Installé à Merchtem, dans le Brabant flamand, un marchand de voitures d’occasions dénonce une nouvelle règle communale qui exige un permis d’exploitation pour son commerce. Pour l’obtenir, il doit payer des "sommes astronomiques" dans un contexte difficile. Cette situation est-elle la même dans les autres régions ?
"Après deux années de crise Covid, la pilule est dure à avaler. Ces taxes imposées par la commune sont scandaleuses et incompréhensibles", s’insurge Christian via notre bouton orange Alertez-nous.
Depuis 35 ans, ce sexagénaire exerce le métier de marchand de voitures d’occasion. Un héritage professionnel qui s’est transmis de génération en génération : "Avant moi, mon père avait déjà un garage avec des voitures d’occasion".
Il y a environ 5 ans, il déplace son commerce familial de Bruxelles à Merchtem, en périphérie flamande. "J’avais un garage chaussée de Mons à Anderlecht que j’ai dû fermer parce que j’ai été exproprié pour construire une habitation. Ensuite, j’en ai eu un autre tout près, mais finalement le quartier est devenu impossible et je me suis installé à Merchtem, où je loue mon garage. Mon loyer s’élève à environ 2.200 euros par mois. Je vends une trentaine de véhicules qui n’ont pas plus de 3 ans", précise le commerçant.
"Je devais l’obtenir ou alors fermer boutique"
Depuis le déménagement, tout se passe relativement bien. Le sexagénaire travaille avec son fils "sans aucun problème". Mais, en avril dernier, Christian reçoit un courrier inattendu de la commune de Merchtem. "Alors qu’on ne m’avait rien demandé jusque-là, ils ont décidé d’imposer un permis d’exploitation aux night shops, aux bars à chicha, aux vendeurs de CDB, aux revendeurs de voitures d’occasion, etc. Je devais l’obtenir ou alors fermer boutique", se souvient Christian.
Selon lui, pendant plusieurs mois, il rassemble avec son épouse tous les documents demandés. "On a notamment mis en place les consignes de sécurité demandées par les pompiers qui sont venus sur place, comme l’installation d’extincteurs et de lumières. J'ai dû donner la preuve de diverses assurances et j’ai même dû donner un certificat de bonne vie et mœurs", assure le revendeur.
Je dois payer une taxe de 6.000 euros pour recevoir ce permis et une taxe annuelle de 1.500 euros
Mi-novembre, une nouvelle lettre lui informe de l’obtention de sa licence d’exploitation. "J’ai reçu un courrier me disant que la commune m’octroie ce fameux permis. Là j’étais soulagé", raconte Christian. "Ensuite, j’ai vu que je devais payer directement un montant de 6.000 euros pour recevoir ce permis, renouvelable tous les six ans, et une taxe annuelle de 1.500 euros. Alors que j’ai déjà engagé plein de frais pour me mettre en ordre", souligne le sexagénaire.
"Pourquoi mon commerce et pas d'autres ?"
Ne s’attendant pas à devoir payer un tel montant, Christian est particulièrement énervé. Il ne comprend pas pourquoi son commerce est concerné et pas d’autres. "Les revendeurs de véhicules d’occasion doivent payer ces taxes mais pas les vendeurs de véhicules neufs. C’est illogique et incompréhensible. Pourquoi moi je dois les payer ? Mon voisin qui vend des tracteurs neufs ne doit pas les payer. C’est scandaleux", estime le marchand.
D’après lui, lorsqu’il avait son garage à Anderlecht, la commune lui demandait de payer une taxe qui s’élevait à 600 euros par an environ. Christian ne s’attendait donc pas à devoir débourser "ces sommes astronomiques". "Tout le monde est sur le cul. Personne n’était au courant".
C’est juste une véritable manière de racketter les honnêtes travailleurs
Christian estime également que le moment choisi est particulièrement malvenu, en pleine période de crise sanitaire. "J’ai dû fermer mon garage pendant plusieurs mois et cela fait deux ans que je ne travaille plus que sur rendez-vous. Sans parler des problèmes avec la livraison des voitures neuves", énumère le revendeur. "Pour moi, c’est juste une véritable manière de racketter les honnêtes travailleurs", conclut-il.
Cette nouvelle réglementation est-elle identique pour tous les vendeurs de voitures d’occasions en Flandre ? Et dans les autres régions du pays ?
