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"Pour mon fils autiste, le port du masque est mission impossible": comment se passe la rentrée scolaire dans l’enseignement secondaire spécialisé?

"Pour mon fils autiste, le port du masque est mission impossible": comment se passe la rentrée scolaire dans l’enseignement secondaire spécialisé?
(c) RTL INFO
 
CORONAVIRUS
 

La majorité des adolescents viennent de retourner à l’école. Cette année, la rentrée se déroule en mode "coronavirus". Une situation inédite qui suscite un mélange de crainte, de joie et de soulagement. Mais comment cela se passe-t-il pour l’enseignement spécialisé ? Nous avons recueilli le témoignage du père d’un jeune autiste.

"Le retour à l’école est une très bonne nouvelle pour les enfants et les parents. Nous étions impatients et n’avons aucune crainte", confie Didier, un habitant de Ransart, dans le Hainaut. Ce travailleur dans le bâtiment est le père de Stevens, un jeune de 19 ans. "Mon fils est autiste sévère non verbal. Il est donc incapable de se gérer lui-même", précise-t-il via notre bouton orange Alertez-nous.

Jusqu’à ses 12 ans, le garçon était scolarisé dans une école à Marcinelle, située près de son domicile. "Mais elle n’était pas adaptée pour son handicap pour l’enseignement secondaire. On a donc dû trouver une place dans un autre établissement scolaire qui se trouve à Chièvres. C’est malheureusement loin de chez nous. C’est la raison pour laquelle il loge la semaine dans une institution spécialisée à Ghlin qui se charge du transport vers l’école", explique Didier.

Confiné à la maison depuis mars : "Il a perdu beaucoup d’acquis"

L’apparition du coronavirus dans notre pays a évidemment bouleversé ce quotidien rôdé depuis plusieurs années. "Au début du confinement, l’institution nous a demandé de venir chercher notre enfant. Il est donc revenu à la maison le 12 mars. Moi j’ai continué à travailler mais ma femme devait s’occuper de lui toute la journée. Elle était enfermée du matin au soir. Notre fils a besoin d’attention 24h/24. C’est très énergivore", souligne le papa.

Pendant ces nombreux mois reclus, Stevens semble avoir perdu de nombreux acquis. Plusieurs proches d’enfants autistes nous ont d’ailleurs alertés à ce sujet. "Par exemple, il n’est plus propre. Avant il allait aux toilettes et maintenant il ne le fait plus. C’est peut-être une manière à lui de se manifester. On ne sait pas", s’interroge Didier, submergé par un sentiment d’impuissance. "En temps normal, il aime sociabiliser en prenant le bus ou en allant dans les magasins. Mais comme il ne veut pas mettre un masque, ce n’est plus possible et cela entraîne une grosse perte de sociabilisation", regrette-t-il. 

Porter un masque ? "C’est très compliqué !"

Au mois d’août, les parents de Stevens ont perçu la possibilité d’un retour à l’école comme une bouffée d’oxygène tant attendue. Mais l’obligation du port du masque pour les élèves de secondaire est vite apparue comme un obstacle de taille. "Il y a 10 jours, on nous disait que le masque était obligatoire pour les écoliers de plus de 12 ans aussi bien en institution qu’à l’école. Stevens aurait donc dû porter un masque de 7h du matin à 21h, sauf pendant les repas et les moments où il se lave. Le renforcement de l’hygiène des mains avec un lavage plus régulier des mains, cela ne pose pas de problème pour notre fils. Par contre, lui mettre un masque, c’est mission impossible", assure Didier.

Leur espoir s’est donc mué en déception. Tant pour eux que pour Stevens, visiblement marqué par cet isolement imposé.

Une dérogation possible pour certains élèves ?

"Heureusement, il y a eu du changement grâce à plusieurs associations. Les jeunes handicapés mentaux ne doivent plus mettre un masque. Il y a quelques jours, on a d’ailleurs reçu un email pour nous informer que le port du masque n’est plus obligatoire ni dans l’école ni dans l’internat, si on fournit un certificat médical", indique Didier.

"Donc, les professeurs et les éducateurs le portent mais pas les adolescents. Même si on nous conseille quand même d’essayer de temps en temps pour les habituer. Et nous, en tant que parents, l’accès dans l’internat nous est interdit. On doit déposer notre enfant à l’entrée et repartir", détaille le papa.

