Diminution du nombre de certificats verts octroyés, fin du 'compteur qui tourne à l'envers': en deux ans, les panneaux solaires en région bruxelloise sont devenus un peu moins intéressants. Toutefois, rappellent les autorités, le retour sur investissement dans des panneaux est toujours réalisé en 7 ans.
Les panneaux solaires et la Belgique, c'est une histoire très mouvementée. Première complication: les règles qui les encadrent dépendent d'un régulateur régional ; elles sont donc différentes en Flandre, à Bruxelles et en Wallonie.
Deuxième complication: les incitants financiers pour encourager les citoyens. On se souvient tous du fiasco des certificats verts en Wallonie: une anticipation catastrophique du nombre d'installations de panneaux solaires et une mauvaise vision de la revente d'un 'droit de polluer' vers les entreprises, a plombé les finances wallonnes. Des milliers de foyers ont 'reçu' leurs panneaux, qui ont finalement été payés par l'ensemble des Wallons… Résultat en Wallonie: plus aucune prime pour les nouvelles installations, et un tarif 'prosumer' déployé progressivement (il faut payer l'électricité produite qu'on ne consomme pas car elle implique une rénovation du réseau).
Si la Flandre s'était montrée moins généreuse dès le départ, Bruxelles – tout en évitant une bulle 'à la wallonne' – continuait de favoriser l'installation de panneaux solaires à travers des certificats verts et un compteur qui 'tourne à l'envers'. En 2018, nous évoquions donc la possibilité de 'recevoir' des panneaux (installation gratuite si on cède les certificats verts à l'entrepreneur).
Mais les choses ont changé en trois ans, selon Thierry, qui a contacté la rédaction de RTL INFO via notre bouton orange Alertez-nous. "En moins d'un an, c'est le deuxième changement dans la manière dont les propriétaires de panneaux solaires sont facturés", nous a-t-il écrit.
Le compteur ne tourne plus à l'envers: "Ce qui va arriver, c'est pire"
Thierry suit de près les règles entourant les panneaux solaires à Bruxelles. Il y a peu, "les propriétaires de panneaux solaires avaient leur compteur qui tournait à l'envers quand ils produisaient de l'électricité, et à l'endroit quand ils en consommaient. Exemple: je consomme 2.000 kW sur l'année, mais j'en ai réinjecté 1.000. Je ne payais donc que 1.000 kW d'électricité et de transport d'électricité", résume notre témoin.
Une fois de plus, on change les règles en cours de route
Depuis 2020, les règles ont changé. Avec la fin de la compensation partielle, les propriétaires de panneaux photovoltaïques ont dû payer le coût du transport/distribution de l'électricité (comme n'importe quel client, cet argent sert à entretenir le réseau électrique). Mais il faut payer uniquement sur la partie de l'électricité réellement consommée, soit Electricité consommée - Electricité produite. Donc, Thierry paie des frais sur 1000 kW (= 2000 kW Electricité consommée - 1000 kW Electricité produite). Ce changement est-il logique pour Thierry ? "Oui et non: le problème, c'est qu'une fois de plus, on change les règles en cours de route. Les gens avaient fait des calculs de rentabilité, et on change tout".
Mais dans quelques semaines, le calcul va être modifié et les frais pour l'entretien du réseau vont être augmentés. "Ce qui va arriver maintenant, c'est encore pire. Brugel (l'autorité bruxelloise de régulation dans les domaines de l'électricité, du gaz et du contrôle du prix de l'eau) annonce qu'il met fin au principe de compensation ('compteur qui tourne à l'envers') en général ! Donc si on consomme 2.000 kW, on paiera les frais sur 2.000 kW, même si on a injecté 1.000 kW sur le réseau". C'est ce que Brugel appelle simplement 'la fin du principe de compensation', qui sera effective le 15 novembre prochain. Une décision qui n'est pas du ressort du régulateur, en réalité. "La fin de la compensation sur la partie énergie relève du Gouvernement et trouve son fondement juridique dans l’arrêté électricité verte", nous dit Brugel.
Revendre son électricité: "On se fait bien avoir"
Un système de 'rachat' de l'électricité est mis sur place pour tenter de compenser cette perte.
Mais selon Thierry, il n'est pas du tout avantageux. "Il faudra avoir un contrat avec un fournisseur d'électricité qui vous rachètera l'électricité produite. Moi, comme je suis prosumer, j'ai une installation de 10 kVa pour mon activité professionnelle, donc je dois déjà revendre mon électricité. Il y a un prix du marché de l'électricité, il varie tous les jours, parfois à la minute, en fonction de la disponibilité de l'électricité sur le marché. En été, quand les panneaux produisent beaucoup, le prix est très bas. C'est l'inverse en hiver. De plus, dans mon contrat, on me le rachète déjà 80% du prix du marché… Mais quand je l'achète, ça peut être à 120% du prix du marché", selon la fluctuation.
Parallèlement à cela, "souvent, on vend l'électricité quand il y a du soleil, donc quand il y a beaucoup d'électricité sur le réseau, et le prix est donc bas. Autrement dit, on reçoit 80% d'un prix bas en été, mais en hiver on paie 120% d'un prix élevé". Bref, on "se fait bien avoir" par rapport à la situation antérieure, selon Thierry. "Tous ceux qui ont acheté avec Brusol (notre exemple de 'tiers payant' du début de l'article): l'entreprise a installé gratuitement les panneaux mais a gardé les certificats verts, en disant: 'Vous gagnez de l'argent sur la facture car l'électricité est bon marché avec le compteur qui tourne à l'envers'. Sauf que désormais, cette électricité doit être payée, et il faut espérer la revendre le mieux possible".
