L'une des applications les plus célèbres au monde a reçu un accueil mitigé en Europe, et en Belgique. Quelques années après son arrivée (et quelques manifestations, décisions de justice, etc…), les choses ont bien changé. Tout le monde ne peut pas devenir un chauffeur Uber en téléchargeant l'application, il y a désormais des règles à suivre. Et surtout, une licence à obtenir. Tout est clair, dès lors ? Pas vraiment...
Depuis quelques années, Uber a eu droit à une publicité plutôt négative, suite aux innombrables polémiques, procès, manifestations, etc…
Pourtant, l'entreprise américaine part d'une excellente idée: connecter des chauffeurs et des clients à travers une application très bien foutue pour smartphone. Elle localise les voitures, note les chauffeurs, et facilite le paiement (via l'application où il faut enregistrer une carte de crédit).
Mais l'ultralibéralisme américain traverse rarement l'Atlantique sans provoquer la levée de boucliers des corporations. Celle des taxis, surtout à Bruxelles, n'a pas vu d'un bon œil l'arrivée d'un concurrent moins cher, nettement plus convivial et en partie plus sûr (grâce aux notes attribuées aux chauffeurs par les utilisateurs).
uberPop est vite mort…
En Belgique, comme ailleurs en Europe, la gronde était telle que les autorités politiques et la justice ont du intervenir pour trancher. Après quelques mois, Uber a du mettre un terme à ses activités, et revoir sa manière de travailler. Le principal reproche qu'on faisait à cette plateforme était de ne pas respecter les règlementations en matière de transport rémunéré de personnes. En effet, n'importe qui pouvait devenir un chauffeur Uber, un simple permis de conduire suffisait.
"Le premier service que nous avons lancé à Bruxelles, uberPOP, était une plateforme P2P (peer-to-peer, qu'on peut traduire dans ce cas par 'de particulier à particulier', NDLR) qui offrait à tout le monde la possibilité d’offrir ses services", nous a répondu Uber, qui a finalement accepté de répondre à nos questions… par email uniquement. La petite équipe basée à Bruxelles n'a pas vraiment le temps (l'envie?) de répéter régulièrement aux journalistes le résumé de son histoire mouvementée.
Suite à l'intervention de la justice, Uber a "en effet mis fin à ce service après le jugement du tribunal de commerce".
Le monde idéal selon Uber (© Uber)
… mais uberX et uberBlack sont nés
Pour autant, l'entreprise américaine, qui a continué de lever des dizaines de millions de dollars pour tenter d'imposer son concept partout dans le monde le plus rapidement possible, n'a pas renoncé à notre pays.
"Nous sommes toujours actifs à Bruxelles avec UberX et UberBLACK", nous a confirmé l'entreprise. Soit un service de voiture avec chauffeur standard, et un autre plus luxueux. Ce qui semble choquer une partie de l'opinion publique belge.
"Scandaleux!", nous a écrit Thomas via le bouton orange Alertez-nous. "Mr Nuytemans (le manager d'Uber en Belgique, NDLR) fait l'éloge de Uber, dit que Uber n'a jamais cessé de fonctionner mais a juste changé de nom. Et il se réjouit de son succès ! Ce qui est scandaleux, c'est de voir qu'une société riche comme Uber peut se permettre de fonctionner en toute illégalité, sans risquer d'avoir de graves problèmes. Chaque jour, vous pouvez constater que les 'taxis' illégaux Uber chargent et déchargent des clients partout dans la ville. C'est scandaleux, où est la loi belge dans tout ça?", s'écrie notre témoin.
En réalité, il n'y a plus rien de scandaleux, même si tout n'est pas très clair (voir plus bas). Uber respecte désormais la législation belge, et pour devenir un chauffeur sur la plateforme, il faut remplir des conditions assez lourdes…
Il faut être indépendant avec numéro de TVA pour obtenir une licence (ce qui implique beaucoup de choses)
Les services de Uber actuellement disponibles, uberX et UberBlack, "ne qualifient que les chauffeurs qui ont une licence pour le transport rémunéré de personnes", nous a expliqué l'entreprise.
