toujours pas".
"Un petit souci"
Véronique se renseigne auprès des pompes funèbres et apprend qu'il y a eu "un petit souci au niveau de la commune, et que j'aurai les actes le jour des funérailles". Le jour des funérailles de sa mère, elle reçoit effectivement les actes, et ils sont bons. "Jusque-là, pas de lézard, les funérailles ont lieu le 4 octobre et j'ai les papiers".
Nouveau hasard du calendrier: "Le jour des funérailles de ma tante, le mardi 8 octobre, je reçois un courrier avant de m'y rendre. La lettre de la commune dit qu'ils ont fait une petite erreur, et qu'ils m'ont déclaré décédée à la place de ma maman" :
La bourde est d'autant plus étonnante que "nous n'avons ni le même nom, ni les mêmes prénoms, ni la même adresse", même si la mère de Véronique était également domiciliée à Anderlecht.
Son dossier et sa carte d'identité "annulés", elle doit envoyer "un certificat de vie"
La première conséquence de cette bourde concerne le "dossier" de Véronique. Le courrier de la commune explique effectivement que son erreur "a entraîné l'annulation du dossier, ainsi que de la carte d'identité" de notre témoin. "Ça veut dire qu'on a annulé mon numéro de registre national, je n'existe plus car tout est basé sur ce registre". Heureusement, la suite du courrier est rassurante. "Ils me disent que mon dossier a été réactivé, mais que malheureusement, il faudra redemander une nouvelle carte d'identité". Chose que Véronique a faite le 5 octobre en se rendant à la commune, sans aucun frais ("ils m'ont même donné un jeton pour les photos, et je n'ai jamais dû attendre"). Elle a reçu récemment sa nouvelle carte et "ils ont réactivé mon numéro de registre national, il n'avait donc pas été supprimé".
La deuxième conséquence arrive entre-temps:
"C'était juste avant d'aller à la commune" où elle a obtenu de l'aide. "J'ai reçu un document daté du 4 octobre, venant du SPF (Service Public Fédéral) Finances, adressé aux ayants droits de Madame Véronique L.". Douche froide. "Là, j'ai quand même paniqué, car s'ils m'ont ressuscité le 2 et que le 4 je reçois ça, ça va être un embrouillamini pas possible".
Elle m'a dit qu'elle avait regardé au registre national et que j'étais bien vivante
En deux mots, le courrier évoque la succession, la procédure et déjà, les tarifs d'imposition et les éventuelles amendes en cas de retard de paiement ! Là aussi, les choses sont vite rentrées dans l'ordre. "J'ai eu en ligne la dame qui a signé ce document, heureusement. Elle m'a dit qu'elle avait regardé au registre national et que j'étais bien vivante. Et que le courrier avait dû partir immédiatement après la déclaration du décès".
Véronique a cependant du "envoyer un certificat de vie – oui, ça existe ! – que j'ai dû aller chercher à la commune d'Anderlecht, où ils m'ont aussi fait des certificats de résidence pour bien prouver que j'étais vivante".
Entre la résolution de ces deux problèmes, Véronique a eu le temps de paniquer. "Je me demandais ce qu'il allait advenir de mon salaire, de mon employeur, de ma pension de veuve, de la mutuelle ou de la banque…". Heureusement, de ce côté-là, après un mois, "tout va bien, visiblement l'annonce de ma mort temporaire n'a pas eu le temps d'atteindre tout le monde", plaisante-t-elle à moitié aujourd'hui.
La commune confirme "une erreur d'encodage"
Du côté de la commune, on joue la transparence. "Il y a eu un encodage erroné par l'employée qui se trouvait au guichet", nous a confirmé Fabienne Miroir, échevine de la population et officier de l'état civil.