Les certificats verts, "je n'arrive plus à les vendre"
Thierry évoque également la difficulté avec les certificats verts (CV). Non seulement "on en reçoit moins qu'avant" (voir plus bas), mais en plus, "ils sont durs à vendre", estime Thierry.
Il y a trop de certificats verts pour le moment
Les CV sont une preuve de production d'électricité via les panneaux solaires, que l'on doit, là aussi, se débrouiller pour revendre. "Et moi, je n'arrive plus à les vendre pour l'instant. On doit encoder un index régulièrement chez Sibelga qui vérifie et le transfère à Brugel. Et dans Brugel, vous avez un compte, qui vous indique le nombre de CV en votre possession. Brugel fournit une liste d'entreprises susceptibles de les racheter, il faut les contacter. Mais aujourd'hui, sans doute avec le covid et le télétravail, il y a moins de demande pour ces certificats verts. Leur production d'électricité est déjà couverte par les CV qu'ils ont. Moi, ça m'arrive souvent, je les contacte (via email ou téléphone !), je leur demande combien ils veulent me les racheter (90, 95 ou 97 euros. Le minimum est de 65 euros). C'est très manuel. Et j'en ai contacté trois ou quatre à plusieurs reprises dernièrement, et tous me disent qu'il y a trop de CV sur le marché actuellement, et qu'ils ne sont pas acheteurs pour le moment".
Bref, on est loin de l'engouement de notre article de 2018…
Le retour sur investissement est toujours de 7 ans
Que dit Brugel ?
Nous avons contacté Brugel pour lui soumettre les constats et les craintes de Thierry. "Les mesures de soutien à Bruxelles, ce sont les certificats verts, et ils existent toujours", commente d'emblée la porte-parole, Adeline Moerenhout.
Un soutien qui a porté ses fruits: ce tableau de Brugel nous apprend que d'environ 2700 installations en 2017, la région bruxelloise est passée à plus de 5000 en 2018, et pratiquement 8000 en 2020 :
"Dans l'ordonnance électricité, il est indiqué que le soutien doit garantir un retour sur investissement en 7 ans". C'est sur cette base que Brugel a récemment réduit le nombre de certificats verts octroyés par mégawatt/heure produit via une installation photovoltaïque. "On analyse chaque année le coefficient multiplicateur pour voir combien (les propriétaires) reçoivent de certificat vert par MW/h". Ce calcul tient compte "du coût d'une installation photovoltaïque" et de cet horizon de rentabilité à 7 ans. Comme l'affirme notre témoin ci-dessus, "effectivement, il y a deux ans, le coefficient multiplicateur a été revu, mais ça ne change rien, le retour sur investissement est toujours de 7 ans et les propriétaires reçoivent toujours les CV pendant 10 ans", poursuit Brugel.
Le réseau doit être payé par tous les utilisateurs
Le régulateur confirme que "l'autre chose qui a été modifiée, mais ça n'est pas un système de soutien", c'est "la fin de la compensation". Tous les propriétaires de panneaux photovoltaïques "sont obligés depuis des années d'installer un compteur A+ / A-, qui permet de savoir précisément la quantité d'électricité injectée et retirée du réseau". Désormais, "pour tout ce qui est réellement retiré du réseau, le consommateur devra payer". Une modification nécessaire, selon la porte-parole, car "parfois, quand ils produisaient beaucoup d'électricité, ils arrivaient à 0 avec le compteur qui tourne à l'envers, et les propriétaires ne payaient rien pour l'électricité consommée".
Ce qui n'est pas juste, car il utilise un réseau qu'il faut entretenir, mettre à jour, etc. "Le réseau doit être payé par tous les utilisateurs", dit le régulateur.
Quel impact sur la facture ?
Ces modifications ont un impact. Lors du premier changement (fin de compensation partielle), Brugel avait réalisé une étude d'impact sur la facture du Bruxellois propriétaire de panneaux photovoltaïques. Elle était passée, entre 2019 et 2020, de 98€ à 283€ par an (elle a donc presque triplé) pour ceux qui produisaient un peu plus que ce qu'ils consommaient, et de 337€ à 486€ par an pour ceux qui produisaient deux fois moins que ce qu'ils consommaient. Eh bien, cette facture va encore augmenter après le mois de novembre 2021, mais on ignore dans quelle mesure ("nous n'avons pas fait d'étude d'impact").
Pour que ces modifications ne se fassent pas trop ressentir, "on suggère aux propriétaires de lancer leurs machines (séchoir, par exemple) quand les panneaux produisent de l'électricité". Et, de plus, de "contacter leur fournisseur d'électricité pour revendre l'éventuel surplus". On suppose que les conditions vont être simplifiées par rapport à l'expérience 'prosumer' relatée par Thierry, et que les fournisseurs vont proposer des contrats de rachat d'électricité simplifiés dans les prochains mois.
Quoi qu'il en soit, ça n'est pas une bonne nouvelle pour le portefeuille du Bruxellois qui a investi dans le photovoltaïque. Notons tout de même que, comme le répète Brugel, les mesures de soutien 'politiques' n'ont pas vraiment changé (les certificats verts sont toujours là). Ce sont plutôt les fournisseurs d'électricité (Engie, etc) et surtout le gestionnaire du réseau (Sibelga) qui vont recevoir plus d'argent qu'auparavant de la part des propriétaires d'installations photovoltaïques, via leur traditionnelle facture d'électricité.
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