Il faut désormais un profil bien spécifique pour être chauffeur via l'application Uber, qui elle n'a pas vraiment changé. On peut parler d'un parcours du combattant, qui tranche avec l'apparente simplicité de l'inscription traditionnelle sur une application.
Le point essentiel, c'est qu'il faut une licence dite LVC (location de voiture avec chauffeur). Cette licence peut s'obtenir auprès des trois régions (même si en Flandre, il faut être domicilié dans cette région pour l'y demander). Elle est ensuite valable dans toute la Belgique.
L'obtention de cette licence payante (250€ par an en Wallonie, 682€ à Bruxelles) nécessite d'être indépendant (ou indépendant complémentaire) et d'avoir un numéro de TVA. Tous les particuliers sont donc écartés d'Uber.
Pour obtenir la licence LVC en Wallonie, il faut passer une formation d'une demi-journée à Namur (gratuite), avoir un casier judiciaire vierge, faire la demande d'une plaque d'immatriculation spécifique commençant par TL (pas de supplément), réussir un examen médical (environ 120€ tous les 5 ans), passer sa voiture au contrôle technique tous les 6 mois, et souscrire à une assurance spéciale pour le transport rémunéré de personnes (il faut compter le double ou le triple d'une assurance normale).
Uber aide, sur son site, les futurs chauffeurs à s'y retrouver
Uber rajoute ses propres conditions
De plus, Uber ajoute ses propres conditions, car il tient à maintenir une certaine image de marque. Il faut que la voiture utilisée par le chauffeur ait maximum 7 ans, et qu'elle soit d'une certaine catégorie (sur leur site dédié, la Ford Fiesta est refusée, mais pas la Focus, un peu plus grande).
Enfin, le chauffeur candidat doit réussir le test suivant la petite formation en ligne d'Uber.
Notons que les critères d'Uber sont un peu plus strictes pour les chauffeurs souhaitant rejoindre la plateforme UberBlack, où l'on parle alors de "limousines", genre Audi A6, Mercedes E, etc.
Vous trouverez tous les détails sur le site dédié par Uber à ses chauffeurs.
Malgré tout, une "zone grise" demeure
On pourrait s'imaginer que le problème Uber en Belgique est résolu. En fait, pas vraiment. "Une fameuse zone grise demeure", nous a expliqué Pierre Steenberghen, le secrétaire général du Groupement national des entreprises de voitures de Taxi et de Location avec chauffeur (GTL).
Selon lui, le plus gros problème, c'est que les activités d'Uber en Belgique, "c'est du taxi alors que les chauffeurs roulent avec une licence de location de voiture avec chauffeur". Il y a encore en Belgique une licence 'taxi', et une licence 'location de voiture avec chauffeur'. Une distinction qui n'existe pas chez nos voisins néerlandais, par exemple. En attendant, chez nous, chaque licence a son règlement.
"En théorie, pour une location de voiture avec chauffeur, il faut signer un contrat de 3 heures au préalable. Mais c'est surtout au niveau du prix qu'il y a des différences. A Bruxelles, les prix sont réglementés et imposés aux taxis, alors qu'Uber impose ses propres prix". Des prix qui sont moins élevés que ceux des taxis, forcément. Quelques kilomètres dans Bruxelles sont facturés une dizaine d'euros.
Logiquement, à Bruxelles, la location de voiture avec chauffeur "est liée à un critère de luxe, et coûte au minimum 90€ par prestation (de trois heures)". Alors qu'en réalité, "Uber impose lui-même ses prix".
Bref, les compagnies de taxis ne sont toujours pas d'accord avec les activités d'Uber en Belgique. Et elles ont (elles avaient, en réalité, avant la fermeture d'Uberpop) la justice avec elles. "Taxi Verts pourrait demander des astreintes à Uber, car ils ont gagné en justice à l'époque. Ce serait 10.000€ par infraction constatée, et ce serait la fin d'Uber en Belgique".
Ce que ne souhaite pas spécialement le secrétaire générale du GTL. "Ce qu'on veut, c'est que les règles soient les mêmes pour tout le monde, et qu'Uber respecte complètement la loi".
Vos commentaires