Une erreur qui peut, en partie seulement, s'expliquer par une modification de la procédure. "Depuis la mise en application des nouvelles dispositions du code civil, les pompes funèbres qui se présentent au guichet peuvent recevoir directement un extrait d'acte de décès", afin de le donner à qui de droit (Véronique, en l'occurrence, la fille unique). Mais pour obtenir cet extrait, "les pompes funèbres doivent avoir une procuration des héritiers avec un document signé et une copie de la carte d'identité pour authentifier la signature". Du coup, l'employée, lors de l'encodage, a sans doute mélangé les papiers et "au lieu d'indiquer le numéro national du défunt, a encodé le numéro national de l'héritier", à savoir Véronique.
L'employée s'est "immédiatement" aperçu de son erreur. "Mais depuis les nouvelles mesures d'encodage dans la base de données BAEC (Banque des Actes d'Etat Civil), il n'est plus possible de revenir en arrière pour récupérer une erreur: les données du registre national sont directement mises à jour". Ce qui explique que malgré la réaction rapide de la commune, le SPF Finances, par exemple, a été alerté du "décès" de Véronique et qu'il a envoyé un courrier à ses ayants droits (ses enfants, donc).
L'employée a été proactive, d'après l'échevine. "Elle a directement appelé le help-desk de la BAEC, elle a envoyé des emails, et finalement on lui a conseillé d'introduire une demande d'annulation auprès du tribunal de la famille. La procédure est en cours". C'est une formalité administrative car vous l'avez compris, les problèmes sont derrière Véronique, désormais. Effectivement, en interne, "la responsable de l'employée a téléphoné au service population pour qu'on puisse modifier le registre national et préciser que madame n'était pas décédée. Il n'y a donc eu aucun changement dans sa feuille de registre national". Donc, pour résumer, "c'est rectifié, mais il faut quand même introduire une demande officielle d'annulation".
Procédure disciplinaire en cours
L'échevine Fabienne Miroir ne prend pas cette bourde à la légère. "Même si c'est une erreur d'une employée, je reste civilement responsable. J'ai donc envoyé un courrier d'excuse. Et des entretiens ont lieu pour entamer une procédure disciplinaire", pour sanctionner "cette erreur dramatique".
Une sanction qui doit servir de rappel. "Il est essentiel de vérifier deux fois, les employés doivent être très attentifs, ce n'est pas un bête acte administratif".
L'employée est en congé actuellement. Elle doit être entendue, ensuite le receveur communal décidera de la sanction. "Ça peut être un avertissement, un blâme, un retrait de salaire".
"Aux Etats-Unis, je serais millionnaire"
Véronique ne tient pas à ce que l'employée soit sanctionnée, et reconnait qu'une erreur, ça peut arriver. Au final, il y a eu des petites conséquences administratives (une nouvelle carte d'identité et quelques courriers), aucune conséquence financière.
Mais, tout de même, "une grande émotion psychologique liée aux courriers disant que je suis morte et puis adressé aux ayants droits". Sans oublier le fait que Véronique a perdu sa maman, sa tante, "et puis moi", ironise-t-elle.
En dehors de ça, "ça va, tout est visiblement rentré dans l'ordre, mais je garde précieusement tous ces documents". Elle confirme que le personnel de la commune d'Anderlecht a été très collaboratif: "Ils se sont confondus en excuses et ils ont tout fait pour que ce soit rapidement remis en état".
Pourtant, elle a pensé à intenter une action en justice. "Mais j'ai parlé avec quelques personnes, et ils m'ont dit que le mieux était d'accepter la situation. J'étais énervée au début, je me suis dit que si je vivais aux Etats-Unis, je serais peut-être millionnaire avec un avocat qui se serait battu bec et ongle pour m'obtenir des dommages et intérêts. Mais voilà, le dommage psychologique, apparemment, on s'en tape en Belgique".
A l'heure actuelle, cependant, Véronique a autre chose en tête. "Je suis toujours chez moi avec les cendres de ma maman, et je vais bientôt partir pour aller les répandre. C'est un moment difficile, ma cousine l'a fait la semaine passée. On est toujours dans le deuil, dans la famille. Et la plus âgée, maintenant, c'est moi, je me dis que je suis la suivante, même si ce n'est qu'une image".
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