Dans l’enseignement spécialisé, nous avons l’habitude de mettre en place des choses différentes

18.000 jeunes dans l'enseignement secondaire spécialisé

Stevens n’est évidemment pas le seul concerné par cette situation. Pour l’année scolaire 2019-2020, un peu plus de 18.000 jeunes étaient au total scolarisés en Fédération Wallonie-Bruxelles dans l’enseignement secondaire spécialisé.

Celui-ci se répartit en sept types d'enseignement:

  1. retard mental léger
  2. retard mental modéré ou sévère
  3. troubles du comportement et/ou de la personnalité
  4. déficience physique
  5. maladies ou convalescence
  6. déficiences visuelles
  7. déficiences auditives

Le type 1 accueille environ la moitié des élèves fréquentant l’enseignement spécialisé, qui est organisé en quatre formes, pour prendre en compte le projet personnel de chaque jeune:

  1. enseignement secondaire spécialisé d’adaptation sociale
  2. enseignement secondaire spécialisé d’adaptation sociale et professionnelle
  3. enseignement secondaire spécialisé professionnel spécialisé
  4. enseignement secondaire général, technique, artistique et professionnel de transition ou de qualification

La forme 3 accueille deux tiers des élèves et délivre des certificats de qualifications spécifiques dans des métiers variés. 

L’établissement scolaire du fils de Didier situé à Chièvres s’appelle le Trèfle. Il est notamment destiné aux adolescents présentant un trouble autistique avec un retard mental léger ou modéré. Nous avons pu joindre un membre du personnel éducatif pour évoquer la reprise des apprentissages au sein de l’école (formes d’enseignement 1,2 et 4).

De manière générale, tant les professeurs que les éducateurs n’ont visiblement pas d’appréhension pour cette rentrée particulière. "Dans l’enseignement spécialisé, nous avons l’habitude de mettre en place des choses différentes. On rassure les élèves inquiets et on s’adapte au mieux avec les moyens à notre disposition", souligne l’éducateur.

Le port du masque n’est pas obligatoire pour tous les élèves

Concernant le port du masque, il confirme les informations de Didier: "D’après la circulaire que nous avons reçue, le masque n’est pas obligatoire pour tous les élèves. Les parents doivent compléter une dérogation avec un avis médicalisé". Il rappelle toutefois que c’est un moyen de protection conseillé. "Certains enfants peuvent ressentir des craintes. Il est préférable qu’ils mettent donc un masque. Mais ce n’est pas obligatoire. Nous devons agir en bon père de famille en renforçant les gestes barrière", ajoute-t-il.

Dans la circulaire signée par la ministre de l’enseignement Caroline Désir, des mesures spécifiques existent en effet pour l’enseignement spécialisé. Pour les formes 3 et 4, le port du masque doit être la règle mais un élève peut l’enlever "temporairement si son état médical l’impose" ainsi que pendant les pauses et les activités sportives. Pour les formes 1 et 2, voici la recommandation: "port du masque si possible pour les élèves sur base d’une analyse de risque". 

Je suis contente de revoir les élèves et eux aussi ont besoin de reprendre l’école

Et les enseignants ? "On aspirait à une rentrée scolaire"

De son côté, le personnel doit porter un masque dans tous les contacts si la distance physique ne peut pas être respectée. L’enseignant doit en mettre un pendant le cours, lorsqu’il parle à voix haute et qu’il se déplace entre les bancs.

"On vient de recevoir toutes les instructions et informations nécessaires, notamment concernant le masque", témoigne Véronique, enseignante dans une école secondaire spécialisée en région liégeoise. Elle donne des cours pratiques d’éducation sociale et familiale. Un métier qu’elle exerce depuis 20 ans.

"On aspirait tous à une rentrée scolaire. Je suis contente de revoir les élèves et eux aussi ont besoin de reprendre l’école. On va essayer de limiter le décrochage scolaire", espère-t-elle. Pour Véronique, c’est désormais la priorité. "Je suis plus sereine qu’il y a quelques mois. La crainte d’être contaminée par le virus est toujours présente. Mais aujourd'hui c’est une autre approche. A un moment, la vie continue et elle doit continuer. Nous avons été arrêtés longtemps et c’est un risque à prendre", estime-t-elle.

Un avis que partage Didier. "Le retour à l’école va nous apaiser et nous redonner un peu de temps pour souffler et récupérer", se réjouit le papa de Stevens. 


 

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