Charlotte, une habitante d'Ath, devait se marier en juillet. Mais elle a dû reporter la cérémonie au 24 octobre. Et à une semaine de la date tant attendue, les mesures sanitaires sont devenues plus drastiques, contraignant la famille à annuler la réception de mariage.
Françoise a attendu ce jour toute sa vie : pouvoir marier sa fille et la voir heureuse, entourée de sa famille. "J'ai élevé ma fille seule, et j'ai mis de côté toute ma vie pour lui offrir un beau mariage", confie Françoise, qui nous a interpellés via le bouton orange Alertez-nous. Malheureusement pour elle et sa fille, ce jour spécial semble s'éloigner de plus en plus, depuis le début de la pandémie de coronavirus en Belgique. Reporté une première fois, ce mariage est maintenant tout bonnement annulé, suite aux mesures annoncées vendredi dernier par le Comité de concertation.
"Tout était prêt pour faire ça dans les règles"
Pourtant, les préparatifs ont commencé, comme pour tout mariage, bien à l'avance. En juin 2019, les premières discussions autour de leur union débutent, pour Charlotte, la fille de Françoise, et son compagnon. La première date fixée est le 11 juillet 2020. Malheureusement, la situation sanitaire oblige le couple à reporter une première fois la cérémonie au 24 octobre. "On se doutait qu’on devrait peut-être encore revoir notre copie, et on est restés sur notre garde", raconte la maman de la future mariée. "Avant les dernières décisions, les mariages étaient encore possibles, à condition de respecter les règles en vigueur dans l'Horeca. On était contents de pouvoir organiser ce mariage, parce que c’était dur de le reporter déjà une première fois. Tout était prêt pour faire ça dans les règles."
Je ne vous dis pas dans quel état sont les futurs mariés
Mais le couperet tombe vendredi dernier, à une semaine du mariage, alors que la famille ne s'y attendait pas du tout. "On était choqués, tétanisés, pas un n'osait adresser la parole à l'autre", complète Françoise. "A une semaine du mariage, je ne vous dis pas dans quel état sont les futurs mariés."
Les nouvelles règles imposent aux futurs mariés d'organiser une réception avec une liste d'invités extrêmement réduite : il n'y aurait que la bulle sociale du couple, soit une seule personne, ainsi que quatre autres personnes. Pour ces quatre personnes supplémentaires, la distanciation sociale et le port du masque sont obligatoires.
Une mariée désabusée
Pour Charlotte, ces mesures sont impossibles à respecter, puisqu'elle attendait 70 convives à sa cérémonie. Pour la future mariée de 28 ans, "tout s'effondre". "C’est cliché, mais je fais partie de ces petites filles qui rêvent de se marier", confie la jeune femme. "Pas besoin de tout le tralala, mais j’attends ce moment depuis longtemps. Je suis fille unique, donc c’était un moment important aussi pour ma maman, qui a mis de côté pour m’aider."
On a mis tellement d’énergie à construire ce mariage une deuxième fois pour suivre les règles
En à peine quelques semaines, Charlotte et sa famille avaient réussi à réorganiser le mariage pour qu'il corresponde scrupuleusement aux mesures imposées. "Ça faisait deux semaines que je ne dormais plus. On a mis tellement d’énergie à construire ce mariage une deuxième fois pour suivre les règles. Toute l’énergie mise là-dedans est perdue."
On voulait se marier avant d'avoir des enfants
Charlotte et son compagnon sont en couple depuis 3 ans, et le mariage est un projet qui leur tient énormément à coeur. Contraints d'annuler cette cérémonie, ils voient d'autres projets être également reportés. "On voulait se marier avant d’avoir des enfants, pour plein de raisons", explique Charlotte. "Ici, si on doit encore reculer ce projet, ça veut dire que les enfants, c’est aussi un projet qu’on doit reporter. Ça remet tout en question. On peut envisager les choses autrement, mais c’est beaucoup de frustrations.'
