Depuis la rentrée, les annulations s'enchaînent dans l'institut de beauté d'Elise. La jeune femme voit son projet lui glisser entre les mains : ce mois-ci, son chiffre d'affaires est en chute. Les clientes sont soit en quarantaine, soit positives au coronavirus. À ce rythme-là, l'avenir de son institut devient de plus en plus incertain.
L'institut de beauté d'Elise est le rêve de toute sa vie. Cette habitante de Floreffe, en région namuroise, a mûri cette idée depuis la fin de ses études d'esthétique il y a une quinzaine d'années. À l'époque, elle envisage ce projet avec sa meilleure amie, qui suivait les même études. "On s'est toujours dit qu'on ouvrirait un institut ensemble", témoigne Elise, qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. "Il y a quatre ans, on a eu cette opportunité géniale, dans un endroit idéal."
Voilà donc quatre ans que ce rêve a vu le jour, mais ces dernières semaines, l'aventure est devenue un cauchemar, suite à la crise sanitaire. Les annulations de rendez-vous s'enchaînent, et les rentrées financières s'amoindrissent. Les deux associées craignent même de ne plus être capables de se dégager un salaire à la fin du mois.
9 mois de travaux: "Un beau bébé"
400 mètres carrés d'institut, une multitude de services proposés, de l'épilation, aux soins les plus spécifiques : le projet d'Élise et son associée Valentine est énorme et ambitieux. "On a fait les travaux nous-mêmes", raconte Elise, fière de son projet. "Ça a duré neuf mois, c'est un beau bébé."
À ce moment de leurs vies, chacune des associées possédait déjà son propre salon d'esthétique. Leur pari était donc d'unir leurs connaissances et ressources respectives, pour investir dans le projet de toute une vie. Leurs efforts ont rapidement payé, puisque l'institut d'Élise et Valentine a rencontré un beau succès. "Avant la crise, ça tournait à plein régime", affirme Elise. "On a beaucoup de gens du grand Namur qui viennent. Il fallait deux à trois semaines de délai pour avoir un rendez-vous chez nous. Les clientes devaient vraiment s'organiser à l'avance pour avoir un rendez-vous, et elles préféraient annuler leurs autres plans plutôt qu'un rendez-vous chez nous."
Deux indépendantes au rythme de la crise
Depuis, les choses ont bien changé. D'abord, le confinement du mois de mars a forcé les deux femmes à fermer leur institut jusqu'au 18 mai. Les indépendantes qui prestaient pour l'institut n'avaient plus de clientes, et l'unique employée de l'établissement s'est retrouvée au chômage temporaire.
Les clientes sont plus que des clientes, c'est familial
La réouverture, elle, s'est organisée sous certaines mesures sanitaires indispensables. "Gel hydroalcoolique, désinfectant, plexiglas, masques...", détaille Elise. "On a vraiment investi. Heureusement, une de nos clientes nous a cousu des masques. Les clientes sont plus que des clientes, c'est familial."
Bien que les deux associées semblent pouvoir toujours compter sur leur clientèle, depuis quelques semaines, la donne a changé. "Avant le confinement, on travaillait à 7, et maintenant on n'est plus que 4, et on saurait pas avoir quelqu'un de plus. On a perdu quelques clientes, qui ne venaient plus par crainte du virus, mais ça allait encore. Par contre, là ces dernières semaines, c'est très compliqué. Les annulations se font au compte-goutte, d'heure en heure. C'est vraiment intenable."
"Ce matin, on a encore eu 5 annulations"
Depuis le début du mois d'octobre, les annulations de rendez-vous s'enchaînent. Les justifications des clientes sont systématiquement liées au coronavirus. "Ce matin, on a encore eu 5 annulations", affirme Elise. "Soit elles sont en quarantaine, soit elles attendent les résultats d'un test, ou alors elles ont été en contact avec une personne malade, voire elles sont malades elles-mêmes."
Maintenant, ça se rapproche de nous
Elise et Valentine prennent évidemment ces justifications très au sérieux, puisqu'elles connaissent leur clientèle. Pour elles, ce ne sont pas de fausses excuses. Au contraire, ça les inquiète. "L’étau se resserre autour de nous, on voit de plus en plus de gens contaminés", relève Elise. Après le confinement, on n'avait que des personnes éloignées qui étaient atteintes du virus. Maintenant, ça se rapproche de nous."
L'omniprésence du virus se ressent chaque jour, pour les deux entrepreneures, comme pour beaucoup d'autres indépendants. Les annulations nombreuses de leurs clientes ont de grandes conséquences financières. "C’est très stressant, on ne sait pas comment finir le mois", décrit Elise. "Quand on décroche le téléphone, on a peur : c’est toujours pour nous annoncer une annulation."
Des aides utiles, mais pas suffisantes
Jusqu'à présent, Elise et Valentine ont bénéficié de deux aides wallonnes pour les indépendants durant la crise sanitaire. D'abord, une aide de 5.000€, et récemment une aide de 3.500€. "Ça nous a servi", confirme Elise. "On a utilisé les aides en 3 clics, mais c’est vrai que c’est une goutte d’eau, par rapport à ce qu’il nous fait pour entrer dans nos frais."
Idéalement, le chiffre d'affaires mensuel doit s'élever à 20.000€. Actuellement, les rentrées financières de l'institut sont amputées de moitié à cause des nombreuses annulations de rendez-vous. "Ce mois-ci, il nous manque 10.000€. Ça veut dire qu'en fin de mois, il nous manque nos salaires de gérantes."
Une journée où on devrait faire 1.000€, on en fait 250
Elise et Valentine bénéficient du droit passerelle, ce qui les rassure partiellement. Elles toucheront 1.290€, mais leur situation ne sera pas suffisamment stable, car elles ont deux enfants, et que leurs conjoints respectifs sont également indépendants. "Une journée où on devrait faire 1.000€, on en fait 250", conclut Elise. "Je pense qu’une aide de 5.000€ c’est très utile pour une petite esthéticienne, mais pas pour un institut comme le nôtre. La seule chose qui pourrait nous aider, finalement, c’est que le virus soit moins présent et que les clientes assurent leurs rendez-vous."
"Pour nous c'est mieux qu'on reconfine"
Elise et Valentine l'avouent : à ce rythme-là, un confinement serait à la limite plus simple à gérer, pour ne pas mettre en péril leur établissement. "C’est bizarre, mais quand on a eu un premier confinement, on a eu peur, mais maintenant, il vaudrait limite mieux pour nous qu’on nous ferme. Alors qu’il y a 6 mois, on pleurait pour rester ouvert. La situation est différente. C’est vrai que pour nous, c’est mieux qu’on reconfine, parce que la clientèle n’est plus là."
En attendant des jours meilleurs, les deux indépendantes souhaiteraient que les différents gouvernements puissent tenir compte des différentes situations de chaque type d'établissement, au cas par cas, même si elles avouent comprendre que de telles dispositions soient difficiles à mettre en place.
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