Des différences possibles d'une commune à l'autre
D’après Traxio, la fédération du secteur automobile, la situation varie selon la commune. Certaines législations sont plus strictes et plus onéreuses que d’autres. "Les règles et conditions de demande d'un permis d'exploitation sont déterminées par la commune et peuvent donc différer d'une commune à l'autre", indique Stefan Lesuisse, responsable de la communication chez Traxio. "Dans ce cas-ci, le permis d'exploitation est déterminé par le collège local du bourgmestre et échevins de Merchtem", ajoute-t-il.
Par contre, il existe également un règlement régional pour le permis environnemental.
"La Flandre était beaucoup plus laxiste que Bruxelles"
Par exemple, un marchand de voitures d’occasions installé à Dilbeek nous confie qu’il ne doit payer aucune taxe pour obtenir un permis d'exploitation pour son garage. A Bruxelles, en revanche, certaines communes sont également plus exigeantes avec ce type de commerces. C'est le cas notamment à Molenbeek et à Anderlecht.
Vincent est justement propriétaire de deux garages bruxellois depuis de nombreuses années. Selon lui, pas mal de marchands ont quitté la capitale pour s’implanter dans le nord du pays. "Visiblement, on était beaucoup plus laxiste en Flandre. Dans pas mal de communes flamandes, il n’y avait pas vraiment d’accès à la profession et aucune autorisation n’était demandée, ni taxes. Mais visiblement certaines communes changent leur politique en la matière et serrent la vis", assure-t-il.
Il y a eu une chasse aux sorcières pour les garages
Un durcissement auquel il est également confronté. Cela fait longtemps que Vincent a besoin d’un permis d’exploitation, à renouveler. Mais, selon lui, son octroi était beaucoup plus souple et moins onéreux auparavant. "Il y a eu une chasse aux sorcières pour les garages. Des permis n’ont pas été renouvelés. Ils ont corsé les choses pour éviter les excès et les nuisances. Ces nouvelles politiques visent clairement certains commerces".
Une nouvelle règlementation taxe à Anderlecht
Vincent explique également être soumis depuis peu à une nouvelle règle communale à Anderlecht. Cette taxe annuelle, en vigueur depuis janvier 2021, dépend du nombre d’emplacements de véhicules dont dispose l'entreprise. Ce nombre est repris dans le permis d'environnement qui détaille le nombre autorisé. "C’est 100 euros par an par emplacement. Comme j’ai 69 places, je devrai vraisemblablement payer 6.900 euros pour l'année 2021. Soit quasi le double de ce que je devais payer en taxes", redoute-t-il.
La commune d'Anderlecht confirme qu'il existe deux règlements à respecter. "Nous avons un règlement taxe sur les sociétés import et export de véhicules d'occasion et un règlement taxe sur le dépôt de véhicules usages à partir de trois emplacements. Dans ce dernier règlement, on taxe sur le nombre d'emplacements de véhicules usagés ou hors d'usage. Un véhicule usagé est tout véhicule qui n'est pas neuf", explique la porte-parole de la commune."C'est 100 euros par emplacement de véhicule avec un plancher de 300 euros par entreprise quel que soit le nombre de dépôts dont elle dispose", ajoute-t-elle.
La facture totale sera salée
Vincent devrait donc recevoir une facture de 6.900 euros. Une nouvelle taxe qui s'ajoutera à ses frais habituels. "Si je prends en compte les taxes et le précompte immobilier à payer pour mes bâtiments commerciaux, la facture totale sera salée".
"Je suis bientôt pensionné et je n’ai pas cette somme"
Le marchand bruxellois partage dès lors le "désarroi" de Christian. "Notre secteur souffre actuellement. Même si les ventes des voitures d’occasion sont dopées, nos bénéfices sont moins importants, contrairement à nos frais. La pression est plus forte. Mon père, qui va prendre sa retraite dans quatre ans, me voit désespéré mais je reste malgré tout motivé", assure le commerçant de 35 ans. "Par contre, mes enfants ne vont certainement pas reprendre l’activité familiale", anticipe-t-il.
De son côté, Christian confie ne pas pouvoir payer les 6.000 euros réclamés. "Je suis bientôt pensionné et je n’ai pas cette somme, vu le contexte actuel", regrette le sexagénaire qui compte introduire un recours. "Sinon ce sera la faillite", craint-il.
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