Françoise, la maman, est effarée face au désarroi de sa fille. "Je ne sais plus quoi dire à ma fille", soupire-t-elle. "Ça m’attriste, je ne sais même pas comment je fais pour vous parler, les larmes sont là, j’ai du mal à en parler. On ne voulait même pas un mariage excessif, on voulait juste manger ensemble."
Des frais importants
L'annulation du plus beau jour de la vie de Charlotte a des conséquences à la fois personnelles, mais aussi financières. Françoise, la maman, qui a beaucoup participé aux préparatifs, nous détaille : "Il y a le traiteur, la salle, le DJ, le gîte pour la famille du marié qui devait venir de France, le fleuriste, les souvenirs, les dragées, le photographe."
Le problème, ce n'est pas l'argent, mais le moral
Tous ces prestataires ont évidemment un coût. "En tout, le mariage coûte plus de 10 000 euros", affirme la maman. "Certains prestataires remboursent au moins l'acompte, mais pas tous. On s’est privés pour avoir cet argent, mais le problème ce n’est pas l’argent, c’est le moral."
Parmi les prestataires choisis par la famille, l'un a énormément accompagné les préparatifs depuis le départ : le traiteur, que Françoise remercie chaleureusement pour sa compréhension.
Cette mariée, je l’ai vue en 2019, puis en 2020, puis en juillet, et enfin pour changer de menu il y a quelques semaines
Pour le traiteur, la désillusion: "Mon carnet de commandes est vide jusqu'en avril"
Olivier Claix est traiteur dans l'événementiel depuis plus de 20 ans à Pipaix, dans le Hainaut. Lorsque nous le contactons, son téléphone est saturé d'appels de ses clients : le traiteur est débordé par les annulations et les reports d'événements. "J'ai passé trois heures à m'occuper des annulations", nous explique-t-il. "J'avais enfin un week-end chargé, la semaine prochaine, mais maintenant tout est annulé."
Olivier se souvient très bien de Charlotte et de l'organisation de son mariage. "Cette mariée, je l’ai vue en 2019, puis en 2020, puis en juillet, et enfin pour changer de menu il y a quelques semaines, et je l’ai vue désespérée. Mais malheureusement je ne peux rien y faire."
À un moment donné, ce n'est plus possible
Chez ce traiteur, un menu de mariage représente un investissement de 90 euros par convive, en moyenne. Ses clients dépensent entre 7.000 et 12 000 euros pour leur mariage, soit des sommes très conséquentes. Face à toutes les annulations, et les reports, le traiteur est en colère. "Mon carnet de commandes est vide jusqu'en avril", affirme-t-il. "Je comprends que des mesures sont nécessaires, mais pourquoi uniquement fermer l'Horeca ? Si on ferme l'Horeca, on doit tout fermer."
Cet indépendant souhaite être davantage entendu, car sa profession se situe entre le secteur de l'Horeca et le secteur év"nementiel. Il estime avoir énormément souffert de la crise sanitaire, et avoir été trop souvent oublié. "J’ai vu un traiteur de 55 ans en pleurs, et pour moi ce n’est pas possible. Je ne peux pas l’entendre. Il faut se battre, mais à un moment donné ce n’est plus possible."
"Je préfère que cette page se tourne"
Quant à Charlotte, elle optera pour un mariage civil sans réception. À la maison communale d'Ath, la salle de mariage peut accueillir maximum 25 personnes en respectant les mesures sanitaires. C'est la dernière option, pour la future mariée. "Ce n’est pas ce que j’imaginais", déplore-t-elle. "C’était quelque chose de doux et chouette à préparer, mais maintenant on en a marre, on n'a pas du tout envie d’en parler, c’est devenu notre cauchemar."
Pour l'instant, Charlotte et son conjoint ne voient pas d'autre solution possible. "On se marie parce qu’on veut se marier, mais j’ai trop peur d’essayer de refaire un projet et d’être à nouveau déçue. Je ne suis pas plus certaine que ce sera possible en 2021, alors je préfère que cette page se tourne plutôt que de remuer le couteau dans la plaie."
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