Depuis trois semaines, un projet dépendant d'une grande entreprise belge active dans l'énergie solaire se fait connaître à Bruxelles. Il est question d'une installation gratuite de panneaux solaires chez les particuliers bruxellois, en échange de leurs certificats verts. Le même principe qui a plombé le budget wallon et forcé le gouvernement à mettre un terme définitif aux primes. D'où la méfiance de Samir, qui a contacté la rédaction de RTL info…
Les panneaux solaires continuent de faire parler d'eux, en bien comme en mal. Dernièrement, on a évoqué le cas de Pascal, déçu de ne pas recevoir sa dernière prime annuelle. En Wallonie, après la mauvaise gestion des certificats verts qui ont plombé le budget wallon, la donne est désormais simple: il n'y a plus aucune aide financière pour ceux qui installent des panneaux solaires.
Raison pour laquelle Samir, un Bruxellois dubitatif, a contacté la rédaction de RTL info via le bouton orange Alertez-nous. "J'ai reçu cette lettre: une société me propose des panneaux solaires gratuitement, sans aucun frais. Mais est-ce vrai?", s'interroge notre témoin, qui va jusqu'à soupçonner une arnaque. Mais ce n'est pas le cas.
A Bruxelles, il y a encore des certificats verts
Pour bien comprendre, il faut évoquer brièvement les réglementations en vigueur.
L'environnement est une compétence régionale depuis longtemps. La Flandre, la Wallonie et Bruxelles décident donc, parmi bien d'autres choses, de la manière de subsidier l'installation de panneaux solaires.
On l'a dit, en Wallonie, c'est terminé. Et en Flandre, ça a été fortement réduit. Mais à Bruxelles, pas du tout. La notion de certificats verts (CV), qui a donné des boutons à des propriétaires et politiciens wallons il y a quelques années, est toujours d'application. Le dernier texte qui les régule date de début 2016 mais le principe (l'arrêté 'électricité verte') a été mis en exécution en 2004.
"A Bruxelles, on garantit l'obtention de certificats verts pour 10 ans", nous a confié Adeline Moerenhout, chargée de communication de Brugel, l'autorité de régulation pour les marchés de l'électricité et du gaz en Région de Bruxelles-Capitale.
Quatre fois par an, le propriétaire d'une installation photovoltaïque bruxellois remplit son index en ligne. Et en fonction de la quantité d'énergie produite, il reçoit un certain nombre de CV. Ces certificats, il doit les vendre à un fournisseur d'électricité, ce dernier étant tenu de respecter, sous peine d'amende, un quota (grandissant) de CV à acheter.
"Le prix minimum pour un CV est de 65€", nous explique Brugel. Mais actuellement, vu que ça répond à une notion d'offre et de demande, "le prix moyen est de 95€".
On vérifie la surface la toiture car il faut 8 panneaux minimum. Et l'orientation, car il faut éviter l'ombre
PAS une arnaque, mais il y a des critères
Il y a donc encore des certificats verts à Bruxelles. Il est dès lors effectivement possible pour des entreprises d'installer gratuitement des panneaux solaires chez des particuliers, qui leur cèdent en retour leur CV durant 10 ans, durée garantie par la Région. Pour une maison moyenne (installation d'environ 5.000€), le propriétaire des CV peut compter sur environ 650€ de prime par an, mais ça dépend du cours du précieux certificat.
Dès lors, l'offre reçue par Samir, émanant de Brusol, est totalement authentique. On a contacté un des responsables du projet. "Brusol est un nom commercial, car c'est EnergyVision, un des plus gros installateurs belges actifs surtout au niveau des entreprises et bâtiments publics, qui se cache derrière Brusol", nous a confié le responsable, Lothar De Keyne.
La firme installe gratuitement des panneaux solaires chez les particuliers bruxellois. Mais pas chez tout le monde… "On vérifie la surface la toiture car il faut 8 panneaux minimum. Et l'orientation, car il faut éviter l'ombre", sinon la quantité d'énergie solaire produite n'est pas suffisante, ni le nombre de certificats verts (et l'opération n'est alors plus rentable).
Si vous êtes propriétaire et que votre toiture répond aux critères de l'entreprise, non seulement vous ne payez rien pour l'installation, mais vous évitez également "des frais d'assurance et d'entretien, des réparations éventuelles". Et bien entendu, vous faites des économies sur votre facture d'énergie (mais ça dépend de votre consommation).
L'équipe du projet Brusol...
50 installations en trois semaines
"En seulement trois semaines, on est déjà à 50 demandes d'installation", nous dit le responsable.
Les raisons du succès ? "C'est parce qu'on est les seuls à offrir entièrement l'installation", nous prétend M. De Keyne. "Il y a d'autres entreprises qui installent les panneaux et puis récupèrent les CV, mais elles font payer le propriétaire à un moment donné".
Il est donc clair que le projet bruxellois d'installation gratuite sur le toit des particuliers "n'est pas l'activité la plus rentable" d'EnergyVision, l'entreprise basée à Gand mais active à l'international, et qui équipe principalement des entreprises, grandes et petites. Réalité ou discours marketing (?), Brusol aurait aussi pour but "d'offrir de l'énergie solaire à ceux qui ont moins de moyens financiers".
Et le risque du bulle ?
Le fait d'installer gratuitement des panneaux solaires et de se payer via les primes annuelles promises par les autorités, c'est le principe du 'tiers payant'. Exactement le même qui, victime de son succès, a causé le fiasco wallon il y a quelques années, obligeant les autorités à faire marche arrière et à supprimer totalement les primes (il y aura même bientôt une taxe pour les propriétaires de panneaux).
Et si cette bulle arrivait à Bruxelles ? "La région bruxelloise est bien différente de la région wallonne", nous dit-on du côté du régulateur bruxellois. "Il y a plus de locataires et moins de propriétaires, l'espace disponible sur les toits est moins important, etc. Et on régule, de toute façon, pour éviter la bulle. C'est calculé pour que le marché réponde à la demande".
Une demande relativement stable, comme le prouvent les chiffres que nous avons pu obtenir: il y a eu 287 installations certifiées par Brugel en 2017, pour un nombre total de 3875. De janvier à mars 2018, on en compte 92. Pour une région d'environ 1,2 million d'habitants, c'est peu…
Pas de bulle en vue, donc, à moins que des dizaines d'entreprises se mettent au tiers payant. Mais pas de crainte non plus du côté de Brusol. "Bruxelles est obligée de soutenir l'énergie renouvelable pour atteindre les objectifs européens '2020'. Si la région n'y parvient pas, elle encourt de lourdes amendes". De toute façon, "les certificats verts sont garantis 10 ans, et après, on peut ajuster notre offre, par exemple en faisant payer un peu l'électricité consommée par le propriétaire, comme c'est le cas en Flandre".
D'après l'installateur, il y a encore du travail de communication à faire dans la capitale à propos du photovoltaïque. "A Bruxelles, les gens se méfient, ils ne comprennent pas les mécanismes d'aide". Sans doute à cause de l'exemple wallon, les certificats verts n'ont pas une très bonne réputation. Pourtant, ils sont une réalité, et permettent à des entreprises, pour le moment, d'installer gratuitement des panneaux solaires chez les gens.
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